ARTHUR PORTO (avatar)

ARTHUR PORTO

Abonné·e de Mediapart

846 Billets

2 Éditions

Billet de blog 14 décembre 2013

ARTHUR PORTO (avatar)

ARTHUR PORTO

Abonné·e de Mediapart

Ajar et Echenoz sur les planches!

Deux romans, deux écrivains au théâtre. Gros-Câlin d'Emile Ajar et Ravel de Jean Echenoz. Histoire de prolonger ainsi le plaisir de la lecture et de découvrir deux représentations théâtrales, créatives nous captivant dans l'univers de ces romanciers, mis en scène par Anne-Marie Lazarini et Bérangère Bonvoisin. Et tout ceci dans le théâtre privé!

ARTHUR PORTO (avatar)

ARTHUR PORTO

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Deux romans, deux écrivains au théâtre. Gros-Câlin d'Emile Ajar et Ravel de Jean Echenoz. Histoire de prolonger ainsi le plaisir de la lecture et de découvrir deux représentations théâtrales, créatives nous captivant dans l'univers de ces romanciers, mis en scène par Anne-Marie Lazarini et Bérangère Bonvoisin. Et tout ceci dans le théâtre privé!

* RAVEL

De lui je connaissais le Boléro, Shéhérazade, ou j'identifiais à peu près la Rhapsodie espagnole, je savais par ailleurs que c'était un dandy. La lecture d'Echenoz m'a fait rentrer un peu dans l'intimité du compositeur. J'aime beaucoup le livre, un peu moins le personnage. Mais c'est la grande qualité de l’œuvre de Jean Echenoz (que j'apprécie) nous faire découvrir et apprécier des personnages, autour desquels nous ne nous serions pas arrêtés. Comme dit Sylvain Bourmeau, en écrivain sur Courir, la vie imaginaire d'Emil Zatopek, ce nouveau genre, la "pseudobiographie".

Et comment le rendre au théâtre ? C'est la qualité d'Anne-Marie Lazarini qui explique combien l'écrivain Echenoz l'inspire. Et ce qu'on apprécie dans le roman cette part d'incertitude, de mouvements, de voyages, de variantes dans le quotidien qui se prolongent dans la légèreté et l'inconstance de la représentation qu'on peut se faire de la figure de Ravel, nous sont bien rendus par l'adaptation théâtrale faite par la metteur en scène.

 Dans un décor aux tons bleu, carrément bleu... très ouvert, aérien, ondulant où on se sent pris sereinement dans un belle lumière, observant ce Ravel-Michel Ouimet, bien en phase avec l'autre Ravel-Echenoz à l'ironie sautillante. Le tempo des narratrice-narrateur, Coco Felgeirolles et Marc Schapira m'a semblé de grande justesse se glissant dans une fluide et néanmoins pointilleuse harmonie.

 Bien sûr, point de musique de Maurice, mais à la manière de... sur la scène le piano bleu et le compositeur Andy Emler, aux accents de jazz. Si on n'était pas au théâtre on fermerait les yeux en l'écoutant.

Et comme dans le livre, Ravel-Echenoz-Ouimet, commence ainsi:

Extrait : «On s'en veut quelques fois de sortir de son bain. D'abord il est dommage d'abandonner l'eau tiède et savonneuse, où des cheveux perdus enlacent des bulles parmi les cellules de peau frictionnée, pour l'air brutal d'une maison mal chauffée».

Allez-y, ils jouent même le 31 décembre!  

http://www.artistic-athevains.com/athevains/site/creation/ravel.htm

 * * Gros-Câlin

 Je me souviens, lors de sa sortie, ma phobie des reptiles m'a fait hésiter, m'a même fait dire "non, jamais (ne le lirai)". J'ai ainsi appris qu'il ne faut jamais dire "jamais"... Depuis je l'ai lu et j'ai même dégusté, savouré à l'occasion quelques passages. Cette fable qui en 1974 (année qui m'est chère) contribuait à lever un peu le voile sur la société à venir, individualisme triomphant, technocraties au pouvoir, fantaisies considérées subversives!

Et au théâtre de l'Oeuvre, Jean-Quentin Châtelain, le dénommé Cousin, et Bérangère Bonvoisin, la metteur en scène, nous enveloppent avec finesse, subtilité, force sans dureté, douceur sans faiblesse, dans ce python de deux mètres vingt, qui mérite bien de s'appeler Gros-câlin.

 La scène, dans le décor "préféré" de Cousin, où il accueille Gros-câlin et qui nous accueille aussi dans cet intermezzo entre la salle de bain, la chambre à python, le salon des visiteurs où la présence, les mouvements, les étirements, les déambulations de Jean-Quentin Châtelain, nous rendent  familier ces recoins avec la lumière magistrale de Ricardo Aronovich, enroulant son corps quand il s’allonge sur la banquette ou le couvre et découvre quand le Gros-Câlin (car Châtelain nous apparaît alors comme le vrai gros-câlin) est debout devant le panneau qui s'expose à nous!

Je ne sais pas si on "dirige" Jean-Quentin Châtelain, comme on dit que le metteur en scène dirige l'acteur. Mais j'ai eu l'impression que le travail de mise en scène, délicat, discret, tout en sensibilité, était en quelque sorte cette main enveloppante d'un accompagnement du jeu d'acteur qui me semble donner un spectacle unique chaque soir, tellement l'émotion et l'accueil intime de chaque spectateur, autorise cette liberté.

Et au "lever du rideau", c'est comme dans le livre «Je vais rentrer ici dans le vif du sujet, sans autre forme de procès. L'assistant, au jardin de l’acclimatation, qui s'intéresse aux pythons, m'avait dit: je vous encourage fermement à continuer...»

C'est bien ce que je dirais, ce Gros-câlin ne se refuse pas! 

http://www.theatredeloeuvre.fr/affiche.html

* * * Théâtre Privé

Il ne m'arrive pas souvent d'aller au théâtre privé et là, coup sur coup deux belles créations. Et j'ai pensé à la querelle, dit-on très française, entre théâtre public/théâtre privé: public égal ennuyeux, privé rien que pour les stars! c'est parfois vrai, mais c'est souvent faux!

 Le théâtre privé, non subventionné, est plus cher, (les programmes vendus à la fin ressemblent parfois à des produits dérivés...) et en fait ce sont les spectateurs qui subventionnent, par la fréquentation des salles. Ce qui me semble important c'est de rendre le théâtre accessible au plus grand nombre des personnes qui s'intéressent au théâtre. Souvent, étant un peu plus désargentés, des pièces d'auteurs, de metteurs en scène ou d'acteurs dont on aimerait voir le travail et même le soutenir, les prix des places ne le permettent pas toujours.

La possibilité aussi de rendre les spectacles plus mobiles serait nécessaire car le "privilège" dont nous bénéficions à Paris ou région parisienne n'est pas très partagé et il y a des villes où le théâtre est absent.

 Il y va aussi de l'accueil fait dans les salles. J'ai appris le théâtre avec Antonio Pedro, au Théâtre Expérimental de Porto, qui avait pour habitude de dire que la salle, le guichet, l'ouvreuse, le personnel, enfin tout l'accueil, c'était déjà du théâtre. A l'Artistic Athévains, j'ai bien trouvé cet esprit.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.