Sorti en salle ce mercredi, ne le ratez pas!
C'est l'adaptation très libre d'un conte d'Oscar Wilde que la jeune réalisatrice anglaise Clio Barnard nous propose. «Le géant égoïste possédait un magnifique jardin. Pendant son absence, les enfants voisins profitaient de ce luxuriant espace. A son retour, le géant a décidé d'empêcher les enfants d'y pénétrer et a construit un mur pour les empêcher d'y accéder. Mais le mur l'a tellement enfermé que l'hiver s'y est installé et alors que les saisons se déroulait hors-mur, le magnifique jardin était toujours couvert de neige, comme un jardin en hiver».
En effet c'est tout le temps l'hiver pour ces deux adolescents, Arbor et Swifty, dans les rues de Bradford. Exclus de l'école, qui n'a pas d'attrait pour eux, sans aucune place qui tienne compte de leur devenir ni de leur présent, ils s'adonnent à la récupération de tout ce qui puisse être vendu au ferrailleur. Il les fait travailler sans titre, bénéficiant de ce qu'ils peuvent récupérer, aussi bien dans les jardins des particuliers (une poussette, une casserole, un vieux robinet) que des métaux sur la voie ferrée, ou les câbles de cuivre de l'entreprise d'électricité récemment nationalisée.
Qui est le «géant égoïste» ? Kitten, le vieux ferrailleur, qui fait le négoce par des méthodes brutaux et efficaces ? La méga compagnie électrique, omniprésente avec ses pylônes qui entourent la ville et s'imposent dans les bords de la cité où vivent les familles des deux garçons ? Ou alors, a dit Clio Barnard, la société qui a nationalisée l'électricité, le système qui fait que ces familles sont chroniquement sans travail, sans moyens de subsistance, à la merci des usuriers qui viennent récupérer le canapé faute de pouvoir payer les prestations.
On peut penser à Ken Loach, aux frères Dardenne, mais c'est aussi un autre regard que Clio Barnard partage avec nous, dans une sensibilité profonde envers ces deux gamins dont la «terreur» Arbor est une puissance de vitalité, d’ingéniosité et de souffrance ou Swifty, bonne poire, si généreux et si solidaire. C'est aussi un filme sur les deux mères, les seuls adultes qui essayent de tenir. Elles qui sont confrontées à la pénurie, au déclassement, aux amendes pour l’absentéisme scolaire de leurs garçons. Rien n'est montré, ni organisé pour que ces exclus trouvent où aller, où se former sinon dans la rue et dans la confrontation à la réalité dure du trafic, de tous les trafics. Sans jugement mais quelle leçon, en quelque sorte des "travaux pratiques", sur les conséquences anciennes du thatchérisme et de la poursuite aujourd'hui d'une rigueur qui ne s'encombre pas des laissés pour compte du libéralisme. Soyons rassurés, la City, célèbre quartier d'affaires de Londres, troisième place financière mondiale azprès Nw York et Tokyo, se porte bien.
Des images superbes de la ville traversée par les deux garçons, traînant une carriole tirée par un cheval, chargée de vieilleries pour quelques pièces de monnaie. Les plans sur le quadrillage de la ville par les poteaux électriques donnent parfois l'impression d'un décors féerique. A retenir les magnifiques premières images du film autour des chevaux qui broutent dans le brouillard du lever du jour. Le ferrailleur est aussi propriétaire d'un cheval de course (épique séquence d'une course clandestine sur la route principale) et Swifty un rêveur qui a un don avec les chevaux.
Une mention spéciale donnée par les producteurs, lors de la Quinzaine des Réalisateurs 2013 à Cannes, où le film a été présenté, est venue récompenser la jeune réalisatrice dont son film mérite, à mon avis, d'être vu et recommandé.
* Reprise d'un billet lors de la présentation au Forum des Images de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes http://blogs.mediapart.fr/blog/arthur-porto/030613/un-week-end-sur-la-quinzaine