Un séisme, puis sept ans d'écriture par sept auteurs dont cinq ont vécu la catastrophe, neuf personnages principaux, 400 pages haletantes... Ravine l'espérance. Cette semaine-là à Port-au-Prince est un récit inspiré de faits vrais, qui met en scène des femmes, des hommes et des enfants de différents milieux de la société haïtienne, dont les destins vont se croiser dans la semaine qui précède le 12 janvier 2010. Ce jour-là, un séisme fit 300 000 morts en Haïti.
« Ravine l'espérance » est ce quartier accroché au flanc d'une colline de la capitale, où, depuis plus de trente ans, une équipe d'ATD Quart Monde agissait au coude à coude avec la population et où vivaient cinq auteurs du roman au moment du tremblement de terre.
Rejoints par deux autres permanents d'ATD Quart Monde, ils ont voulu rendre hommage à l'incroyable résistance des Haïtiens. Ils ont puisé dans leur propre histoire pour créer ensemble une fiction qui illustre leur combat quotidien pour faire face à l'impossible.
Au fil du récit, on découvre la vie dans ce quartier défavorisé de Port-au-Prince, entre ceux qui profitent de la pauvreté et ceux qui œuvrent pour leur quartier, convaincus qu'en partant des familles qui vivent là des situations insupportables, on peut faire bouger les lignes.

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Boris Cyrulnik explique dans Sauve-toi, la vie t'appelle que la fiction aide à envisager l'impensable. Ainsi, les auteurs ont choisi le roman plutôt que le témoignage pour faire exister ces familles.
L'impensable, c'est aussi la manière dont ce récit a été composé, au fil de sept années de rencontres et de séances de travail par skype, auxquelles chacune et chacun ont été d'une fidélité impressionnante, sauf exception. Jean-Michel Defromont, écrivain et lui aussi membre d'ATD Quart Monde, a accompagné ses six camarades dans leur démarche d'écriture. Il raconte : "je me rappelle d'un skype en particulier. On travaille, et à un moment un des auteurs haïtiens dit : "je vais arrêter… j'entends des coups de feu et je n'arrive pas à joindre ma mère...""
Un autre témoigne : "pourquoi ai-je été épargné par le séisme ? Au fur et à mesure que j'écrivais, mes cauchemars s'estompaient." Écrire à plusieurs a permis de se libérer de ce qui parfois était trop dur à dire soi-même.
Entre les lignes du roman, on comprend aussi comment les habitants ont fait face pendant et après le séisme. On perçoit combien, par leur savoir-faire, ils auraient pu être le ferment d'une reconstruction avortée à cause des erreurs de l'aide internationale.
Lors de grandes catastrophes comme dans des moments plus quotidiens, écrire seul ou à plusieurs peut être un moyen de décoder les autres et soi-même, d'approfondir une action, de faire durer un engagement, de le fondre avec d'autres, de créer une histoire de changement.
Jean-Michel Defromont, Louis-Adrien Delva, Kysly Joseph, Laura Nerline Laguerre, David Lockwood, Jacques Petidor et Jacqueline Plaisir, Ravine l'espérance, Éd. Quart Monde, 400 pages, 2017, 10€. À commander sur www.editionsquartmonde.org

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