Le scoop est tombé dès l'ouverture de la journée des magistrats : Madame Dati, garde des Sceaux, donne une conférence de presse, lundi 16, semble-t-il dans un Centre éducatif fermé, pour présenter le nouveau « code des mineurs ». Le choix du lieu est significatif pour parler de la justice qui concerne les enfants. A la journée de l'AFMJF ( Association française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille), du samedi 14 mars, il était annoncé, sous réserve, la participation du Directeur de la PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse). Il s'est décommandé la veille, bien sûr interdit qu'il devait être de dire quoi que ce soit sur ce que la chancellerie « trame » concernant la justice des mineurs.Pendant les débats, plusieurs représentants de la PJJ, notamment des éducateurs sont venus témoigner de leurs difficultés en termes de postes et de la décision gouvernementale de les employer exclusivement au pénal abandonnant l'intervention éducative de prévention (réservée au secteur associatif habilité via le Conseil Général). Il a notamment été mentionné que plusieurs sanctions disciplinaires ont été prononcées à l'encontre de professionnels de la PJJ du fait de leurs critiques sur la politique menée. Cela s'apparente à un délit d'opinion que la direction justifie par un « manque de loyauté ». On comprend que monsieur le directeur se soit « porté empêché »... *Une impertinente et radicale intervention de Maria Maïlat, anthropologue, est venue repositionner et mettre en perspective, la politique actuelle et cette façon dont le pouvoir s'octroie tous les droits du haut de sa vision marchande dans tous les secteurs des sciences humaines mais aussi dans le système hospitalier. Comme si on vidait, dans cette logique marchande, tout contenu politique. Et au-delà des changements des lois, c'est l'esprit de la loi qui change, en façonnant l'individu en fonction des normes du Président. En forme d'appel, madame Maïlat, soulignait la nécessité de dialogue et de concertation entre les professionnels pour « nommer -et ainsi pouvoir riposter- sur ce qui se passe sous nos yeux, cette façon d'un gouvernement de se comporter comme une entité patronale ». **Le rapport Varinard, évoqué à plusieurs reprises sur MediaPart, pour préparer la réforme de la circulaire du 2 février 1945, sur l'enfance délinquante, a été vivement mis en cause dans ses contradictions et dans un certain nombre de mesures notamment « la peine plancher pour les mineurs » qui nient la primauté à l'éducatif. C'est ce rapport qui aura inspiré la ministre pour son intervention du lundi 16. Une mesure semble avoir échappée (pour le moment) celle du maintien de la double compétence du Juge des Enfants au civil et au pénal, ce qui va à l'encontre des intentions présidentielles.Au nom du barreau, Maître Attias a lu une motion approuvé le matin même, dénonçant ce projet dont les organisations professionnelles ont été écartées. La discussion se ferait selon la procédure d'urgence, comme ce fût déjà le cas avec la réforme sur la politique pénitentiaire, profondément modifiée au Sénat par le rapporteur UMP monsieur Lecerf. ***Le sociologue Laurent Mucchielli a apporté un démenti à la propagande gouvernementale qui justifie les décisions présidentielles par l’utilisation du mensonge, sous couvert de « bon sens ». Il est dit que les violences des mineurs sont de plus en plus dures et qu'ils sont de plus en plus jeunes ce qui est démenti par les observations et les statistiques mais dont l'impact à la faveur d'un 'fait divers' vient justifier le discours démagogique sur les victimes. Il souligne que le discours officiel cherche à donner du sérieux à des propos de café du commerce. Le silence de l'opposition autorise l'absence d'argumentation donc pas besoin d'administrer la preuve et on peut mentir, comme l'exemple donné par la ministre à la télé sur le mineur multirécidiviste de Marseille. Le Ministère souvent sollicité n'a jamais donné des éléments d'information sur son existence. ****D'autres professionnels sont venus apporter leur témoignage sur la « disqualification par la parole politique de la parole des professionnels ». Dans le domaine de l'éducation Martine Beistegui, directrice d'un service éducatif judiciaire a mis en évidence la précarité croissante des structures et du