Quand le parcours de vie est borné par des peines de prison, de privation de la liberté pendant 14, 19, 35 ans à l'écart de la vie, les règles, les regards, la compréhension du monde sont forcement confrontés à la violence, à l'autorité toute puissante, à la soumission à l'ordre qui s'impose à soi et aux siens.
Ces quatre anciens prisonniers, se sont appropriés de l'écrit de leurs parcours, l'ont travaillé, échangé, construit et nous l'exposent, avec une diction suffisamment claire pour des non-professionnels.
Ils nous font rentrer dans leur cellule, dans le mitard, dans l'arbitraire des règlements tatillons, des attitudes de gardes pas très bienveillants. Ils partagent avec nous leurs douleurs du confinement de leurs existences, mais aussi les découvertes de leur condition, de leurs apprentissages, de leurs espoirs, de leurs rêves.
Et l'émotion qui ressort de leur récit n'est jamais bien loin, et il nous est donnée l'occasion rare d'être devant des interprètes de leur histoire, avec leurs mots, leurs gestes, leurs tics dans une ondulation de séquences qui ponctuent le spectacle de la prison, si on peut l'appeler ainsi.
Quand on est en prison, la famille l'est aussi. Une autre, de l'autre côté, mais tout devient commun dans la séparation. Et Annette nous parle de ses 8 ans de parloir. De son courrier quotidien, de sa découverte du goût de l'écriture, de sa façon de sentir la présence de son homme et de l'accompagner, là où il est.
Ma voisine disait que finalement ils n'avaient pas parlé de tous les aspects de la prison. Peut-être, mais ce qui m'a intéressé c'est ce qu'ils disent, et ce qu'ils observent aujourd'hui de ce qu'ils ont vécu hier.
Plusieurs initiatives autour du spectacle, dont la présence au débat de Serge Portelli, Juge, qui a notamment écrit Récidivistes et La vie après la peine, les deux aux éditions Grasset. Projection également du très beau film de Stéphane Mercurio, A Coté, (2007) qui présente une petite maison associative où les femmes s'organisent et attendent pour les visites à la prison des hommes de Rennes.
Le théâtre-documentaire
Le théâtre-documentaire m'intéresse beaucoup, j'y vois cette sorte de théâtre d'intervention à savoir un théâtre vivant et présent dans la cité. Ici la scène est très dépouillée, voire nue, où ce qui compte c'est la présence humaine, la voix, le texte d'une écriture précise, économe et très juste.
J'ai eu l'occasion de voir un autre spectacle de théâtre-documentaire, Paroles de Vieux iciSPECTACLES . C'est également la prise en compte des récits de vie de personnes, aujourd'hui en maison de retraite et qui nous donnent à connaître leur vie de l'intérieur mais aussi avec leur temps. La différence c'est la mise en scène avec trois comédiens, des séquences de leur histoire.
Une autre façon de faire pour un objectif commun, transmettre la vie avec la parole de ses «vrais acteurs», comme si la parole, ici de l'ex-détenu, lui rendait pour conclure sa vraie liberté! Le travail de Didier Ruiz est d'une grande intensité, une reconnaissance de ces personnages et une invitation pour le spectateur contre les clichés et les stigmatisations.
* * * Fiche technique
mise en scène Didier Ruiz
assistante à la mise en scène Mina de Suremain
créateur lumière Maurice Fouilhé
créateur son Adrien Cordier
avec Louis Perego, Eric Jayat, Annette Foex, André Boiron, Alain Pera
production déléguée La compagnie des Hommes * http://www.lacompagniedeshommes.fr/index.html