Ce billet pour rendre hommage aux deux Scob... Je connaissais peu Edith Scob comme comédienne. Le premier film où je l'ai vu était un Buñuel, La Voie Lactée, fin des années 60. Jubilatoire et très documenté par le scénariste Jean-Claude Carrière. Il s'agit du chemin de St Jacques si fréquenté aujourd'hui. Buñuel en fait autre chose et j'ai alors beaucoup aimé. Deux hommes, un vieux croyant et un jeune athée (joué par Laurent Terzieff). Ils ne sont pas des pèlerins mais plutôt des vagabonds prêts à délester les pèlerins de leur poids matériel... Jeune anticlérical que j'étais à l'époque, depuis peu en France, c'est le premier film que j'ai vu, pas très catholique, sur l’Église et ses à côtés... Edith Scob y jouait la Vierge Marie dialoguant avec son fils Jésus, déjà adulte...
J'ai, bien plus tard, marché sur le chemin de St Jacques. Aussi "hérétique" que Buñuel mais beaucoup moins fantaisiste et inspiré que lui...
J'ai vu d'autres films par la suite qui m'ont moins marqué. Je me rappelle de L'heure d'été, d'Olivier Assayas, qui est un petit bijou sur une famille bien, heureuse et fortunée qui le sera moins au moment de l'héritage...
Edith Scob a aussi beaucoup joué au théâtre, souvent appréciée par sa personnalité et sa figure singulière. Assayas disait d'elle “j'ai été marqué par la silhouette d'Edith Scob [de Franju]. Et puis Edith Scob, c'est une personne qui a une grâce, une clarté, un éclat très particuliers. Elle vient d'une autre époque mais présente une acuité très moderne”cité dans un portrait de Libération.
Son engagement politique date de ses 20 ans, au PCF, pour quelque temps. Mai 68 l'amène vers le MLF, le statut de l’intermittence et dans les années 70, avec son mari Georges Aperghis, crée l’Atelier théâtre et musique (Atem) à Bagnolet.
L'Autre Madame Scob
Mais ce billet est pour moi l'opportunité de rendre aussi hommage à la mémoire de sa mère. Dans la famille Scob, famille protestante (venant des Cevennes), il y avait Helena qui s'occupait au foyer de ses trois enfants (le père d'Edith Scob était un architecte d'origine russe). Parallèlement, Helena Scob travaillait à la Cimade, engagée contre les injustices et défendant les réfugiés. C'est dans ce cadre que je l'ai connu et grâce à elle que j'ai pu en 1966 régulariser mon statut d’exilé en France. Entre autres nationalités, Helena Scob a beaucoup aidé les jeunes réfugiés, déserteurs et insoumis portugais à la guerre coloniale, de même que la Cimade a accueilli des jeunes venant directement de l'Angola, du Mozambique ou de Guinée Bissau.
Mais son engagement n'était pas seulement de conseil ou d'orientation, il était aussi personnel, “Elle devient la tutrice d’un jeune garçon, âgé de 17 ans, dont le père est mort au Portugal après quinze années d’emprisonnement pour des motifs politiques. L’adolescent avait lui-même connu la prison lorsqu’il avait 15 ans. Helena Scob veille à ce qu’il puisse poursuivre ses études et n’hésite pas à solliciter le cabinet du préfet de Police de Paris pour lui obtenir un laissez-passer afin qu’il puisse se revigorer dans les montagnes suisses”. [cité par Victor Pereira, historien Université de Pau]
C'est donc avec émotion qu'au moment de la disparition d' Edith Scob j'évoque aussi la mémoire et l'altruisme qui a toujours guidé l'action de sa mère Helena Scob dont Edith parlait avec admiration du combat de sa mère.
Il me paraît opportun de laisser ici le commentaire d' Edith Scob à propos de Virginia Woolf, au moment où elle jouait Une Chambre à soi, au Théâtre Artistic Athévains «J'aime entre autres sa façon d'accepter ses errances, et sa liberté : elle est dans un entre-deux, elle met au jour une possibilité de ne pas être dans un moule, de ne pas être mouton.» Ces deux femmes Scob ne l'étaient vraiment pas.