Quelques jours après la conférence de l'ONU sur le climat et avant le 3ème round de négociations UE-Etats-Unis, l'OMC va tenir sa 9ème réunion ministérielle du 3 au 6 décembre à Bali (Indonésie). L'occasion de rappeler en quoi les politiques de libre-échange sont contraires aux exigences climatiques et de transition écologique et sociale.
Dans une perspective de transition énergétique qui soit à la hauteur des exigences climatiques, le développement des énergies renouvelables tient un rôle important, même s'il n'est pas suffisant. Des politiques de sobriété et d'efficacité énergétique doivent y être adjointes de manière à ce que les énergies renouvelables ne soient pas un supplément d'âme au mix énergétique. Néanmoins, le développement des énergies renouvelables peut être facteur de décentralisation et de relocalisation de l'économie dans une perspective de satisfaction des besoins essentiels des populations. Dès lors tout pays ou région doté d'une programme de développement des énergies renouvelables qui crée des emplois locaux non délocalisables, réduisant à la fois le besoin d'énergies fossiles et les transports nécessaires à l'acheminement des infrastructures, devrait être applaudi et encouragé à aller plus loin.
Pas à l'OMC. Pas pour le Japon et l'Union européenne qui, représentant les intérêts de leur secteur privé respectif, ont poursuivi l'Etat canadien de l'Ontario devant l'OMC et ont gagné. Qu'établissait le programme de développement des énergies renouvelables de l'Ontario ? Que les projets d'énergie éolienne et solaire à privilégier devaient être mis en œuvre avec au minimum respectivement 25% et 50% de travailleurs et d'entreprises de la province de l'Ontario. C'est finalement assez peu, mais déjà trop pour l'OMC. Le programme garantissait également sur 20 ans un prix d'achat préférentiel du kilowatt-heure d'électricité solaire ou éolienne aux entreprises ayant un certain pourcentage de leurs coûts domiciliés en Ontario. Au cours des deux premières années, plus de 20 000 emplois climatiques ('climate jobs') ont ainsi été créés et il était prévu d'en créer 50 000. Bien-entendu, ce programme n'était pas exempt de reproches. Néanmoins, cette expériences novatrice a été cassée par l'OMC, suite à l'action de l'Union européenne et du Japon.
Pour qu'elle raison ? Parce que le programme aurait violé la règle du « traitement national » de l'OMC. Que stipule cette règle définie par l'article III.4 de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de l'OMC ?
« Les produits du territoire de toute partie contractante [pays membre de l'OMC] importés sur le territoire de toute autre partie contractante [pays membre de l'OMC] ne seront pas soumis à un traitement moins favorable que le traitement accordé aux produits similaires d'origine nationale en ce qui concerne toutes lois, tous règlements ou toutes prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l'achat, le transport, la distribution et l'utilisation de ces produits sur le marché intérieur ».
Cela signifie qu'il est possible de donner plus d'avantages aux entreprises multinationales étrangères, mais jamais moins que ce qui a été donné à une entreprise nationale. Si un Etat veut accorder des subventions ou sa préférence à ces entreprises ou produits nationaux, notamment dans la perspective de relocaliser les productions ou adapter ces dernières aux spécificités territoriales, il doit également donner les mêmes avantages aux multinationales étrangères. La plupart de ces multinationales sont plus préoccupées par leurs marchés que par le climat de la planète ou que par l'appropriation par les populations des technologies appropriées à leur situation. En mai 2013, dans sa décision finale, l'Organe de règlement des différends de l'OMC a déclaré que le Canada / Ontario violaient les règles de l'OMC. Un mois plus tard, le ministre de l'Énergie de l'Ontario a annoncé qu'il allait « se conformer à la décision de l'Organisation mondiale du commerce sur la fourniture de contenu national ».
Ce cas n'est pas unique. Les Etats-Unis poursuivent l'Inde sur un cas semblable. Par ailleurs, les règles de l'OMC servent de base à tous les autres accords de libre-échange, tant au niveau bilatéral que régional, y compris l'accord UE-Canada en cours de finalisation, l'accord UE-Etats-Unis en cours de négociation que l'accord UE-Colombie-Pérou en attente de ratification. D'une manière générale, les règles commerciales internationales qui garantissent la libre circulation des capitaux, des biens et des services, sont prioritaires sur la protection de l'environnement. Les entreprises multinationales basées dans les pays membres de l'OMC ou concernés par ces traités ont concrètement des « droits souverains », en vertu des principes de « nation la plus favorisée » ou des clauses de « traitement national ». De telles règles structurent des économies orientées vers les exportations où la préservation de l'environnement et des ressources naturelles ne font pas le poids face aux intérêts commerciaux et financiers des entreprises multinationales.
Attac France, et ses nombreux partenaires, considèrent que le commerce est nécessaire. Mais un autre type de commerce. Un commerce qui ne soit pas basé sur l'exploitation des populations et de la nature et dont les règles profitent aux populations et non aux entreprises. C'est dans cette optique qu'Attac France sera présent à Bali aux côtés des organisations sociales, paysannes et écologistes qui se mobilisent durant une semaine d'actions pour la justice économique et mettre fin au régime de l'OMC. C'est également dans cette optique qu'Attac France, avec l'Aitec et bien d'autres organisations animent un collectif et une campagne contre l'accord UE-Etats-Unis en cours de négociations, en multipliant la publication de documents d'informations sur les dangers d'un tel projet.
Maxime Combes, membre d'Attac France et de l'Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)
Pour aller plus loin :
la déclaration : Pour faire face à l'urgence climatique, il faut démanteler l'OMC et le régime de libre-échange signé par des réseaux internationaux ;
le dossier d'Attac France sur le projet d'accord commercial et d'investissement entre les Etats-Unis et l'Union européenne ;
Sur Varsovie : Climat : les mouvements et ONG quittent les négociations – Explications !