Cette violence s’est déroulée dans la zone frontalière avec l’Éthiopie de la région djiboutienne de Tadjourah. Deuxième attaque par drone à Siyaru, depuis le début de l’année. Les drones tueurs sont ainsi intervenus le 30 janvier 2025 dans la soirée contre les civils Afar à Siyaru. Le bilan est très lourd 14 personnes sont mortes dont 4 femmes, plusieurs blessées notamment des femmes et des enfants. Les drones ont continué à bombarder toute la nuit les campements des nomades.
C’était au moment des obsèques d’une femme et son enfant, organisées par des civils dont plusieurs militantes, femmes engagées, qui agissent contre les viols et violences de l'armée gouvernementale.
Un communiqué conjoint de ‘‘Femmes Solidaires, Afar Women's Network Association et le Comité des Femmes Djiboutiennes contre les viols et l'impunité (Cofedvi)’’ dénonce ce nouvel acte arbitraire des militaires dont les victimes ne sont reconnues par le gouvernement que comme des ‘‘dommages collatéraux’’.
‘‘Nous sommes en colère contre les nombreux Etats militairement présents en République de Djibouti, qui ne peuvent ignorer les crimes commis à quelques dizaines de kilomètres de leurs bases. Ils ferment les yeux, ne réagissent pas, ne dénoncent pas! Leur silence est complice’’!
‘‘Nous condamnons cette odieuse tuerie d'une lâcheté sans nom du pouvoir de Djibouti qui a pourtant adhéré en 2002 au Pacte International relatif aux droits civils et politiques dont l'article 6 précise "Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut-être arbitrairement privé de la vie" et l'article 7 "Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants", qui a pourtant ratifié la CEDAW en 1998 et en février 2005, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ainsi que le Protocole facultatif relatif aux droits des femmes en Afrique’’!
‘‘Nous sommes en deuil, notre émotion est forte et notre indignation est grande.’’
Pour une enquête internationale
Et le communiqué, publié à Paris le 31 janvier, alerte les responsables politiques occidentaux :
‘‘Nous demandons une enquête internationale.’’
‘‘Nous demandons que les responsables soient enfin traduits devant la justice.’’
‘‘Nous avons une pensée toute particulière pour les femmes du triangle Dawdawya, Siyaru et Margoïta qui sont les cibles privilégiées de l’armée djiboutienne depuis une vingtaine d’années, mais qui font preuve de résilience.’’
Dans un communiqué de presse la Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH), fait référence à la dépêche de l’AFP qui n’aurait rendu public que la déclaration du Ministère de la Défense de la République de Djibouti, disant que les drones ont attaqué et tué 8 terroristes dans le village de Siyaru. La Ligue souligne que ‘‘l’AFP est en train d’infliger une seconde mort à ces femmes, ces enfants, ces bergers Afar. Les médias éthiopiens ont montré les cadavres déchiquetés des villageoises et des jeunes enfants de Siyaru’’.
De son côté le Bloc pour le Salut National, condamne ‘‘[...] avec la plus grande force cette attaque meurtrière et odieuse ainsi que l’acharnement dont elle témoigne. Nous exigeons une enquête indépendante sur toutes les attaques contre les civils de Siyaru et la punition des auteurs comme des commanditaires.’’
‘‘Nous appelons la communauté internationale, particulièrement les puissances ayant une base militaire à Djibouti, à user de leur influence pour que cessent ces atteintes gravissimes aux droits humains à Djibouti.’’
Et la France, « la patrie des droits de l'homme », où est-elle ?
Ils sont 1 500 militaires français à Djibouti et on sait que sur le plan bilatéral, le traité de coopération en matière de défense entre les deux pays a été acté par Emmanuel Macron et son homologue djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh, le 24 juillet 2024 à Paris. Or, vu les désagréments vécus par l’armée française obligée de se retirer progressivement du continent africain, il ne restait donc au président français, pour le traditionnel repas de Noël avec les soldats français, que Djibouti, comme le racontait le journal Le Monde du 20 décembre 2024. Également chef des armés Macron y est allé « pour témoigner aux soldats la reconnaissance de la nation ».
Selon l’Élysée, à l'occasion de ce déplacement, en attendant la ratification du traité par les parlements respectifs, «Il légitime la présence française à Djibouti pour les prochaines décennies. Cela pérennise nos points d’appuis maritimes et aériens avec les facilités d’accès aéroportuaires. Et enfin, cela donne un cadre juridique à notre présence sur place.»
D’après ce qu’on peut comprendre, ce sont des points d’appuis stratégiques avec les facilités portuaires pour la France qui, pour l’heure ne s’élargissent pas aux droits humains ou à la lutte contre les violences faites aux femmes. Et, comme le questionnait Sonia Le Gouriellec, maîtresse de conférences à l’Université catholique de Lille : «Mais que se passera-t-il en cas de crise politique intérieure grave à Djibouti? Est-ce que la France soutiendra ce pouvoir antidémocratique?», demande cette spécialiste de la Corne de l’Afrique dans le journal Le Monde. Le risque serait alors que les Forces Françaises apparaissent comme la garde prétorienne d’un président illégitime.
Est-ce la raison du silence médiatique en France sur ces violences répétées, les bonnes relations "marchandes" entre Macron et Omar Guelleh?
* * Dans le premier commentaire lettre adressée à l’AFP par un ressortissant français résidant à Djibouti
* * * Déjà en 2016 le magazine https://clara-magazine.fr/viols-des-femmes-a-djibouti-larme-de-la-repression/* alertaient sur les risques qu'elles encourent, une vingtaine de femmes djiboutiennes réfugiées en Éthiopie, prêtes à témoigner des viols qu'elles ont subis de la part de l'armée régulière djiboutienne ...