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Billet de blog 4 mars 2022

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Lettre au président candidat Macron

Le président de la République s'est aujourd'hui déclaré candidat à un deuxième mandat dans une lettre aux Français. Marie-Aleth Grard, présidente d'ATD Quart Monde, lui répond sur le même ton, en esquissant le cap vers lequel tous les candidats à la présidence du pays doivent tendre pour répondre aux 9,3 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté en France.

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M. le Président candidat Macron,

Depuis cinq ans, nous avons traversé ensemble nombre d’épreuves. Rarement, la France n’avait été confrontée à une telle accumulation de crises. Les plus impactés sont évidemment les 9,3 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, qui ont malgré tout fait face avec dignité et fraternité.

Elles ont tenu bon sans perdre espoir, soutenues par des milliers de citoyens qui n’ont pas renoncé à agir contre la pauvreté. Les réformes que vous avez menées n’ont pas amorcé le virage vers l’éradication de la pauvreté que vous aviez promis en septembre 2018.

L’embellie sur l’emploi que vous décrivez est certes une réalité chiffrée mais masque l’accroissement de sa précarisation. Grâce à nos efforts, vous avez reconnu la pertinence de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) et ouvert un nouveau chapitre prometteur pour le droit à un emploi décent et en CDI. Toutefois, grâce à vos efforts, la réforme de l’assurance chômage est venue précariser davantage celles et ceux qui vivaient déjà l’instabilité de l’emploi. Ajoutons que les mesures fiscales ont eu pour effet que seuls les plus pauvres n’ont pas vu leur pouvoir d’achat augmenter. Tout cela a affecté votre crédibilité sur les enjeux sociaux.

Vous n’avez pas tout réussi. Il est des choix qu’avec l’expérience acquise auprès des plus pauvres vous auriez pu faire différemment. Mais le choc de participation que vous vantiez n’a pas eu lieu. Et les crises que nous traversons montrent bien qu’il faut prendre un autre chemin plus collectif et participatif.

Nous connaissons des bouleversements d’une rapidité inouïe : menace sur nos démocraties, montée des inégalités, pauvreté, manque de logements, changements climatiques, hôpitaux exsangues, fracture numérique. Ne nous trompons pas : nous ne répondrons pas à ces défis en intensifiant toujours plus les contrôles sur les plus pauvres. C’est en regardant avec humilité et lucidité leurs situations, en ne cédant rien de l’audace, de la volonté et du goût pour un avenir digne, que nous réussirons à tendre vers une France sans pauvreté. L’enjeu est de bâtir pour nos enfants une France qui ne laisse personne de côté, une France qui reconstruit des sécurités pour toutes et tous.

Voilà pourquoi un président de la République doit être élu. Il doit être candidat pour défendre nos valeurs et nos droits. Il doit être candidat pour préparer un avenir digne et durable à nos enfants et nos petits-enfants. Pour permettre à chacun, aujourd’hui comme demain, de développer son pouvoir d’agir.

Il n’y a pas d’indépendance sans accès aux droits. Il faudra donc permettre à chacun d’obtenir un emploi digne en CDI. Pour ne pas laisser la fracture numérique s’installer et compliquer l’accès aux droits de ceux qui en sont éloignés, il faudra garantir un accueil humain de qualité au sein des services publics pour accompagner celles et ceux qui en ont besoin. Pour permettre aux jeunes de se bâtir un avenir désirable, il faudra leur assurer une sécurité de revenus dès 18 ans assortie d’un accompagnement de qualité, sans limite de temps et sans conditionnalité.

C’est à la condition de cette reconquête sociale par les droits que nous pourrons préserver une démocratie apaisée.

Nous lutterons contre les inégalités, en cherchant toujours à les corriger et en nous y attaquant à la racine. Nous ferons en sorte que tous les enfants de France aient les mêmes chances, que la méritocratie républicaine ne soit plus une injonction excluante. Pour cela, la priorité sera donnée à l’école et à nos enseignants, qui seront plus libres, plus respectés et mieux rémunérés.

La force de notre modèle social est là : dans cet investissement dans l’humain tout au long de la vie, qui donne confiance aux familles. Il faut pouvoir consolider ce modèle en assurant des moyens convenables d’existence à tous, notamment en augmentant les aides personnalisées au logement (APL) et les minima sociaux.

Défendre notre singularité française implique enfin de promouvoir une certaine manière d’être au monde. Une citoyenneté, qui repose d’abord sur des droits et l’égale dignité.

Parce que réélu Président vous en auriez l’autorité, il vous serait alors possible de convoquer le Congrès et mettre en conformité la Constitution avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en y insérant la notion de « respect de l’égale dignité ».

Parce que le respect des droits humains n’est pas négociable, il faudra investir dans la reconstruction de sécurités solides pour tous. Il faudra également veiller à ce que les préfets fassent respecter les engagements nationaux et internationaux de la France, en particulier en ce qui concerne le respect des droits des personnes migrantes. Il faudra encourager tous ces engagements avec une ambition simple : « éradiquer la pauvreté en une génération ».

Tout au long de votre mandat, vous avez vu partout un esprit de résistance à toute épreuve, une volonté d’engagement remarquable, une inlassable envie de bâtir. En chaque lieu, vous avez perçu le désir de prendre part à cette belle et grande aventure collective qui s’appelle la France.

C’est pourquoi le moment électoral qui s’ouvre est si important. Cette élection présidentielle déterminera les directions que le pays se donne à lui-même pour les cinq années à venir et bien au-delà. Bien sûr, le contexte risque de reléguer au second plan les préoccupations sociales. Mais avec clarté et détermination, il faudra s’engager à ne laisser personne de côté.

Nous pouvons faire de ces temps de crises le point de départ d’une nouvelle époque française, européenne et mondiale.

Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde

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