La dissolution des Soulèvements de la Terre a été prononcée en Conseil des ministres le 21 juin 2023. Et pour mieux étaler la pertinence de cette décision, la veille, plusieurs personnes ont été arrêtées sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (44) et dans d’autres lieux, parmi lesquelles l’un des porte-parole des Soulèvements de la Terre.
A N-D des Landes un imposant dispositif de la Gendarmerie pour arrêter huit "potentiels criminels", amenés en autant de voitures, toutes sirènes hurlantes à Levallois-Perret (92), la DGSI (direction générale de la Sécurité intérieure), a permis d'enfermer au 4e sous sol, pour une garde à vue prolongée.
Le ministre de l’intérieur avait réussi "son coup de filet" et son message à la France entière, les ‘‘écoterroristes on les a’’ et Macron peut signer pour engager la procédure. Libérés entre 70 et 72 heures plus tard, sans autre forme de procès qu’une convocation pour refus de prélèvement signalétique, à la date du 7 mai 2024 au Tribunal de Nanterre.
Entre temps, le Conseil d’État a annulé (le 9 nov 2023), la dissolution du mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre. Cette ‘grosse déconvenue’, écrivait le Monde, n’est pas de nature a faire réfléchir ce ministre et, vue la suite de la politique sur l’environnement, n’a pas apporté non plus à Macron ni à son gouvernement un sursaut sur l’urgence écologique.
Au procès du 7 mai dernier, le procureur avait requis pour chaque prévenu une amende de 400 euros. Ce qui pourrait sembler "raisonnable" pour ce qui serait considéré comme une infraction. Rappelons tout de même que la police disposait de tous ces éléments, d’une part parce que pendant la détention, astucieusement les officiers de police avaient réussi des prélèvements, certes sans consentement mais, quand on est au ‘4ème sous sol de Levallois-Perret’, ont peut s'en passer... et d’autres figuraient déjà dans les archives officielles.
Le procureur n’a pas été suivi et, ‘‘après avoir longuement délibéré, les trois juges décidèrent de condamner les prévenus à des peines allant de 7500 euros à 15000 euros, soit le maximum légal encouru en terme d’amende. On saura apprécier l’exercice de multiplication qu’il leur a fallu faire pour gonfler le réquisitoire du procureur : 37,5 fois supérieur !’’
Le dossier était maigre voire vide d’infos qui puissent justifier cette ‘‘violence légitime de l’État de droit’’. Il fallait tout de même montrer à ces supposés ‘‘meneurs’’ que le gouvernement poursuivrait sans relâche toute critique ou mise en cause de sa politique environnementale. Et ceci est vrai aussi pour l’information sur l’écologie comme le notait la rédaction de Mediapart le 3 mai : ‘‘Le droit de la presse a récemment été contourné, pour criminaliser jusqu’à la couverture des résistances citoyennes, comme ce fut le cas pour le journaliste de Reporterre Grégoire Souchay, ou pour attenter au secret des sources de certaines enquêtes, comme ce fut le cas pour le média Le Poulpe convoqué devant le tribunal de commerce.’’
Vraisemblablement un appel sera interjeté par les ‘fautifs’... et d’autres magistrats vont ainsi être confrontés aux exigences de la loi et aux orientations dictées par le pouvoir judiciaire sur la question de l’écologie et de la résistance citoyenne.
* A lire sur le site lundimatin#429, du 20 mai 2024, une analyse éclairante sur cette condamnation du Tribunal de Nanterre -45-000-EUR-d-amendes-pour-des !
* * Et l'article de Karl Laske et Jade Lindgaard du 23 juin 2023 soulevements-de-la-terre-le-coup-de-pression-judiciaire
* * * Et un article de Mickaël Correia du 17 mai 2024 /21-heures-de-garde-vue-pour-avoir-colle-des-affiches-pro-climat
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Je ne suis pas ‘fan’ des pétitions, mais une prise de conscience sur ce qui se déroule actuellement à propos des libertés publiques me paraît urgente... et peut-être signons ici: /les-invites-de-mediapart/blog/160524/l-apologie-de-terrorisme-est-le-baillon-de-la-liberte
À l'initiative de Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, et de Patrick Baudouin, président de la Ligue des droits de l'homme, 150 citoyen·nes s'alarment de l'utilisation de l’apologie de terrorisme pour bâillonner l'expression des protestations sociales, démocratiques et écologiques. Parmi les signataires, Étienne Balibar, Rony Brauman, Alain Damasio, Philippe Descola, Cécile Duflot, Didier Fassin, Antoine Garapon, Cédric Herrou, Nancy Huston, Eva Joly, Henri Leclerc et Elias Sanbar.
Ed. La Fabrique . avril 2024