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Billet de blog 22 octobre 2013

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Pasolini-Roma à Paris!

C'est à l'occasion de l'ouverture de l’exposition et de la rétrospective de l’œuvre de Pier Paolo Pasolini que j'ai revu Mamma Roma. Excellente interprétation d'Anna Magnani, dans ce deuxième film de Pasolini, qui date de 1962.

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C'est à l'occasion de l'ouverture de l’exposition et de la rétrospective de l’œuvre de Pier Paolo Pasolini que j'ai revu Mamma Roma. Excellente interprétation d'Anna Magnani, dans ce deuxième film de Pasolini, qui date de 1962.

* L'exposition à la Cinémathèque Française

L'exposition qui lui est consacrée Pasolini-Roma, se concentre sur sa période romaine, c'est à dire à partir de 1950 (il est né en mars 1922), où il décide de déménager avec sa mère. Exclu du Parti Communiste Italien, en octobre 1949, pour «conduite immorale et indignité», (en réalité cela punissait la manifestation publique d'homosexualité et arrangeait ainsi beaucoup de ses adversaires politiques). Une plainte avait même été déposée (il sera acquitté en avril 1952). Cette affaire, décrite dans les colonnes de l'Unita, journal du PCI, le prive de son poste d'enseignant, l'obligeant à partir. Les mois qui ont suivi ont été particulièrement difficiles.

Avec son installation à Rome il poursuivra son travail d'écriture, trouvera une école pour l'enseignement et vers les années 54-55 commenceront ses premières expériences cinématographiques, notamment comme scénariste. Après le succès populaire de son livre Les ragazzi (1955),  poursuivi, notamment par la justice de Milan comme "une œuvre pornographique", ce sont les premiers films, Accatone (1961) et Mamma Roma (1962) qui vont constituer le début d'une carrière cinématographique, créative qui viendra bouleverser le cinéma italien.

Dans cette exposition, par une présentation graphique autour des lieux où Pasolini intervient et travaille à Rome, nous suivons le parcours de cet intellectuel, combattant, créateur, innovateur et riche en contradictions qui donnent à réfléchir et à penser sur sa détermination et sa recherche permanente. C'est un amoureux-critique de la ville, qui va donner à voir tous ces lieux d'une Rome en pleine transformation, soumise aux intérêts des promoteurs immobiliers. Mais il n'élude pas la Rome des banlieues, des zones de marginalité ou de prostitution.

Au-delà des films, l'exposition nous permet de suivre les débats, les controverses, les interrogations qui nourrissent l’œuvre de Pasolini. Le débat avec les étudiants en mai de 1968, qu'il critique en tant que «fils de bourgeois» affrontant les policiers «fils du peuple». Sa critique virulente contre la télévision, ce véhicule d'aliénation et du consumérisme petit-bourgeois.

L'exposition se termine par l'évocation de son dernier livre Pétrole, (édité chez Gallimard) œuvre inachevée et qui résume en quelque sorte toute sa démarche d'écriture, intégrant également des références au travail cinématographique qu'il développe, presque comme un journal de bord. Pasolini voulait aussi décrire le scandale du pétrole à partir d'un certain nombre d'articles de presse et de recoupements qu'il avait pu faire, comme une enquête-engagée. Ce travail est interrompu par l'assassinat dont il a été victime en novembre 1975, tombé dans un piège où il pensait récupérer des bobines de son dernier fil qui lui avait été dérobés. Mais de cette histoire et de son déroulement,  l'enquête ne semble pas encore fini même si un accusé à déjà purgé sa peine.

 * *  le film «Mamma Roma»

J'ai envie de dire qu'on ne sort pas «indemne» après avoir vu Mamma Roma, tant l'histoire bouleverse par sa vigueur et ce qu'elle annonce sur ce que nous sommes devenus (nos banlieues, nos jeunes, nos emplois précaires...). Deuxième film de Pasolini, qui marque le tournant -la fin?- du néo-réalisme.

Histoire apparemment simple d'une prostituée, connue et reconnue dans la grande ville, qui reprends son fils Ettore à l'adolescence. Elle va le chercher à la campagne, chez les «ploucs», l’amène à Rome et s'installe dans les nouveaux logements, type HLM, à côté d'un terrain vague au milieu de quelques vestiges romains. Dans le désir de la mamma (interprétation truculente d'Anna Magnani, qui traverse tout le film avec sa beauté maternelle et son éclatante gouaille) c'est comme une revanche sur la vie, donner à son fils un bon milieu, régulier à la messe pour se faire voir, accéder à la petite-bourgeoisie naissante dans la nouvelle démocratie italienne.

Mais les nouveaux quartiers, avec les nouveaux logements ne changent que de l'extérieur, dans un urbanisme de masse, et très vite ils reprennent l'allure et les contours de l'ancien, avec «les mauvaises fréquentations et la débrouille -pas bien régulière- pour se trouver un job». Pasolini part du scénario classique et propre au néo-réalisme italien, pour nous amener vers des séquences et une forme audacieuse d'exposer le drame qui n'est jamais, à mon avis, un mélo, contrairement aux critiques de l'époque.

Quelques séquences savoureuses, au début lors du mariage de son ancien souteneur, le chant au défi dans une vive joute avec les mariés, en amenant les trois porcelets vivants qui s'imposent pendant la noce. Des moments de dialogue, qui paraissent improvisés tant ils sont "vrais"avec ses anciens clients, dans une marche nocturne effrénée sur le trottoir, «lieu de travail de la pute» qui m'a paru une des clés de ce dont Pasolini veut nous entretenir.

Je retiens, entre autres, ce moment d'une forte intensité dramatique, où Anna Magnani lance un cri «muet», un cri cinématographique, quand elle court à la maison pressentant la mort de son fils, faute de soins en prison, suivie par tous ceux qui constituent son monde. Lorsque la tragédie se dénoue, alors qu'il s'agissait d'un fait-divers.

Mama Roma confirme son début de carrière de cinéaste, lui qui se destinait surtout à l'écriture, à la poésie. C'est à l'âge de quarante ans et après le succès de Accatone, qu'il réalise son deuxième film, en 1962, qui n'a été présenté en France qu'au moment de sa mort en 1975. C'est un classique mais moderne, dans a réalité qu'il nous décrit dont on peut, à mon avis bien faire des liens avec l'actualité d'aujourd'hui.

L'exposition et la rétrospective Pasolini sont à la Cinémathèque Française jusqu'au 26 janvier 2014: http://www.cinematheque.fr/fr/calendrier-general.html.

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