Trois adolescents, dans un bidonville du Guatemala se préparent à partir en secret. Juan coud dans son pantalon son capital, 100 pesos, Sara se coupe les cheveux et bande ses seins pour ressembler à un garçon, Samuel arrête le tri dans la montagne de déchets, où il gagne sa vie. C'est ainsi qui commence le film Rêves d'or (La jaula de oro) de Diego Quemada-Diez.

Ils entament un long voyage, avec le rêve d'arriver aux États Unis. Trois au départ, un autre adolescent, Chauk indien du Chiapas, ne parlant pas espagnol, se joint au groupe (non sans difficulté, car il représente un "inférieur" pour le leader du petit groupe, Juan, qui veut y arriver à tout prix). Poursuivant le chemin à quatre, et surtout les voies ferrées et le train de marchandises, ils seront trois après un premier refoulement à la frontière du Mexique (Samuel désiste et ne poursuit plus son rêve). Ils repartiront pour une longue traversée de deux mille km, avec des sursauts, des longs moments d'attente, des solidarités entre immigrants et des pièges fréquents montés par des policiers ou des bandes organisées. Démasquée, Sara sera kidnappée avec d'autres femmes. Les deux garçons réussissent à se "sauver", affronteront d'autres violences, et gagneront finalement les États Unis, utilisés comme "passeurs" par un tunnel sous la frontière entre le Mexique et l'Amérique du Nord, chargés d'un sac à dos, en jute, rempli de drogue. Une fois récupérée la marchandise, ils seront abandonnés en pleine montagne par les passeurs-trafiquants, à la merci des tireurs d'élite qui sillonnent les alentours du mur érigé à la frontière.
C'est cette histoire qu'il nous raconte, avec son premier long métrage, présenté à la semaine de la critique à Cannes en 2013, qui sortira en salle début décembre.
Formé aux États Unis, assistant et collaborateur de Ken Loach dans trois de ses films, Diego Quemada-Diez, en a fait un qui est une "histoire universelle", celle du sort des migrants. Il le fait avec beaucoup de respect et d'attention pour les acteurs et tous les figurants-migrants, (ils seront tous mentionnés par leur nom au générique). Images gaies de la vie des villages, images très belles des paysages et parcours des jeunes marcheurs, images très dures des violences exercées sur ces populations, images pleines de poésie des moments entre deux, des échanges fraternelles, des silences de réflexion de ces candidats à la réalisation du rêve. L'utilisation de la lumière naturelle, enrichi la qualité esthétique de ce film, contribuant par sa beauté à des moments de forte émotion.
Ce film est aussi le rêve de son auteur. Nous faire connaître, à travers ses trois personnages, le résultat de presque six ans de travail d'investigation auprès de centaines de migrants, ayant lui-même fait par trois fois ce voyage. Ce travail de préparation est remarquable signifiant par lui même cette volonté, à travers la fiction, d'exposer le point de vue du candidat à l'immigration, donnant à voir trois adolescents, en quelque sort le devenir qui est la jeunesse. Diego Quemada-Diez, dans un très beau moment de cinéma, nous laisse réfléchir sur la lutte pour ce devenir.
* *
Diego Quemada-Diez cite le témoignage qu'il a recueilli d'un Mexicain, Juan Menéndez López, au moment où il allait monter dans un train de marchandises qui me paraît bien donner sens à sa démarche: «On apprend beaucoup le long du chemin. Ici, nous sommes tous frères. Nous avons tous les mêmes besoins. L’important, c’est que nous apprenions à partager. C’est seulement comme ça que nous pouvons avancer, que nous pouvons atteindre notre destination, seul un peuple uni peut survivre. En tant qu’êtres humains, nous ne sommes clandestins nulle part sur cette planète».