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Billet de blog 18 juillet 2015

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Une guerre européenne contre l’asile

Jamais peut-être la question de la protection des personnes persécutées n’avait occupé autant de scènes politiques à la fois...

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Jamais peut-être la question de la protection des personnes persécutées n’avait occupé autant de scènes politiques à la fois...

New York, le 11 mai 2015, réunion du Conseil de sécurité des Nations unies en vue de l’approbation d’un plan européen d’intervention militaire contre les passeurs de Libye [1] ; Bruxelles, le 13 mai 2015, l’Union européenne rend public un « agenda européen en matière de migration » [2] ; et puis, à l’échelon français, une réforme de la réglementation relative à l’asile en cours de discussion devant le Parlement.

À New York, l’Union européenne veut que le Conseil de sécurité de l’ONU donne le feu vert à ses prochaines opérations militaires contre les passeurs opérant depuis la Libye. Pour le convaincre, sa Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, doit démontrer que leurs trafics mettent à mal la paix internationale. Il faudra, au Conseil, se contenter de l’affirmation sommaire selon laquelle « les réseaux de migrants [et non de passeurs] ont des liens avec les activités terroristes, qu’ils financent dans certains cas, exacerbant ainsi l’instabilité dans une région […] déjà assez instable [le Proche-Orient et l’Afrique du Nord] ». Et puis, pour conférer un peu de légitimité à sa demande, il revient à Mme Mogherini de présenter l’Union européenne comme irréprochable en matière de respect de ses obligations internationales. Sa longue contemplation des naufrages en Méditerranée comme sa réticence à accueillir en nombre conséquent des victimes de crises majeures, à commencer par celles de Syrie et d’Irak, ne lui facilitent pas la tâche. Qu’à cela ne tienne. Faute de pouvoir se prévaloir d’un passé vertueux, Mme Mogherini demande au Conseil de sécurité de croire que l’Europe « est enfin prête à assumer ses responsabilités en sauvant des vies, en accueillant des réfugiés », reconnaissant que « cela n’a pas toujours été le cas ».

Au secrétariat général de l’ONU, on éprouve manifestement quelques difficultés à comprendre la position européenne. Aux yeux de Peter Sutherland, représentant spécial du Secrétaire général pour les migrations internationales, « une stratégie efficace pour faire face à la crise, y compris dans le cadre d’un projet de résolution du Conseil de sécurité, commence […] par la nécessité immédiate de sauver des vies ». Sous-entendu, la guerre aux passeurs est secondaire. Or, observe-t-il, « jusqu’à ce que 900 personnes trouvent la mort au cours d’un seul week-end, en avril dernier [3], la communauté internationale était largement absente de la Méditerranée. La responsabilité de sauver des vies a dû être assumée principalement par la marine italienne ». Et de s’interroger sur les solutions qui, tout en évitant aux personnes migrantes de mettre leur vie en danger par des traversées périlleuses de la mer, couperaient l’herbe sous les pieds des passeurs. « Que faut-il faire ? », s’interroge M. Sutherland. « La réinstallation des réfugiés et d’autres formes d’admission humanitaire constituent les moyens les plus sûrs et les plus organisés dont nous disposions pour fournir une protection. Ce sont des outils sous-utilisés. […] Seule la moitié des 28 États membres de l’UE sont des pays de réinstallation. » Et de poursuivre : « Nous devons offrir d’autres options aux demandeurs d’asile : des visas humanitaires, le statut de protection temporaire et des visas à court terme. […] Nous pourrions offrir des visas de travail, des visas saisonniers et des visas de migration circulaire. Le regroupement familial est un autre droit très important qui doit être activement promu. Nous avons à peine déployé ces outils qui permettent de sauver des vies. Nous devons mettre en place des moyens sûrs pour permettre aux demandeurs d’asile de recourir à ces voies légales. »

En toute logique, l’approbation par le Conseil de sécurité du plan de l’Union européenne devrait avoir pour condition une révision complète de la politique migratoire des Vingt-Huit puisqu’il a été acté que la fermeture des frontières de l’UE est responsable de la noyade de milliers de personnes en Méditerranée dans la mesure où elle les a livrées à des passeurs, lesquels les ont souvent exposées à la mort pour tirer le meilleur profit du marché ainsi créé. D’où les engagements, le 11 mai à New York, de la Haute Représentante de l’UE : « Dans deux jours, […] la Commission européenne présentera un nouveau programme européen en matière de migration, qui proposera tant des solutions aux problèmes immédiats que des moyens de mieux gérer les migrations sous tous leurs aspects à plus long terme […]. Nous proposerons […] de renforcer les possibilités d’entrer légalement en Europe ». Dont acte.

De fait, deux jours plus tard, à Bruxelles(...)

>>> La suite de l'article

Jean-Pierre Alaux
Gisti


Extrait du Plein droit n°105
« Naufrage de l’asile »
(juin 2015, 10€)

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