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Billet de blog 13 avril 2010

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Le Soleil trace la route de Sandrine Bonnaire

La lecture du livre de Sandrine Bonnaire nous remplit de ce plaisir simple qu'on éprouve lorsqu'on apprend un peu plus, sur quelqu'un qu'on apprécie. Je la connaissais un peu à travers quelques personnages de son répertoire mais je n'en savais rien... sauf son air volontaire, son visage ouvert et accueillant, ses éclats de rire.

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La lecture du livre de Sandrine Bonnaire nous remplit de ce plaisir simple qu'on éprouve lorsqu'on apprend un peu plus, sur quelqu'un qu'on apprécie. Je la connaissais un peu à travers quelques personnages de son répertoire mais je n'en savais rien... sauf son air volontaire, son visage ouvert et accueillant, ses éclats de rire.

C'est ainsi qu'en refermant son livre de «conversations avec Tiffy Morgue et Jean-Yves Gaillac» j'ai trouvé que le titre correspondait bien à ce qu'on peut retenir de sa vie et de ses engagements courageux: «Le soleil me trace la route».

La «môme de Grigny» (banlieue parisienne de la fin des années soixante-dix), c'est de là qu'elle est partie. D'une famille nombreuse (onze enfants, dont cinq filles), un père ajusteur, une mère qui travaille beaucoup à la maison et fréquente les témoins de Jéhovah. Venus du côté de Moulins (Allier) ils s'installent dans l'Essonne dans ces nouvelles constructions d'une urbanisation galopante.

Elle admire Bardot, se verrait bien en Clodette tout en préparant un CAP de coiffeuse.

*

Après un essai comme figurante dans La Boum 2, par un coup de chance elle remplace sa soeur Lydie à une audition. C'est là que tout commence.

Maurice Pialat la choisit pour A nous Amours. Il va y jouer le rôle de Roger, père de Suzanne (Sandrine Bonnaire), une sorte de confrontation à leur propre histoire.

C'est une partie importante du livre la relation à Pialat, émouvante, sincère, vraie et surtout on sent combien ce rapport a été le déclencheur, l'apprentissage, les classes, l'ouverture à la formation de Sandrine Bonnaire.

Et Pialat lui reconnaît cette qualité, «elle ne joue pas pour elle, mais pour les autres». De la générosité à l'exigence : «C'est quelqu'un qui se croit beaucoup. Comme tous les gens qui ont une valeur».

C'était en 1983, deux films plus tard Agnès Varda lui offre le rôle de Mona, en 1985, une jeune fille trouvée morte de froid dans un fossé, et elle va reconstituer son parcours avec tous ceux qui ont croisé sa route pendant cet hiver.

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Après avoir reçu le César du meilleur jeune espoir féminin en 1984 pour A nos Amours, c'est celui de la meilleure actrice qui la reconnaîtra en 1986 pour Sans toit ni loi qui recevra aussi le Lion d'Or au Festival de Venise. Relation plus difficile avec la réalisatrice, «on a essuyé quelques orages», mais une interprétation qui a laissé trace.

Sa carrière était lancée et il nous est donné d'apprécier la qualité et la finesse de ses propos sur quelques uns des réalisateurs avec qui elle a travaillé, Téchiné, Doillon, Claude Sautet, à la recherche d'une remplaçante de Romy Schneider, «je l'ai rencontré trop tôt»; Leconte mais aussi des acteurs, Lucchini, Depardieu, Michel Blanc...

Quelques pages sont consacrées à son expérience de travail avec Raymond Depardon (chapitre «le bruit du silence») autour du film sur l'affaire Claustre (archéologue française enlevée en 1974, avec d'autres, dans le désert du Tibesti, nord du Tchad). Trois mois de vie dans le désert, de rencontres avec d'autres références et de découverte du silence. La captive du désert, sorti en 1990 marque aussi un autre moment d'apprentissage et de maturité. Son regard sur Depardon est émouvant de respect et de reconnaissance.

