Surprenante la démission de Lecornu, presque courageuse, en ‘jetant l’éponge’ et renvoyant la balle à son mentor (même si certains esprits mal tournés se demandent s’il ne s’agissait pas d’un coup-macroniste). Et en effet un trilemme se présente au président dans le scénario d'une fin de règne annoncée !
I.
La démission.
Revenons à l’origine de cette phase du deuxième quinquennat...
En 2022
Emmanuel Macron remporte l'élection présidentielle 2022 avec 58,5% des suffrages contre 41,5% pour Marine Le Pen.
Les législatives qui s'en suivent, pour ‘Ensemble’, parti du Président, il est en tête à l'Assemblée nationale avec 245 sièges, mais perd sa majorité absolue. Les partis de la NUPES obtiennent 131 sièges, le double pour les partis de gauche par rapport à 2017. Le RN fait une percée électorale avec 89 députés. C’est la première fois sous la Vème. République que le président élu n’a pas une majorité à l’Assemblée.
En 2024
Lors des élections européennes 2024 en France, la liste du Rassemblement national (RN) arrive en tête avec 31,37 % des suffrages. Elle devance largement la liste de la majorité présidentielle (14,60 %), suivie de près par l'alliance Parti socialiste/Place publique (13,83 %). Quatre autres listes franchissent les 5 % de voix nécessaires pour envoyer des élus au Parlement européen.
C’est trop pour Macron, qui se sent désavoué, à juste titre! Il aurait pu s’en rendre compte à la suite des précédentes législatives de 2022… Sans avertir grand monde, même pas son premier-ministre Gabriel Attal, il décide la dissolution de l’Assemblée. Surprise, tollé, colère mais c’est fait et nouvelles législatives.
Les élections législatives 2024 suite à la dissolution confirment le "désamour" pour Macron. Pour rappel, voici les résultats qu’on sait :
NFP (gauche) 174 sièges ; Ensemble (macronistes et alliés) 156 sièges ; RN (LePen-Ciotti ) 143 sièges ; LR & DVD (Républicains et alliés) 66 sièges. Pas de majorité mais la gauche arrive en tête des votes exprimés.
La ‘‘déroute’’ du parti du président est évidente. On pourrait penser légitimement qu'à la suite de plusieurs ‘‘déconvenues électorales’’ d’un président, en démocratie, cela l'amènerait à ‘‘rendre son tablier’’ et démissionner. Rien ne l’y oblige sauf l’éthique, la morale et vouloir la clarté politique.
Refusant de nommer un/une premier-ministre issu du parti ou mouvement majoritaire à la sortie des urnes et après avoir beaucoup tergiversé, se faisant aider par les JO, il garde le gouvernement Attal, démissionnaire, chargé des affaires-courantes pendant 51 jours.
Ils s’ensuivent les gouvernements Michel Barnier qui est resté 99 jours. Et après François Bayrou six mois et vingt-six jours.
Dans les heures qui ont suivi la démission de Bayrou (suite au vote des députés de ne pas lui accorder la confiance) Macron nomme un des ministres démissionnaires, Lecornu (son ombre), premier-ministre du gouvernement suivant qui restera 26 jours.
Cette succession de désaveux n’ont pas amené le président à "prendre ses responsabilités", faisant semblant, de rester le maître des horloges comme il aime à se qualifier.
Pour ce premier point du trilemme, la démission ne semble pas avoir, tant soit peu, occupé l’esprit de ce Président toujours au-dessus de la mêlé !
Aujourd'hui demander la destitution du Président par une motion déposée par des députés ne me semble pas pertinente et surtout n'étant pas de nature à aider à clarifier la situation politique auprès de la majorité des citoyens.
En revanche, ce genre d'initiatives, qui animent les états majeurs politiques, est vouée manifestement à l'échec, et renforce l'incompréhension pour la majorité de la population, contribuant au jeu de l'extrême-droite. Et on sait que l'élection présidentielle est attendue depuis longtemps comme une "opportunité" par LePen pour l'échéance de 2027 (ou avant, qui sait!).
II.
Une deuxième dissolution
C’est une des hypothèses et peut-être celle qui est la plus citée et probablement la plus plébiscité.
Là aussi on pourrait s'attendre qu’il referait la proposition aux citoyens comme il l’avait fait le 9 juin 2024 "J'ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l'Assemblée nationale."
Dans Le Monde du 14 du 14 juin 2024, une confidence rapportait une parole du président, en privé, commentant la dissolution, (sans être vraiment démentie par l’Élysée... «Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent…». Le résultat dans les urnes laissent entendre ‘‘qu’ils s’en sont sorti…" ce qui n’est pas tout à fait le cas des victimes des grenades-lacrimo des violences policières au long de ses quinquennats.
Une dissolution en 2025, plus d'un an après la précédente et surtout ce que cette manœuvre laisse prévoir, me semble-t-il c'est une nouvelle montée de l'extrême-droite. Dans un récent sondage le Rassemblement National et ses alliés, totalisent en moyenne 32% d'intentions de vote. Derrière, on retrouve le Nouveau Front populaire (NFP), en cas de législatives anticipées, 25 % des sondés plébisciteraient le candidat commun de la gauche. En troisième position, le bloc central le camp présidentiel, qui regroupe Renaissance, le Mouvement démocrate (MoDem), Horizons ou encore l'Union des démocrates et indépendants (UDI) sous la bannière Ensemble pour la République, est donné à 14,7 % d'intentions de vote en moyenne dans les sondages.
Faut-il souhaiter une deuxième dissolution sachant que LePen & Compagnie guettent au coin de la rue...?
III.
Un sixième premier-ministre depuis 2022
C’est l’autre élément du ‘‘trilemme’’ qui, pour l’heure, Macron semble privilégier à condition qu’il puisse ‘‘contrôler’’ le ou la premier-ministre selon ses propres directives. Il estime ainsi comme la seule réponse qui ne remettra pas en cause ses orientations et sa politique depuis 2017.
L’hypothèse d’un.une premier-ministre de la gauche, Nupes, me paraît aujourd'hui une revendication casse-gueule. Autant en 2024 c’était juste et avait du sens dans l’engagement social et politique à la suite des législatives (et des européennes), autant aujourd’hui cela me paraît plutôt une forme d’enfermer et d’enfoncer toute politique de gauche, ayant une intention sociale, politique, de justice et de solidarité.
Sachant l'influence des médias qui "informent et distillent" les nouvelles et s'approprient et diffusent les opinions du pouvoir actuel, l'arrivée hors le temps électorale serait plutôt une proie facile pour les Boloré, Arnault and Co. et un punchingball pour la droite et l'extrême-droite à l'Assemblée.
Outre le fait que les forces de gauche sont extrêmement divisées, avec une accumulation de procès d'intention sur l'obtention du badge "plus à gauche que moi tu meurs"!
Par ailleurs les déclarations de Retailleau ce matin sont explicites et il ne cache plus ses intentions. Après avoir fait tomber le gouvernement Lecornu (qui a tenu 14 heures), la violence de ses propos en témoigne de son objectif de bâtir un gouvernement d'honnêtes gens avec trois cibles "l'immigration, la sécurité, l'assistanat"!
Le devenir du contexte politique est très incertain et le retour aux urnes, même risqué, semble l'hypothèse la plus crédible même si on peut craindre un affaiblissement des résultats d'une gauche élargie. Il nous reste la mobilisation sociale, citoyenne, populaire, sans accommodements de circonstance, et sans discours clivant qui s'avère toujours démobilisateur et surtout inopérant.