Les plus riches émettent 2000 fois plus d’émission de gaz à effet de serre que les plus pauvres (1) ! Et la Banque Mondiale (2) vient de tirer la sonnette d’alarme : si rien n’est fait, plus de 100 millions de personnes supplémentaires dans le monde risquent de tomber sous le seuil de pauvreté d’ici 2030. Une injustice environnementale qui s’ajoute à bien d’autres.
Mais on oublie trop souvent de dire que dans nos pays développés aussi, en France en particulier, ces effets se font sentir et que là encore, ils frappent d’abord les plus pauvres. A l’occasion de la COP21, où il a le statut d’observateur, le Mouvement ATD Quart Monde veut faire entendre leurs voix afin que dans les solutions, ces personnes soient bien prises en compte et que le passage à l’économie verte soit l’occasion de nouer de nouvelles solidarités. La société de demain, plus respectueuse de l’environnement, doit être aussi plus juste.
A Paris, les habitants des quartiers populaires ont trois fois plus de risques de décéder lors d’un épisode de pollution que la moyenne (3). Leurs quartiers ne sont pourtant pas forcément plus pollués. Mais ils occupent des logements moins bien isolés et moins sains, ont des emplois moins « propres ». Ils n’ont en outre pas les moyens de partir en vacances ni d’aller s’aérer le week-end, s’alimentent moins bien, etc. Une personne pauvre vivant dans un quartier pollué a même cinq fois plus de risques de mourir que la moyenne lors d’un pic de pollution !
Et qu’en sera-t-il demain si les prédictions des climatologues se réalisent, et que les étés caniculaires deviennent chez nous la norme ? Les plus exposés sont les personnes âgées, en premier lieu les plus démunies, et les familles vivant dans la grande précarité. D’autres prédictions font état, si rien ne change, d’une hausse de l’asthme, des allergies et d'autres affections. Or on connaît les inégalités en matière d’accès aux soins.
ATD Quart Monde est convaincu que la COP21 peut être une chance pour résorber ces inégalités. Dans la transition écologique, il faut que les plus pauvres aient leurs places. Il faut qu’ils soient formés aux emplois de l’avenir et que ceux-ci constituent une chance pour sortir de la précarité. Il faut qu’ils puissent accéder aux logements de demain, plus économes en énergie, et qu’ils n’en soient pas exclus à cause de prix prohibitifs. Or dans nos pays, les plans de transition vers des énergies renouvelables renchérissent généralement les factures d’électricité et le coût des transports. Sans parler des produits écologiques inaccessibles aux bas revenus.
Nous pouvons aussi apprendre des plus pauvres. Choqués devant le gâchis matériel de nos sociétés, ils mesurent d'expérience l'importance de réutiliser les choses, de les recycler, de vivre avec peu. Ils nous montrent le chemin d'un monde solidaire et sobre en carbone.
Un nouveau front s’est ouvert : celui de la justice climatique. Le Mouvement ATD Quart Monde appelle à une grande mobilisation et formule cinq propositions. Il demande que dans les programmes de préservation de la planète, on porte une attention particulière aux 20 % les plus pauvres. Il demande aussi que ces personnes soient associées aux politiques de lutte contre le dérèglement climatique qui, trop souvent aujourd’hui, se retournent contre elles. A Manille (Philippines) par exemple, le gouvernement a dû déplacer des populations vivant sous les ponts et menacées par la montée des eaux. Mais elles se sont retrouvées dans des lieux isolés, sans moyen de subsistance.
Il faut par ailleurs s’assurer que le financement de la lutte contre le réchauffement atteigne bien les plus vulnérables, et créer des socles de protection sociale afin de les aider à des adaptations inévitables. Enfin, nous demandons des garanties pour que ces populations ne soient pas oubliées dans les nouveaux emplois de la transition vers une économie verte.
C’est à ces conditions que la COP21 sera vraiment une réussite, avec l’assurance que personne ne sera exclu.
Claire Hédon
Présidente d'ATD Quart Monde France
(1)http://piketty.pse.ens.fr/files/ChancelPiketty2015.pdf. Tout en haut de la pyramide des émetteurs de CO2, on trouve les 1% les plus riches Américains, Luxembourgeois, Singapouriens et Saoudiens. A l’autre extrémité, on retrouve les individus les plus pauvres du Honduras, du Mozambique, du Rwanda et du Malawi, avec des émissions 2000 fois plus faibles.
(2) http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2015/11/08/immediate-push-on-climate-smart-development-can-keep-more-than-100-million-people-out-of-poverty
(3) Etude de neuf chercheurs français qui ont analysé près de 80 000 décès entre 2004 et 2009 à Paris, du labo LERES de l’EHESP.