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Il y a aussi le théâtre et le passage avec Bernard Sobel (créateur de l'Ensemble Théâtrale de Gennevilliers, en 1963). C'est en 1990 qu'il la dirige dans La bonne âme de Sechuan. «Cet homme est vraiment formidable, il m'a tout appris. C'est mon Pialat du théâtre (...) et m'a fait découvrir un peu de cette fameuse culture qui me faisait défaut».

Dans son appétit d'apprendre, de connaître, Sandrine Bonnaire fait une remarque très touchante sur Sobel «Il était super quand il me disait avec un sourire d'une bonté pleine de charme: «Tu n'as pas lu ça? Eh bien, tu as de la chance, c'est vraiment à découvrir. Je regrette de ne plus pouvoir éprouver ce plaisir-là». Il me rassurait. Comme ces profs qui font aimer les maths. Alors qu'on a toujours été nul...» C'est cette humilité d'apprendre, qui permet le plaisir et la volonté de savoir, dont elle nous fait «cadeau» tout au long de son livre.

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Sandrine Bonnaire parle beaucoup des «frangines» et de son film sur sa soeur, Elle s'appelle Sabine. Son récit, le chemin qui la conduit à imaginer et à faire ce film, au delà de cette expérience familiale est aussi la prise de conscience de la situation dans laquelle se trouvent de nombreux jeunes, ayant des «perturbations psychologiques ou troubles mentaux» et pour lesquelles peu de structures mais surtout peu de moyens de dépistage et d'accompagnement existent qui prennent en compte la globalité des problématiques.

Je n'avais pas vu son film, et j'ai eu l'occasion d'assister à la séance du dimanche matin à la Cinémathèque (le 11 avril). C'est un film fort, de retenue et de dévoilement, qui aborde la question de la maladie mentale, de la différence et de la façon dont on la traite et on la diffuse. Des séquences qui rendent bien compte du travail minutieux des éducateurs-soignants.

Dans son film, elle prend le temps de nous introduire dans le monde de Sabine, celui d'aujourd'hui et celui d'hier, ces deux temps qui bornent celui de son internement, pendant cinq ans, où on a l'impression que l'hôpital psychiatrique fermé n'a pas eu l'occasion -ou ne s'est pas donné les moyens- de découvrir Sabine, d'ausculter toute sa force de vie.

Son film, présenté à Cannes en 2007, à la Quinzaine des réalisateurs, a obtenu le Prix de la presse cinématographique (FIPRESCI). Tourné de juin 2006 à février 2007 à Montmoreau (Charente) dans le foyer d'accueil médicalisé de l'APEC (Agir pour la protection, l'Education et la Citoyenneté) association qui anime des structures spécialisées dans la prise en charge de troubles mentaux.

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Ce beau livre, est ponctué par quelques pages de son journal intime, d'interrogations et d'admiration pour ses deux parents. Elle décrit son attachement à sa copine de classe, sa voisine, son amie intime, aujourd'hui disparue, Ouidad,d'origine algérienne, qui l'a beaucoup accompagnée dans certains de ses premiers films. Quelques lignes sur le désert et auprès d'autres femmes, nous font penser à ce même respect qu'elle montre à l'égard de leurs cultures.

Ils sont journalistes et scénaristes, ses deux «compagnons d'écriture», Tiffy Morgue et Jean-Yves Gaillac et il me paraît que ce livre singulier sur Sandrine Bonnaire révèle bien leur justesse de regard et dans les questions qui vont de pair avec l'énergie et la croyance de vie de cette atypique actrice et maintenant réalisatrice.

Les «trois auteurs» nous font voyager dans une histoire de vie, dans une histoire professionnelle, dans un parcours plein d'humanité.

http://www.editions-stock.fr/livre/Editions-stock-Livre-5463237-Le-soleil-me-trace-la-route-Sandrine-Bonnaire.html

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