« Tous les noirs sont pareils, sauf Eusébio ». C'est je crois la première fois que je me suis rendu compte des propos racistes dans mes vertes années. C'était en 1961, quand Eusébio, devenu le plus grand joueur de foot du Portugal, a commencé à jouer dans le Benfica de Lisboa, le club qui l'a fait venir en Europe. Il est décédé à Lisbonne dans la nuit du 4 au 5 janvier 2014.
Il n'y avait pas beaucoup de joueurs noirs dans les équipes portugaises de l'époque et c'est une négociation secrète de sa mère avec le club de Lisbonne qui a réussi à l'envoyer dans « la capital de l'empire » arrivé en décembre 1960, à l'âge de dix-huit ans. Il est même parti de Lourenço Marques (aujourd'hui Maputo, capital du Mozambique) avec un nom féminin pour déjouer toute tentative de "rapte". C'est aussi à ce moment-là que la guerre coloniale éclate, en février 1961, en Angola. Et également en décembre 1961, l'Inde annexe les enclaves Portugais de Goa, Daman et Diu. Cette même décennie a vu se développer l'immigration des Portugais -économique, militaire et politique- notamment vers la France et la Belgique.
Eusébio da Silva Ferreira, originaire du Mozambique, né le 25 janvier 1942, à Lourenço Marques (Maputo), fils de Laurindo da Silva Ferreira, un Angolais blanc, cheminot et d'une mozambicaine, Elisa Anissabeni. Son père qui était aussi un amateur de foot, est décédé quand Eusébio avait huit ans. Il a commencé à jouer dans une équipe de rue, «os Brasileiros futebol Club» où tous les "gamins" jouaient les pieds nus et prenaient les noms des joueurs brésiliens, un peu contre l'avis de sa mère...
Très vite Eusébio est un joueur reconnu, adoré, qui a reçu divers surnoms, menino de oiro, pérola negra, the king, pantera negra du fait de son style félin ( ce qu'il n'aimait pas, c'était le début du mouvement des Black Panthers aux EUA). Son palmarès est impressionnant, 671 buts dans toute sa carrière officielle, onze fois champion du Portugal avec Benfica, cinq coupes et un titre de champion européen... Le premier Portugais à être considéré le meilleur jouer en Europe en 1965. Les journaux spécialisés disent tout sur ses qualités et ses exploits.
C'est un billet de nostalgie, alors que le foot ne m'a jamais beaucoup séduit, son nom et son aura dominaient la scène portugaise du début des années 60 et tous les gosses d'alors découvraient qu'il y avait un Noir Portugais pas comme les autres! D'ailleurs, il semblerait que Salazar s'était opposé à son transfert à l'Inter de Milan. Considéré "patrimoine national", il n'était pas question de vendre le bijou de la famille...