Rio est sous les feux de la rampe, et pas que pour le foot. A Paris, c'est Jacques Gourvenec qui nous évoque Rio de Janeiro. C'est un breton, architecte, pendant deux ans il a été collaborateur d'Oscar Niemeyer le créateur de Brasília. Travaillant à Paris il expose ses tableaux dans la nouvelle galerie, Lusofolie's au Viaduc des Arts (à Paris 12).
Et à cette occasion, les éditions Convivium Lusophone ont publié un beau livre avec ses dessins de Rio au quotidien, c'est le titre du livre, des croquis de la vie brésilienne dans la grande capitale.
Il nous promène dans la ville, avec des instantanés, des portraits et des regards très personnels. Édition bilingue, français-portugais, avec des «trovas» un court poème de quatre vers qui se laisse verser par les illustrations. Une forme de poésie introduite par les Portugais au Brésil, proche de ce qu'on appelle la poésie populaire, qui réunit ses adeptes en cercles de trovadores, qu'on pourrait rapprocher des «troubadours». Comme l’écrit Jean-Pierre Rousseau, auteur et traducteur de cette forme de «haikus lusitaniens», dans une liminaire aux poèmes, «la poésie brésilienne, à travers le Portugal, a des liens avec la nôtre, dont la poésie populaire, avec ses formes traditionnelles, a gardé encore aujourd'hui le souvenir».
Dans la galerie de ce nouveau lieu, une sélection de tableaux, carrés, exprimant tous dans l'intention de l'auteur un regard, l'expression, son émotion devant la nature, dont les couleurs, la forme, les mouvements intérieurs vous donnent toute liberté pour vous y laisser conduire, vous arrêter et vous autoriser au vagabondage de l'imagination. Quelques uns plus que d'autres, mais encore certains vous comblent joyeusement dans un florilège de couleurs. Cette forme carrée, qui peut surprendre par son uniformité ("peut-être parce que c'est un architecte très à l'aise avec le compas et la règle", commentait un de mes amis) nous donne quelques séquences chargées de ce que j'appellerais le murmure des villes. En revanche, d'autres s'épanouissent sur des tons harmonieux de formes et de couleurs. Tableaux sans titre, ce qui vous permet tout, et je me suis attardé sur quelques uns qui nous invitent à des juvéniles digressions!
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Le Viaduc des Arts et Lusofolie's
Tout ceci se déroule sous l'ancien Viaduc de Paris. Une construction de 1859 qui soutenait la ligne de chemin de fer qui reliait la gare de la Bastille par la ligne de chemin de fer jusquà Verneuil-l'Etang (77), qui fut autrefois une importante étoile ferroviaire. Dite "ligne de Vincennes", le trafic s'arrêta en 1969 et la gare de la Bastille s'est transformée en lieu d'exposition, jusqu'à sa nouvelle affectation devenant l'Opéra-Bastille dans les années Mitterrand. A partir de là le plateau supérieur du viaduc est devenu la coulée verte (qui se prolonge jusqu'au bois de Vincennes). Au début des années 90, la Mairie de Paris, a aménagé ces arcades, créant dans chaque voûte un établissement ou un atelier, consacré aux artisans d'art et d'autres créateurs s'y sont installés, donnant à ce viaduc une deuxième vie le Viaduc des arts. On peut admirer des artistes-artisans exposer et donner à voir leur talent, leur savoir-faire et garantir la transmission de métiers ou activités un peu perdues ou peu connus comme meubles peints, peinture sur porcelaine,objets en verre soufflé, tapisserie, broderies, mobilier design, restauration d’œuvres d'art...
C'est sous une des voûtes, que Lusofolie's s'est installé il y a peu. Son promoteur fait ainsi renaître en la transformant, la librairie portugaise, fermée depuis presque trois ans, qui existait du côté de la Sorbonne et qui a réuni pendant longtemps bon nombre de ressortissants Portugais et amoureux du portugais. Comme écrivait Fernando Pessoa, "ma patrie c'est la langue portugaise".
Un breton, chez des Portugais à Paris, pour rendre hommage au Brésil, c'est tout un programme. Jacques Gourvenec a ainsi participé dans une dimension intercontinentale à l'inauguration de ce nouvel espace de la lusophonie, mi-galerie, mi-librairie, mi-troquet-dégustation avec des petiscos, 'tapas à la portugaise', mi-musique avec cavaquinho et la viola du fado de Lisbonne ou les mornas du Cap-Vert, mi-conférences et débats, mais lieu à part entière de rencontre, de métissage, de convivio comme on dit par là bas.
D'autres projets sont en gestation dans la dynamique, et débordante -disent ses amis- imagination de Joao Heitor et de son équipe. Pour le moment, l'actualité de Rio au quotidien c'est le foot et les drapeaux lusophones sont hissés sous l'arcade du 57 avenue Daumesnil.
Décidément, le douzième parisien..., outre le marché d'Aligre, la Porte Dorée, ou Mediapart, abrite aussi les échos des lusitaniens qui viennent de fêter les quarante ans de la révolution des œillets! Fêteront-ils demain le Portugal et le Brésil qui ont bien besoin d'un renouveau, et pas que pour le foot?
"Le désordre des êtres est dans l'ordre des choses" Prévert sur le Viaduc des Arts