Ce lundi 23 juin, Ségolène Royal et Michel Sapin organisent la conférence bancaire et financière pour la transition énergétique annoncée par François Hollande lors de la conférence environnementale de septembre 2013. Les propositions sur la table sont loin de pouvoir financer et enclencher une transition énergétique qui soit à la hauteur des enjeux des exigences climatiques et de justice sociale. Analyse et propositions.
Le financement de la transition écologique n’est pas un sujet technique et comptable. C’est une question politique qui conditionne l’efficacité écologique et la viabilité sociale de la transition.
Annoncée en grande pompe par François Hollande lors de la conférence environnementale de septembre 2013, la conférence bancaire et financière qui devait avoir lieu au printemps se tient finalement ce lundi 23 juin, pendant deux petits heures où seuls les représentants du secteur privé, bancaire et financier seront amenés à s'exprimer (voir le programme). Comme s'il n'y avait que le lobby du bâtiment, le Crédit foncier, le Crédit mutuel, la CDC, la BPI, ou encore la Societe générale qui avaient des idées et des propositions en matière de financement de la transition énergétique. Comme si les outils et politiques de financement déjà existantes étaient suffisantes et adéquates. Faut-il rappeler ici que la Société Générale fait partie de ces banques qui financent très largement le développement du charbon aux quatre coins de la planète (voir notamment cette mobilisation contre le projet Alpha Coal) ?
Pourtant, la société civile ne cesse de faire des propositions constructives en la matière. Suite à la publication en novembre dernier d'un livre blanc sur le financement de la transition écologique, une consultation publique a été organisée jusqu’au 31 janvier 2014. Ainsi, les Amis de la Terre, Ecologie sans frontière, le RAC et le CLER ont publié leurs analyses et propositions. De son côté, Attac France a publié une analyse détaillée des méprises et erreurs politiques et méthodologiques du livre blanc qui se refuse à eabandonner la prééminence des logiques de rentabilité financière sur l'urgence écologique et sociale, tout en établissant une série de propositions de financement. Nous n'avons reçu aucune réponse des organisateurs de la conférence bancaire et financière.
De son côté, le gouvernement et Ségolène Royal ont présenté vendredi dernier les grandes lignes d'une loi transition énergétique sans boussole et sans financement (CP de Attac France). Le jour-même de cette conférence bancaire et financière, ils viennent d'annoncer qu'ils allaient réduire à portion congru l'écotaxe pour en faire un péage poids-lourds sur une infime partie du réseau autoroutier. Et ce alors qu'une transition énergétique ambitieuse, qui relève les défis climatiques et nous sorte de l’étau du nucléaire, et qui soit mise en oeuvre dans une perspective de justice sociale et d’appropriation démocratique de ces enjeux vitaux, nécesitte de nouvelles sources de financement et de ne pas confier le financement et la réalisation de la transition au secteur bancaire et financier.
Pour notre part (extraits de notre note d'analyse et de propositions), nous considérons que le financement de la transition énergétique doit reposer sur trois principes :
- La transition écologique est un processus social, politique et culturel qu’il faut encourager, financer et mettre en œuvre à tous les échelons territoriaux. Il s’appuie à la fois sur des politiques des États, des grandes régions (UE) et des instances internationales, et sur les initiatives décentralisées et ancrées sur les territoires des collectivités territoriales et des associations de citoyens. Les leviers économiques de la transition sont mobilisés pour assurer la justice sociale, la soutenabilité écologique et le développement de solutions appropriées.
- La transition ne pourra être financée qu’à la condition de s’accompagner d’un cadre règlementaire strict définissant ce qui est possible et ce qui ne l’est plus. Par exemple, les banques publiques devraient se voir interdire le financement des énergies fossiles, et des mesures dissuasives doivent s’appliquer aux banques privées. Faute de telles règlementations obligatoires, le financement de la transition consisterait à financer des pollutions, comme c’est le cas aujourd’hui avec le marché du carbone qui s’avère un canal immense de subventions publiques pour les entreprises polluantes. Un audit des mesures fiscales défavorables à l’environnement et l’évaluation de l’impact environnemental des aides publiques est nécessaire.
- Concernant le financement, il doit être conditionné aux résultats en matière de sobriété et d’efficacité écologique et sociale, y compris en termes de création, qualification et pérennité des emplois. Si le financement privé est nécessaire et souhaitable, il doit être orienté par un engagement de l’État. Ce dernier doit donner des signaux forts par une politique d’investissements et de financements publics, soumise aux mêmes règles de sobriété et d’efficacité. Elle suppose notamment la mise en place d’une fiscalité écologique juste, forte et redistributive.
Ces principes doivent guider le financement des programmes de transition en matière d’efficacité et de sobriété énergétique, pour favoriser un usage juste et soutenable des biens communs, permettant la relocalisation des activités et un soutien aux initiatives internationales allant dans le sens de la transition (voir le détail dans notre note d'analyse et de propositions).
Quant aux outils de financement, ils nécessitent d'être pensés comme pouvant à la fois être de véritables vecteurs de la transition, tout en rompant avec les exigences de rentabilité économique et financière qu'imposent les acteurs privés de financement (banques, investisseurs institutionnels, etc.) et de plus en plus d'acteurs publics. Dans notre note d'analyses et de propositions, nous faisons toute une série de propositions qui méritent d'être débattus, approfondis, et mis en oeuvre. Nous sommes disposés à en débattre largement. Malheureusement, Ségolène Royal et Michel Sapin n'en ont pas voulu ainsi, préférant débattre avec seuls représentants du secteur bancaire et financier. Dès lors, comment attendre plus de cette conférence bancaire et financière de la transition énergétique que la poursuite d'un business as usual matiné de vert et de transition pour donner le change ?
Maxime Combes, membre d'Attac France
Sur la base du rapport de Attac France : Financement de la transition écologique : nos analyses et propositions. (coordonné par Geneviève Azam, avec la collaboration de Maxime Combes, Jean Gadrey, Jean-Marie Harribey)