Actualité électorale oblige, une profusion printanière d’ouvrages critiques sur l’Europe fleurit dans les librairies . Même des journalistes économiques peu subversifs annoncent l’échec de l’union monétaire entre des pays trop hétérogènes. Mais un diagnostic technique ne suffit pas à fonder une stratégie politique. Le retour au franc est-il un préalable pour mener une autre politique ? Un projet émancipateur qui intègre l’urgence écologique peut-il se fonder sur un retour, qu'on espère provisoire, à la Nation ?
Frédéric Lordon le croit; dans « La malfaçon », il estime qu'il faut défaire la monnaie européenne, pour pouvoir mieux faire Europe, autrement que par l’économie, et même refaire un commun monétaire européen, sous la forme non plus d’une monnaie unique mais d’une monnaie commune.
Dans "Que faire de l'Europe. Désobéir pour reconstruire", Attac et la Fondation Copernic explorent un autre scénario. L'existence de la monnaie unique crée un champ européen de luttes où existe un intérêt commun des peuples européens: s’approprier ensemble l’outil monétaire que les Traités et la BCE veulent consacrer aux seuls intérêts de la finance.
Ni repli national, ni européisme béat, la voie explorée est celle de la désobéissance aux Traités européens. La BCE l’a fait, et a même suscité la colère de la Bundesbank en rachetant à tour de bras les obligations des États du Sud. Des gouvernements progressistes pourraient désobéir eux aussi, avec bien plus de légitimité, pour sauver cette fois-ci non pas les banques, mais leurs populations : contrôle des mouvements de capitaux, financement monétaire de grands programmes de transition écologique, restructuration des dettes publiques…
Le bras de fer entre les gouvernements désobéissants et les institutions de l’UE susciterait des mouvements de solidarité au sein des autres peuples européens. Une refondation du projet européen pourrait devenir possible avec les pays qui le souhaiteraient. Mais pour que ce scénario devienne crédible, il faut un puissant mouvement social européen qui tisse les solidarités concrètes entre les luttes populaires menées dans les différents pays. Est-ce de l'européisme béat que de s'y atteler ?