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Billet de blog 8 septembre 2021

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Ouistreham : « le travail des invisibles »

Un film adapté d’un livre suscite souvent la comparaison et parfois la critique « ce n’est pas fidèle ». Mais il s’agit de deux modes d’expression différentes qui peuvent ou pas se compléter. Le propre d’un réalisateur est d’apporter sa touche singulière, son regard, sa créativité sur le récit choisi. C’est le cas du film Ouistreham d’Emmanuel Carrère.

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Adaptation du livre "Le quai de Ouistreham de Florence Aubenas, journaliste, qui décrit le travail et les conditions de vie des ouvrières (et de quelques ouvriers) de nettoyage. Florence Aubenas était "partie en reportage" se faisant embaucher, via pôle emploi, dans une entreprise de nettoyage.

Ici, la journaliste devient écrivaine et Marianne Winckler, (excellente interprétation de Juliette Binoche) s’invente un personnage pour écrire sur le travail des "invisibles", ceux et celles qu’on ne voit pas et qui sont "essentiels" pour notre confort et bien être.
Une façon d’écrire, de faire connaître de l’intérieur, la vie de tous les jours des femmes et des hommes qu’on désigne "en bas de l’échelle"... [60 lits à faire en 1h30, nettoyer une chambre et ses sanitaires en moins de 4 minutes]

Ce sont des acteurs non-professionnels, sauf Juliette Binoche, dont on connaît son engagement et qui a beaucoup œuvré (insisté) pour convaincre Florence Aubenas à autoriser l’adaptation au cinéma. La qualité du récit et le jeu d’acteurs méritent d’être soulignés rendant avec finesse et acuité cette "immersion" dans un autre monde, riche de séquences émouvantes, du partage de solidarités vraies, sincères, dans des vies fragiles, vulnérables et peu reconnues.
Le roman de l’écrivaine ne fera pas changer la vie des ouvrières du nettoyage, mais son "intention" est de faire changer le regard voire de dénoncer les conditions imposées aux salariées. Et il reste la colère de Christelle, celle qui était devenue une complice et qui se sent trahie par sa "collègue" qui finalement était là pour espionner même si c’était pour la bonne cause...

C’est bien une question qui n’a pas, ne peut pas avoir, de réponse définitive sur le bien-fondé d’un travail où quelqu’un se fait passer pour quelqu’un d’autre... pour arriver à ses fins. Florence Aubenas, grand reporter, ex-otage (enlevée en 2005 à Bagdad) prolongeait en quelque sorte son job de rendre compte, faire connaître. C’est un autre aspect du film qui me semble pertinent sur ce qu’il nous donne à penser.
Pour tout cela le film d’Emmanuel Carrère vient, comme le livre, nous alerter sur ce que très souvent nous ne voyons pas. Faire "connaître ou reconnaître" le travail des "invisibles"!

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