changement de langage autour du paradigme « efficacité, rentabilité, évaluation » comme s'il fallait remplir des cases d'activité désincarnées de la présence humaine qui est tout de même l'essentiel de cette activité. D'ailleurs, Jean-Louis Le Run, pédopsychiatre a parlé de la « grande misère » de la psychiatrie notamment cette nouvelle nomenclature de ce qu'il appelle les « patients rémunérateurs », c'est à dire ceux qui rentrent dans les statistiques comme un acte efficace, ce qui n'est plus le cas d'une rencontre régulière avec un enfant ou un jeune, pendant le temps qu'il faut pour essayer de comprendre sa problématique et de l'accompagner.Et Stéphane Tessier, médecin de santé publique, de souligner qu'aujourd'hui dans les instances qui nous gouvernent une seule orientation, celle de la réponse technique à une difficulté humaine qui se présente. On prescrit « de la retaline, du viagra ou du prozac » selon les cas! Stéphane Tessier est l'animateur de l'association REGARDS, d'autres regards au-delà des différences culturelles ou folkloriques, c'est de l'altérité dont il s'agit. Son association réuni dans la pluridisciplinarité des réflexions avec des professionnels du terrain. http://dautresregards.free.fr*** Un magistrat italien est venu apporter quelques éléments sur la politique judiciaire en Italie où, a-t-il affirmé « on ne trouve pas de volonté politique pour l'indépendance de la magistrature ». L’exemple d'un projet en débat à l'Assemblée est terrible. Aucun enfant ne peut être déclaré à l'état civil si les parents -la mère- ne sont pas munis d'un document d'identité. Dans ces circonstances, un enfant de parents sans papiers né à la maternité, risque d'être placé à la naissance faute de parents « légaux » ou de ne pas avoir d'existence légale s'il naît à la maison, les parents ne pouvant pas le déclarer. **Un autre magistrat a rappelé que pendant longtemps la justice des mineurs fonctionnait comme un « banc d'essai » notamment dans la question de la réhabilitation et de l'insertion pour la justice des adultes. Nous assistons aujourd'hui à la démarche inverse, où la législation répressive appliquée aux adultes est étendue aux mineurs. La mise en cause concernera également la juridiction des mineurs mais, là aussi les informations sont disparates nourries notamment par les bruits de couloir … histoire de voir l'effet. *Dans la synthèse, Robert Bidart, Juge des enfants à Pau, a commenté cette forme d'aller envers et contre tous, sans aucune volonté d'écoute ni de concertation. Toutes les commissions mises en place voient des décisions prises sur leur objet d'étude avant même la fin de leurs travaux ou la publication de leurs conclusions. Comme si, « la doctrine est bonne mais la réalité refuse de s'y conformer », poursuivons donc! Comme d'autres participants et magistrats, il évoque les mobilisations plurielles qui se font sentir et la prise de conscience qui semble émerger. Comme il a été dit par différents intervenants il importe de « retourner le discours du 'bon sens-café du commerce', du il va de soi » et de démonter le discours officiel. Préparer un argumentaire sur ces questions, trop souvent techniques, partagé et 'diffusable' dans des débats citoyens. C'est ainsi qu'il a proposé au débat de l'assemblée générale de dimanche de l'association des magistrats une journée pluridisciplinaire « justice des mineurs morte » avec la participation des juges des enfants, des avocats, des professionnels de la PJJ, de la santé, du secteur éducatif, en organisant des actions d'information, d'explication, des cabinets ouverts aux débats. * Le matin Maria Maïlat, anthropologue, l'avait évoqué avec force, « le devenir des jeunes de ce pays est complètement dépendant du devenir de vos métiers » et nous sommes dans une phase où le débat sur l'enfance délinquante ou classée comme tel, concerne bien l'ensemble de la population.
Billet de blog 15 mars 2009
L'office du Juge des enfants . II
Le scoop est tombé dès l'ouverture de la journée des magistrats : Madame Dati, garde des Sceaux, donne une conférence de presse, lundi 16, semble-t-il dans un Centre éducatif fermé, pour présenter le nouveau « code des mineurs ». Le choix du lieu est significatif pour parler de la justice qui concerne les enfants.
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