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Billet de blog 24 novembre 2014

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Au Portugal, les œillets sont fanés!

 Il y a quarante ans, la révolution des œillets mettait fin à une des plus solides dictatures de l'Europe occidentale. La déroute de la guerre coloniale, l’exode de milliers de citoyens obligés d’immigrer, une police politique brutale, la censure sur la presse, le parti unique... tout ceci avait contribué au sursaut d'une "révolution-pacifique" l’œillet dans le fusil! Et cette année le 25 avril 1974 était commémoré au Portugal, avec un fond de fête de lutte et de résistance encore mal définies et peu aguerries pour le moment. Socrates et Passos Coelho in O Olho VivoEt voilà, qu'il nous arrive des nouvelles en rafale qui mêlent l'incompétence, l'opportunisme et la corruption. Avec une première, l'ex-premier ministre cueilli par la police, à sa descente d'avion à Lisbonne, dans la nuit du 21 novembre.

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 Il y a quarante ans, la révolution des œillets mettait fin à une des plus solides dictatures de l'Europe occidentale. La déroute de la guerre coloniale, l’exode de milliers de citoyens obligés d’immigrer, une police politique brutale, la censure sur la presse, le parti unique... tout ceci avait contribué au sursaut d'une "révolution-pacifique" l’œillet dans le fusil! Et cette année le 25 avril 1974 était commémoré au Portugal, avec un fond de fête de lutte et de résistance encore mal définies et peu aguerries pour le moment.

Socrates et Passos Coelho in O Olho Vivo

Et voilà, qu'il nous arrive des nouvelles en rafale qui mêlent l'incompétence, l'opportunisme et la corruption. Avec une première, l'ex-premier ministre cueilli par la police, à sa descente d'avion à Lisbonne, dans la nuit du 21 novembre.

C'est Antonio Socrates, dirigeant socialiste (premier ministre de mars 2005 à juin 2011) qui est soupçonné de "fraude fiscale, blanchiment d'argent et corruption". Depuis longtemps mis en cause par les médias, la justice n'avait pas encore réussi à l’interpeller plus avant. Même son faux-diplôme d'ingénieur est resté dans les dossiers classés (sans véritable investigation). Cette fois-ci il semblerait que la justice a pris les choses en main. Il y a eu d'ailleurs un coup de main de l'administration fiscale française à propos de ses biens parisiens, notamment un appartement estimé à trois millions d'euros dans le seizième arrondissement. Voir les billets de Philippe Riès sur l'affaire en cours.

Pour le moment, l'ex-premier-ministre passe sa troisième nuit en détention et, selon son avocat les interrogatoires doivent reprendre lundi matin à 9h15.

Les visas dorés et le Ministre démissionnaire

Et cette affaire fait grand bruit, quelques jours à peine après l'arrestation d'un certain nombre de hauts fonctionnaires Portugais, dans un trafic de visas dorés, délivrés en échange d'un investissement à des ressortissants fortunés chinois (en grand nombre), russes, sud-africains et autres. Ces vistos dourados permettaient, semble-t-il,  des bonnes récoltes pour les fonctionnaires chargés de les autoriser mais aussi d'orienter les lieux ou les activités à investir.

Le ministre de l'intérieur (Administration Interne) Miguel Macedo a rapidement présenté sa démission au premier-ministre, pour sauver son honneur et "ne pas fragiliser l'autorité de l’État". Sa démission a surpris, d'autant que, pour le moment il n'est pas cité par la justice. S'agit-il d'un aveu ? Dans sa grande majorité, bon nombre des personnes interpellées sont des proches du Ministre, voire des liens amicaux.

Certains commentateurs à Lisbonne s'interrogent aussi sur la manœuvre qui pourrait constituer cette démission. Même si elle n'est pas très opportune pour l’exécutif, vient redorer, si on peut dire, l'image d'un ministre qui se veut intègre et d'un gouvernement qui assume les dysfonctionnements. Voire une mise en attente, pour reprendre des fonctions ultérieurs dans le Parti de droite PSD, en vue d'échéances futures.

Excusez-moi, dit le Ministre

Ce départ du gouvernement est aussi très commenté car il est l’envers des "erreurs" de deux autres ministres. Celui de l’Éducation Nationale et la Ministre de la Justice. Chacun, fin août, début septembre se sont vu accuser d'incompétence et de négligence, suite aux graves problèmes des deux ministères. Des professeurs pas encore nommés en octobre, provoquant l'absence d'enseignants pour des milliers d'élèves. Le Ministre est venu à la télévision en septembre reconnaître l'erreur du ministère et a demandé des excuses aux élèves, parents et enseignants, se glorifiant car, d’après lui, c'était la première fois qu'un ministre présentait des excuses. Ceci prêterait à rire s'il ne s'agissait pas d'élèves sans enseignants, encore à la mi-octobre dans certaines villes.

La ministre de la justice a sensiblement joué de la même façon, suite à un chaos informatique qui a duré plus d'un mois, ayant bloqué les 3,5 millions de procès contenus dans le réseau national du ministère. Ces défaillances manifestes dans le fonctionnement et la direction des Ministères n'a pas mérité de la part du premier-ministre que des propos pour relativiser les conséquences, soulignant toujours le grand courage de ses ministres qui faisaient face à l'adversité (sans démission en vue).

Les montres-cadeaux du Président

Et pour finir, une histoire qu'implique le Président de la République Cavaco e Silva. Dérisoire et médiocre révélatrice de la petitesse des attitudes en haut lieu. Le tribunal Constitutionnel a refusé d'intégrer dans les dépenses de la campagne de l'actuel Président, une facture de 24.640 € correspondant à 110 montres, qu'il avait offert, après son élection, aux militants les plus volontaires. Ainsi que le prix d'un repas de 3000 € pour 70 personnes (42 € par personne au Portugal est un repas cher...) invitées par Monsieur le Président pour les remercier pour leur activisme électoral. Le Tribunal Constitutionnel (Conseil Constitutionnel en France) a considéré qu'aucune 'de ces dépenses ne peut être considérée comme une contribution à la campagne électoral', venant après l'élection.

C'est un florilège à la Portugaise... Sans vouloir commenter l'arrestation de Socrates, l'actuel premier-ministre, a dit cet après-midi dans un discours à Guarda, centre du pays, "les politiques ne sont pas tous pareils"... Il a ainsi montré son amnésie sur une affaire l'impliquant, découverte récemment concernant des revenus dont il aurait bénéficié. Actuellement en suspens, voire classée pour prescription, mais la trace reste. De son côté, aujourd'hui le PS Portugais a élu son nouveau secrétaire-général, Antonio Costa, le Maire de Lisbonne, avec 96% de votes. Tout d'un coup tout ceci devient grotesque quand on sait que son ancien secrétaire-général et premier-ministre est confronté à la justice pénale, notamment pour corruption.

Les œillets des capitaines d'avril semblent fanés... mais c'est de saison! Gardons bon espoir pour le printemps, et surtout apprêtons-nous à leur faire savoir qu'ils ne méritent plus de nous représenter. Leur attitude et leurs petits ou grand gains, sont autant d'atteintes à la démocratie.

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