Deux brèves qui méritent, qui exigeraient même l'indignation nationale! On nous disait en mai 2007: "Une république irréprochable"... et voilà l'exemple de deux ministres qui exposent leur suffisance et leurs arrangements avec les deniers de la République.
Pour l'un, le secrétaire d'État à la Coopération et à la Francophonie, Alain Joyandet, c'est Mediapart qui a révélé son forfait http://www.mediapart.fr/journal/france/260310/un-ministre-se-paye-un-vol-en-jet-prive-116500-euros-pour-sauver-haiti.
Fabrice Arfi avait alors donné des éléments sur le voyage dispendieux de ce ministre-homme d'affaires, propriétaire d'un ensemble de sociétés de distribution de bateaux équipés de bois précieux africains et « l'achat, la vente, l'importation, l'exportation et la location de bateaux à moteur ».
Selon l'AFP, du 30 mars, il dit «regretter beaucoup si cette somme choque», tout en se défendant d’être connu «comme quelqu’un de dépensier». Il explique, comme son cabinet l'avait déjà justifié que «Les exigences d’un calendrier font qu’on est obligé au dernier moment de prendre un avion privé. C’est exceptionnel depuis deux ans dans l’organisation qui a été la mienne (…) Je devais faire mon travail, j’ai fait mon devoir, je présidais cette conférence internationale pour Haïti, je devais être là», poursuit-il tout en comprenant les critiques. «Ça me fait dire que dans l’avenir, je ferai encore plus attention à la façon dont j’organise les dépenses de mon cabinet».
Contrairement à ses affirmations ce n'est pas tout à fait exceptionnel. Fabrice Arfi l'écrit dans son article “Déjà, pour un déplacement à Port-au-Prince le 14 janvier, juste après le séisme, le ministère des affaires étrangères avait déboursé dans les 160.000 euros pour un Falcon 900 de 14 places de la compagnie hollandaise Solid'Air. Outre M. Joyandet, trois conseillers, un officier de sécurité et quatre journalistes étaient du voyage”.
En fait il présidait à Fort-de-France avec sa collègue Ministre de l’outre-mer, Marie-Luce Penchard, la conférence internationale des villes et régions du monde pour la reconstruction d’Haïti. On pourrait imaginer qu'un seul ministre suffisait pour présider cette réunion « préparatoire à la conférence internationale des donateurs pour Haïti qui se tiendra à New York le 31 mars ».
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Certes il n'est pas le seul ministre adepte des Jet privés. En janvier 2008, Christian Estrosi, le secrétaire d'État à l'Outre-mer, a modifié au dernier moment l'organisation d'un déplacement à Washington pour participer à un «pot» à l'Élysée, l'obligeant à louer en catastrophe un avion privé à 138 000 euros. En présentant ses excuses, d'après le Figaro du 6 février 2008, il reconnaît implicitement que ses collaborateurs on pris une initiative sans son aval … «Bien évidemment, si on m'avait soumis ce devis, je ne l'aurais pas accepté, parce que ça ne fait pas partie de mes pratiques.»
Pour ces trois voyages l'addition est de 414.500 euros. Et quand on dit que « les caisses de l'État sont vides », manifestement pas pour tout le monde.
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L'autre ministre-scrupuleux est le secrétaire d'État à la fonction publique, Georges Tron, nouvellement promu, issu du re-cadrage des régionales, sous-ministre d'ouverture à droite (serait un ex-villepiniste).
Le Canard enchaîné a révélé il y a deux semaines que M. Tron, bénéficie depuis 1992 d'un logement social, situé dans le XVème arrondissement de Paris. Six pièces, 118 m2, une terrasse de 20 m2, deux parkings qu'il loue à une société HLM contrôlée par le 1% patronal.
Selon l'auteur de l'article, le journaliste Hervé Liffran, ce que le ministre paye correspond à un loyer de 11,88 euros le mètre carré, au lieu de 25 euros "pour un appartement privé de ce standing dans un pareil quartier".
Ce logement lui a été attribué en 1992, quand il était chef de cabinet de M. Balladur au temps du Maire de Paris, Jacques Chirac. D'après L'indiscret hebdomadaire du mercredi, aujourd'hui « La construction de cet immeuble a d'ailleurs été subventionnée par la Mairie de Paris avec des crédits HLM. En échange la Ville a le droit de choisir des locataires pour une partie de ces 146 logements sociaux ».
Déjà, en janvier 2008, « le Canard » avait apostrophé ce locataire illustre. Il avait alors annoncé, selon la livraison de ce jour qu'il était « en négociation pour acheter » un appartement et qu'il viderait bientôt les lieux ». Il semblerait que la négociation n'a pas abouti …
Rappelons que le nouveau Secrétaire d'État est auteur d'un rapport en 2005, sur la gestion et les cessions de l'immobilier de l'État et il a été nommé Président du Conseil immobilier de l'État en juin 2006. Bien entendu, ceci n'a rien à voir avec son modeste appartement de la rue Mademoiselle mais tout de même, un Président du Conseil immobilier de l'État, doit s'y connaître en immobilier!
Question subsidiaire, élu Maire de Draveil, commune de 28.000 habitants à dix-neuf km de Paris, depuis 1995, pourquoi un appartement parisien? On pourrait penser que le premier magistrat de la ville logerait avec sa famille parmi les « draveillois ». Ou est-ce qu'il ne fait pas bon vivre à Draveil?
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Ces affaires sont de nature différente. Elles ont tout de même des points communs. La façon dont les deniers publiques sont utilisés, l'arrogance voire la mauvaise foi pour justifier leurs forfaits, le mépris de l'électeur, l'impunité qui couvre ces pratiques. Elles révèlent aussi ce que j'appellerais l'indignité ministérielle de certains membres du gouvernement. Parler de la présidentielle de 2012 c'est sans doute nécessaire parce que c'est une échéance, mais c'est au quotidien que cela s'élabore.
Nous sommes tous égaux mais quelques uns, une minorité, le sont plus que d'autres et participent à la démagogique « tous pourris ». Leur comportement contribue manifestement au désenchantement de la politique, voire à l'abstention électorale.
Certes, ou pourrait trouver dans l'échiquier politique, toutes tendances confondues, des attitudes similaires. C'est notre responsabilité citoyenne de le dénoncer de tout bord qu'elles soient et cela ne justifie pas de le taire quand il s'agit du pouvoir en place.