C'est la sortie de la semaine, La cour de Babel, un film qui présente une classe de Collège pendant toute une année scolaire, une cour par toutes les saisons et la vie d'une communauté d'élèves. Ils ont un point commun, ce sont ce qu'on appelle des primo-arrivants, enfants d'immigrés, ils rentrent dans cette classe pour apprendre le français avant de rejoindre le « circuit normal », adapté à leur niveau et à leur âge.
Une enseignante qui consacre l'essentiel de sa pédagogie, de son humanité, de son engagement, de ses convictions, bref, de son métier à chacun singulièrement et à tous en général car ils forment un tout. Ils sont en devenir, ils sont l'avenir et l'enseignante, sans discours, sans commentaires en off, nous le montre, nous le fait vivre.
Pour ce qui est des images, réalisation de Julie Bertuccelli, c'est une caméra qui est dans l'attention de ces garçons et ces filles, venus de partout, riches de leurs vécus, de leurs histoires et de leurs épreuves. Ils ont la beauté de leur âge, de leur fraîcheur. Ils ont l'incohérence et les contradictions de leur condition et de leurs craintes du futur. Et les portraits, tantôt en plan serrée, tantôt plan rapproché ou d'ensemble, nous installent dans cette classe, nous faisant partager l'émotion, les rires, les engueulades. Et nous y sommes, le plan fixe de la cour, vue par tous les temps, nous accompagne et nous relie d'une séquence à l'autre. Nous suivons leur progression, de leurs espoirs et de leur déchirement au moment de la "dispersion annoncée". Ils m'ont fait penser à la classe de CP dont le travail réalisé avec chaque élève, est souvent celui qui permet la réussite d'une scolarité!
Sur le contenu, c'est celui de la vie de chaque élève, ce qu'il est ou ce qu'il est en capacité de livrer, en relation duelle, en classe, avec son parent et l'enseignante. Rien de trop, rien de pas assez, juste ce qui est possible de dire, de faire entendre, de donner à connaître. Et l'enseignante ne rajoute pas, ne dicte pas de « leçon sur ce qu'il faut faire, sur la méthode », elle est libre dans son propos, et nous laisse libres dans notre compréhension et notre analyse.
Nous ne savons rien, nous ne saurons rien d'autre sinon qu'elle se souvient de sa première classe, jeune enseignante et qu'elle pense, et le dira avec l'émotion des moments où on dit adieu, qu'elle se souviendra aussi de sa dernière! En effet, elle termine avec ces élèves son travail de professeur, pour intégrer le corps des inspecteurs.
On peut se dire «dommage, il serait bien qu'elle continue, il en faut comme elle» ou alors «belle opportunité pour que parmi les cadres de l'éducation nationale, il y ait des professionnels avec des idées qui dérogent voire qui dérangent !». Et c'est bien le sentiment que j'avais à la fin de ce film émouvant, rieur, instructif, «une autre école est possible» pourvu sans doute que l'institution y soit attentive et exprime la volonté politique du propos, pourvu aussi que les professionnels qui s'y consacrent s'approprient d'une telle volonté.
D'autres billets sur ce film
http://blogs.mediapart.fr/blog/robert-chaudenson/070314/la-cour-de-babel
http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/110314/la-cour-de-babel-ou-la-classe-des-miracles
http://blogs.mediapart.fr/blog/colette-lallement-duchoze/150314/la-cour-de-babel