Le débat sur l’Éducation Nationale mobilise toujours beaucoup d'intervenants sur Mediapart. Des enseignants, en activité ou retraités, des spécialistes de l'éducation, historiens, des parents y leurs associations, parfois des élèves, des citoyens engagés dans la vie publique ou politique abordent les questions sur l'éducation du point de vue pédagogique, politique, social, l'éducation ou l'instruction... rarement sur le personnel qui fait que le "mammouth" bouge toujours...
Je voudrais évoquer dans ce billet une pratique que j'ai eu à connaître à propos des administratifs, qui me paraît questionner des façons de faire et qui surprennent. Il s'agit de la distribution des reliquats de prime faite chaque année (2012, 2013) pour le personnel de l'Académie de Toulouse. Pour les personnels administratifs dont les salaires sont en dessous de 1500€ mensuels, la grande majorité, l'indemnitaire est important.
Il représente une part significative dans la rémunération des agents de l’Éducation Nationale. Lorsque l’enveloppe budgétaire (BOP) est jugée suffisante, en fin d’année les fonds restants (reliquats) sont répartis entre les agents d’un même BOP. La répartition est inégale, c'est à dire en fonction de la catégorie professionnelle. Cependant même à l’intérieur d’une même catégorie, et donc du même BOP, il semble que les assistantes sociales et les infirmières scolaires n’aient rien perçu pendant que leurs homologues «conseillères techniques» perçoivent ce reliquat de prime rectorale. Les contractuels sont également exclus (le versement de reliquats à ce personnel est selon l’Académie de Toulouse, contraire à la loi mais d’autres académies en France versent une modeste reconnaissance financière, en fin d’année à ce personnel précaire).
Ces «primes», peau de chagrin, mieux que rien en temps de vaches maigres... ne le sont pas pour tout le monde car 23 cadres supérieurs auraient touché des primes exceptionnelles bien plus substantielles.
Tout en reconnaissant que des administrateurs, des chefs de service ont bénéficié de cette «petite manne», le rectorat, sans donner des détails se réfugie sur le bien fondé de ces largesses, et dénonce surtout la fuite des «informations confidentielles sur les fiches de paye». Ceci se passait en 2012 (selon le compte rendu d’une audience syndicale du 22 décembre 2012).
En 2013, rien n'a fondamentalement changé, le petit supplément de 78000 € accordé en 2012 à ce personnel a été peu ou prou reconduit. D’ailleurs le secrétaire général du rectorat avoue en audience : «Vous parlez de 2012 et 2013, mais la même chose a été faite en 2011». Sa franchise a tout de même des limites car, quand on lui demande le budget global utilisé dans ce type d'opération il prétexte la confidentialité affirmant qu'il s'agit «d'indemnitaire exceptionnel dans les normes nationales».
C'est à souligner la préoccupation du Recteur, dont il fait part dans un courrier adressé au Syndicat (le 24 mai 2013, signé par M. Dugrip) : Sur «[…] l'allusion à l'encadrement supérieur je souhaiterais être informé, comment votre organisation a appris que des primes 'très exceptionnelles' avaient été attribuées à 23 personnels d'encadrement».
* Pétition pour la transparence
Un des Syndicats du Personnel, FO, a lancé une pétition, demandant la transparence et la moralisation dans cette pratique toulousaine : «... je demande la transparence sur les attributions des reliquats en octobre cette année, aux cadres supérieurs du rectorat, alors que le rectorat dans un même temps annonce qu’il n’y a pas de reliquats (comité technique d’octobre). Cette opération est similaire à celle de 2012 qui avait attribué un supplément indemnitaire impressionnant à 23 personnes ! Je ne demande pas à connaître les montants individuels mais le budget global utilisé dans ce type d’opération réitérée chaque année. Je demande par ailleurs le montant global annuel alloué aux régimes indemnitaires très exceptionnels de ces personnels, comme il nous a été communiqué pour les autres personnels». Cette pétition demande par ailleurs un rattrapage de l'indemnitaire pour les administratifs des établissements scolaires largement défavorisés par rapport à leurs collègues des services académiques, ainsi qu'un geste indemnitaire pour les personnels contractuels. http://31.fo-spaseen.fr/article34.html
* * Nouveau recteur, vieux arrangements?
Le recteur a changé, depuis juillet 2013 c'est Mme Hélène Bernard, qu'on présente comme une proche du ministre de l’Éducation Nationale.
Vincent Peillon et Mme le Recteur à Toulouse le lundi 24 août 2013, lors de la rencontre avec les futurs élèves professeurs.
La nomination de Vincent Peillon a soulevé beaucoup d'espoir tant la question éducative avait été malmenée par les Darcos-Chatel sous la Sarkozie. Et si l'essentiel de ce ministère c'est la pédagogie, les méthodes d'enseignement, les programmes, la formation des professeurs, les rythmes scolaires, la vie dans les cités éducatives, on ne peut pas négliger la gestion et la reconnaissance du travail de l'ensemble des personnels administratifs, qui font marcher la machine.
Cette séquence sur les primes-reliquat, pour insignifiante qu'elle soit (en termes budgétaires) est tout de même révélatrice des pratiques, de la façon de faire et surtout de l'état d'esprit dont le ministre, depuis mai 2012, ne semble pas avoir mesuré ni l'importance ni la symbolique.
Comme dirait un ancien collègue-ministre et coreligionnaire de M. Peillon. le «mammouth dégraisse», en attendant, pour les cadres de l'Académie de Toulouse ça va, merci!