Hausse des droits de timbre : un nouveau pas vers la précarisation des personnes étrangères
La France est parmi les pays d’Europe celui où le coût du droit au séjour est le plus élevé, surtout si on rapporte ces frais à la durée du titre ou au pouvoir d’achat moyen des personnes concernées. Un rapport parlementaire rendu public de 2019 épinglait du reste sévèrement la réglementation en matière de droits de taxes applicables aux étrangers demandeurs de titres de séjour. Après dix ans d’augmentation du montant des taxes, le gouvernement et les député·es avaient enfin accepté d’inverser la tendance : à la suite de ce rapport notamment, des réductions significatives, quoiqu’encore insuffisantes, avaient été votées par l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, c’est un grand retour en arrière.
Désormais, chaque étape de la vie administrative des personnes étrangères sera plus coûteuse : demande ou renouvellement de titre de séjour, autorisation provisoire de séjour, visa de régularisation, demande de naturalisation. Autant d’obstacles financiers imposés à des personnes qui n’ont évidemment pas d’autre choix que de s’y soumettre, leur droit au séjour conditionnant leur droit de vivre, d’étudier, de travailler ou de rejoindre leurs proches.
Ces nouvelles taxes ne sont pas seulement injustes : elles viennent aggraver une précarité déjà largement organisée par l’administration. L’accès aux droits est rendu toujours plus complexe par la dématérialisation des démarches et par la pratique persistante des préfectures consistant à limiter la délivrance à des titres d’un an. Alors que la loi du 7 mars 2016, avait posé le principe d’une généralisation des titres pluriannuels, la loi Darmanin de 2024 a au contraire restreint l’accès à un séjour stable en réduisant l’octroi des titres de longue durée. Ces obstacles administratifs obligent les personnes à multiplier les démarches et les paiements et contribuent à l’explosion d’un contentieux déjà considérable.
Ainsi, l’État choisit délibérément de transformer les droits fondamentaux des personnes étrangères en source de profit. Il sait que ces taxes toucheront avant tout des femmes, des hommes et des familles souvent en grande difficulté économique, et qu’elles auront pour effet d’exclure, de décourager et de fragiliser davantage encore. Ce projet s’apparente à un véritable racket institutionnel, qui fait payer aux étrangers le prix d’une politique fondée sur la suspicion, l’humiliation et l’entrave.
Il s’inscrit surtout dans une logique plus générale où les économies budgétaires se font systématiquement au détriment des personnes les plus vulnérables. Comme en témoignent la hausse des franchises médicales ou la suppression annoncée de l’APL pour les étudiants étrangers, l’État choisit de faire payer celles et ceux qui ont le moins de moyens pour financer sa politique. Les personnes étrangères, souvent en situation de grande précarité, se trouvent ainsi une nouvelle fois en première ligne de ces choix scandaleux et profondément injustes.
Paris, le 20 octobre 2025
Associations signataires :
- Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE)
- Groupe d’information et de soutien des immigré⋅es (GISTI)
- La Cimade
- Syndicat des avocats des France (SAF)
- RESF
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