Ce soulèvement militaire qui a fait chuter la dictature fasciste au Portugal et engagé le processus de décolonisation en Afrique, a rendu une autre visibilité à ces ‘‘discrets travailleurs’’. Ils sont venus en France pour fuir la misère, pour refuser de partir à la guerre, pour se réfugier des persécutions de la PIDE (police politique portugaise) ou pour déserter de l’armée coloniale. Contrairement au discours officiel fréquent en France, quitter là où on est né, ce n’est pas par plaisir, pour voir du pays ou pour tirer profit de la Sécu !
Et en ce jour, j’avais envie de partager ici le constat de l’importance de l’accueil en France (souvent dans des conditions difficiles) mais qui a permis à beaucoup d’entre nous de se mettre à l’abri de la répression de la dictature de Salazar et Caetano ou à y trouver un salaire.
Pour ma part je dois beaucoup au soutien et à l’accompagnement dans mes vingt-ans que notamment la Cimade (en 1966) m’a prodigué. Mais aussi d’autres associations et d’autres bénévoles qui nous ont donné souvent un ‘‘coup de main’’ essentiel pour aider à nous en sortir.
Dire merci, oui bien sûr pour le fait que nous les immigrés y avons trouvé refuge, bénéficié de l’exil, trouvé du travail pour aider nos familles restées aux pays. Oui et peut-être reconnaître aussi que beaucoup d’entre nous ont contribué, avec tant d’autres nationalités et origines, dans la construction civile, les usines, les chantiers routiers, tous ces travaux dont la France de l’époque s’enorgueille...
Le ‘‘cout de l’immigration’’
Mais aussi et c’est le vice-versa de mon propos, ces immigrés sont arrivés et dès qu’ils ont pu franchir les barrières administratives, les mauvais accueils dans les préfectures, les arnaques du travail mal payé et pas déclaré... et commencé à travailler légalement, ils/elles l’ont fait.
C’est que cette main d’œuvre d’hier comme celle d’aujourd’hui arrive ici prête à mettre les mains dans le cambouis... Le pays dit d’accueil n’a pas eu à dépenser pour la santé et la petite enfance, pour la scolarité, pour la formation. Ce sont des femmes et des hommes ayant grandi et appris les vertes années de leurs vies, ailleurs, ce dont les pays d’émigration bénéficient.
Et ceci reste toujours vrai aujourd’hui... On nous parle des métiers en tension pour lesquels les Préfectures faciliteraient la régularisation des immigrés (pouvant les mettre au boulot sur le champ) car l’économie ne sait pas où les trouver. Pour les autres, ‘‘on leur rend la vie impossible’’ comme l’a déclaré très officiellement le ministre de l’intérieur (Le Monde, nov 2022) forcément au nom de son président. Au fond, ‘‘on les jette, ils ne sont même pas recyclables’’. Comment pouvoir accepter qu’un ministre de la République souhaite rendre ‘la vie impossible’ à d’autres êtres humains !
Bien sûr la question est bien plus complexe mais si les immigrés coûtent au pays d’accueil, pour beaucoup et ce n’est pas négligeable, rapportent également. Et la préférence nationale chère à Le Pen et, d’après sa loi, à Macron, ne fera que cliver, stigmatiser et, puisque c'est leur objectif, leur apporter des bulletins de vote.
J’aimerais et ce serait ici ma modeste contribution, que les lusodescendants, ayant grandi et s’étant formés en France, tirent enseignement de la ‘‘transmission’’ de leurs ascendants ‘‘luso’’, venus de Lusitanie. Oui, de ce petit pays rectangulaire au bord de l’Europe de l’Ouest (en bas à gauche), d’un côté l’Espagne de l’autre l’Océan qui s’ouvre sur le Monde, et puissent regarder et soutenir les immigrés d’aujourd’hui, car ils/elles sont les égaux de leurs parents ou de leurs grands-parents, quand ils/elles sont arrivées en France il y a plus de 50 ans.
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Pour illustrer ce billet, rappel de ce beau livre avec le regard de Gerald Bloncourt, qui a tant photographié les migrants Portugais et raconté l’histoire de cette petite-fille du bidonville de Champigny !
/blog/160822/parcours-d-une-combattante-la-petite-fille-du-bidonville
D’autres approches :
° ° La série d’articles de Mickaël Correia /dossier/international/portugal-50-ans-apres-la-revolution-des-oeillets
° ° Révolution des œillets... il y a 50 ans le Portugal faisait chuter la dictature! blog/150424/revolution-des-oeillets-l-exception-portugaise
° ° Et le livre de José Vieira sur la vie d’un enfant en bidonville: blog/080424/revolution-des-oeillets-et-immigration-portugaise
° ° Et, depuis le lundi 22 avril 2024, dans l’émission sur France Culture, Le cours de l’histoire, Xavier Mauduit lance la Série «De l’Angola au Portugal, la révolution des Œillets»