En salle le 9 novembre 2022, important d'aller le voir et nécessaire de le faire connaitre...
C’est un documentaire pour le cinéma que Simon Depardon et Marie Perennès, les réalisateurs de Riposte Féministe, ont voulu faire, en suivant une dizaine de groupes de militantes féministes dans dix villes, qui collent ces feuilles blanches avec des slogans peints en noir sur les murs de nos villes. Présenté au Festival de Cannes elles y ont fait entendre leur message en affichant les noms de 129 femmes assassinées par leurs conjoints ou leurs ex-.
Les collectifs qui nous sont présentés sont variés par leur composition et organisation. Riches des parcours de leurs activistes, en permanence dans l’échange d’idées, de méthodes mais aussi dans ‘‘le faire’’ qui soude leur détermination. Dès la préparation jusqu’au collage, parfois acrobatique mais toujours là pour nous éveiller, nous questionner... C’est dans le partage de ce ‘‘faire’’ que l’unité et la pertinence de leurs actions mobilisent et nous alertent.
En suivant les collectifs de ‘‘femmes colleuses’’, un des signes les plus significatifs c’est l’appropriation de l’espace public, de cette façon d’y imposer sa présence y compris la nuit (sur un terrain souvent hostile) et d’y laisser sa trace sur les murs même si parfois c’est éphémère !
Le trouble à l'ordre public ce sont les violences faites aux femmes !
La critique sur l’action violente ne correspond pas à ces actions militantes qui, à mon avis, alertent par un acte pacifique les passants et passantes saisi.e.s par la force du message. Même si, et c’est une des militants qui l’évoque ‘‘le patriarcat est violent, sa destruction le sera aussi’’. Sans doute à réfléchir car cela englobe la confrontation dans l’Histoire entre ‘‘dominant.e.s vs dominé.e.s’’
Une des militantes évoque les interpellations de la police, plus dérangeantes que les interventions de passants opposés ou de ‘‘voisins des murs des colleuses’’. On les accuse de troubler l’ordre public alors que, s’il y a trouble, ‘‘c’est qu’en six mois il y a eu une quarantaine de féminicides’’, s’exclame Laurence Rossignol, ancien ministre, proche du collectif filmé à Compiègne.
Le pari de Simon Depardon et Marie Perennès parait tout à fait réussi de rendre public, là aussi en s’appropriant de l’espace grand écran, pour mettre à l’ordre du jour la question des féminicides, des agressions faites aux femmes et finalement de la violence vers l’Autre dans notre société. Les violences faites aux femmes ce n’est pas seulement le geste violent ou meurtrier d’un homme sur une femme, c’est aussi l’exclusion, le rejet, la volonté d’éliminer l’Autre, et pas que symboliquement.
Les réalisateurs ont su, de façon fluide et sans directive autre que celle de laisser libre cours aux singularités de chaque collectif voire des différences même à l’intérieur. C’est également un pas important dans la diffusion d’une des formes d’assumer l’engagement féministe en l'exposant sur la place publique à la vue de tout le monde.
Présentant le film au Forum des Images dans la séquence 100% doc, Simon Depardon l’exprime simplement « un film ne change pas le fond des choses mais peut permettre, aux spectateurs, d’aller un peu plus au fond des choses ». C’est, me semble-t-il, bien le cas.
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Mediapart accompagne la sortie nationale de RIPOSTE FÉMINISTE, un film de Marie Perennès et Simon Depardon, avec un premier ciné-débat le mercredi 9 novembre à 20h30 au 3 Luxembourg, Paris 6. La séance sera suivie d'une discussion avec Valentine Oberti et Lenaïg Bredoux, journalistes à Mediapart.
* * * Les éditions du Seuil ont publié le livre de la "Riposte Féministe", avec de nombreuses photos du documentaire, et une préface d'Elvire Duvelle-Charles, journaliste et Claudine Nougaret productrice et réalisatrice.