Ce 14 juillet 2014 et les terribles agressions qui, une fois encore, ont fait et font des nombreuses victimes en Palestine, sous les bombes d’Israël, a été pour moi une autre épreuve, plus personnelle. La mort de mon père.
Vécue différemment par chacun de nous, la mort du père est toujours un fort mouvement à la fois vers l’avenir et de rappel vers la mémoire. J’ai envie de laisser sur ce blog une trace, qui sera lue au fil des éventuelles passages. Sans autre prétention que l’intention qui m’anime en écrivant des «à propos...», blog d’un citoyen dans le monde d’aujourd’hui et le parti pris, l’écrire sur Mediapart.
Et je l’insère ici, sans autre élément biographique ou du rapport personnel que celui que j’ai rendu public (mon témoignage) lors de sa crémation au Tanatorio de Matosinhos à Porto (Portugal).
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Mon histoire avec mon Père est une histoire singulière, comme le sont toutes les histoires d’un fils avec son Père.
La mienne a été courte car je ne l’ai connu que lors de mes dix-huit ans. Puisque j’ai soixante-huit c’est une histoire de cinquante ans.
Mon Père ne m’a pas porté dans ses bras, il ne m’a jamais grondé ni félicité pendant mon enfance. Mais, lorsque nous nous sommes découverts, nous avions beaucoup de valeurs en commun, partagé beaucoup de convictions, une réflexion philosophique et politique très proche. Nous avons même adhéré au même parti, par des chemins différents, avec des rôles différents, mais un même objectif contribuer à la chute du fascisme et une volonté forte, la victoire de la démocratie.
Et les deux mil km entre Paris et Porto ne nous ont pas empêché de maintenir nos liens et de les développer.
Outre ces valeurs d’intégrité, de travail, de respect réciproque, mon Père m’a donné une Mère, comme un symbole de «mère courage» qui aujourd’hui, de Paris, partage la peine de cette perte et l’émotion de cette cérémonie.
Mais surtout, mon Père m’a donné une sœur, Fernanda, les français disent ‘une petite soeur’! Nous n’avons jamais vécu ensemble eh pourtant, tant de complicités, tant de goûts communs, tant de regards dans la même direction, autant de ressemblance dans la façon d’être dans les choses, de nous rire avec les mêmes histoires, un clin d’oeil pour les mêmes images ou les mêmes musiques.
[...] Quand les parents meurent, les enfants passent en première ligne dans le cycle de la vie. Réel ou imaginaire les parents représentent une protection. Quand ils disparaissent c’est nous, les enfants, qui devenons la protection pour nos propres enfants et petits-enfants. La présence ici de mes enfants et de l’aîné de mes petits-enfants, venus de France par leur décision, c’est comme s’ils me disaient accepter le témoin que mon Père m’a laissé.
Je suis heureux d’être venu, il y a trois semaines fêter l’anniversaire de ma sœur. Cet anniversaire m’a permis de revoir mon Père, de déjeuner avec lui, de comprendre qu’il me disait que son heure approchait et, sans le savoir, de lui dire adieu!
Et je termine lui disant, partez en paix! Comme dit ma sœur ‘une chose chaque jour’ et aujourd’hui c’est le jour de votre départ, avec la sérénité que des moments de forte communion, d’amitié, de fraternité rendent possibles et apaisants. (Sur l’urne, ses camarades ont déposé le drapeau du Parti auquel il est resté fidèle jusqu’à la fin)
Porto, 16 juillet 2014
* * * * Phrase-poème envoyée par un ami: «Ce qui est écrit dans le cœur n'a pas besoin d'agenda parce qu'on ne l'oublie pas. Ce que la mémoire aime est éternel»
Rubem Alves (intellectuel brésilien, fondateur de la théologie de la libération, disparu il y a trois jours, le 19 juillet 2014, à l’âge de 81 ans).