Vivre en sécurité : jamais l’aspiration n’aura été aussi forte dans un monde empreint d’incertitudes. Mais trop souvent, lors des campagnes électorales, parler de sécurité ou d’insécurité se résume à parler de délinquance ou d’immigration, entre surenchère d’autorité et angoisses identitaires.
« Ils parlent de sécurité, et pour eux cela veut dire plus de caméras, de vidéo-surveillance, même dans les villages. Mais nous la sécurité, c’est pas ça, c’est avoir un travail où on est traité dignement, avoir un logement adapté, l’assurance que nos enfants seront bien suivis à l’école. Et que nos jeunes trouveront de quoi vivre leur vie », résume René. Pour lui comme pour les 9,3 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté dans notre pays, les insécurités sont avant tout économiques, sociales et écologiques.
Économiques d’abord car vivre en situation de pauvreté, c’est subir des privations multiples et quotidiennes, à commencer par celles d’un revenu qui ne permet pas de vivre mais seulement de survivre. Non seulement les minima sociaux ne permettent pas de vivre dignement mais de plus en plus de personnes n’arrivent plus à vivre décemment de leur travail. Plus de 7 millions de personnes sont ainsi fragilisées face à l’emploi. Intérim, temps partiels contraints, « ubérisation », autant de mutations de l’emploi qui accroissent l’insécurité de l’emploi des plus pauvres.
Sociales ensuite car les plus exclus subissent de manière systémique une maltraitance sociale et institutionnelle. Il suffit pour cela d’écouter leurs histoires, d’observer la manière dont on leur parle dans les administrations ou encore de voir à quel point les préjugés sont solidement installés dans le paysage médiatique. Dans l’évaluation participative du RSA que nous avons réalisée, une militante d’ATD Quart Monde souligne : « Les gens extérieurs pensent qu’on est des moins que rien. On est jugés car on est au RSA [...] ».
Écologiques enfin car les plus pauvres sont les plus impactés par les conséquences des changements climatiques tout en étant les moins responsables des dégradations environnementales.
Que répondre à toutes celles et ceux qui vivent dans l’incertitude permanente, se privant de tout et enfermés dans l’exclusion ? Nous leur devons des sécurités solides leur permettant de se libérer de la pauvreté et de se construire un avenir digne.
Reconstruire ces sécurités passe par le respect des droits fondamentaux, à commencer par le logement, qui reste une préoccupation majeure des plus pauvres. La France compte 4,1 millions de personnes sans-abri ou mal-logées. Pour celles et ceux qui ont un logement, il représente presque un tiers de leurs dépenses. Face à cet échec collectif, la mobilisation générale pour le droit au logement doit s’enclencher au plus vite tout en regardant loin avec des solutions de long terme. La construction de logements sociaux, qui a chuté à 95 000 en 2021, doit être une priorité des candidats à la présidentielle. De même la rénovation énergétique des logements, longtemps promise et jamais réellement mise en œuvre de façon ambitieuse, devrait être prise à bras le corps.
L’emploi est au cœur de nombreuses propositions des candidats aux élections. Fer de lance d’une justice sociale et écologique, il doit avant tout être digne. L’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée montre que personne n’est inemployable et que l’on peut partir des compétences des privés d’emploi pour créer de l’activité sur un territoire. Ce type d’expérimentation et d’action innovante doit être développé en prenant les moyens nécessaires à la participation de tous. L’impératif de la transition écologique est une opportunité à saisir pour créer massivement des emplois. Construction de logements, rénovation énergétique, développement des circuits courts… mais aussi le nécessaire renforcement de nos services publics sont autant de domaines qui pourraient générer des emplois utiles et non délocalisables.
A tous les jeunes et en particulier aux 1,5 millions de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en formation, il faut garantir une sécurité de revenus dès 18 ans assortie d’un accompagnement de qualité, sans limite de temps et sans conditionnalité. Ces deux mesures sont le socle d’une politique publique ambitieuse pour lutter contre la pauvreté des jeunes. Responsable pénalement à 16 ans, majeurs civiquement à 18 ans, il leur faut attendre 25 ans pour avoir des droits sociaux. Ils ne demandent pourtant qu’à être considérés et soutenus, comme l’exprime un jeune d’ATD Quart Monde : « Aujourd'hui on aimerait faire changer le regard sur les jeunes dans la société. Nous ne sommes plus des enfants mais des adultes, on aimerait être plus considérés ».
Face aux défis auxquels nous devons collectivement faire face, nous ne voulons pas vivre dans une société qui divise, cherche des boucs émissaires et où certains auraient moins de droits que les autres. Nous voulons une société qui garantit à chacun les mêmes droits. Car aucune sécurité ne se construit par soustraction. C’est au contraire en additionnant les droits fondamentaux que l’on construit une société qui protège tous les citoyens.
Pour aller plus loin :
Elections 2022 : Toutes les propositions d’ATD Quart Monde pour reconstruire les sécurités
Désinfox : ATD Quart Monde s’attaque aux idées fausses de la campagne présidentielle sur la pauvreté