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Eric Ciotti a ainsi déclaré qu’il proposait purement et simplement de supprimer les droits de donation et de succession, rejoignant en cela les positions de Marine Le Pen et d’Eric Zemmour. Selon Eric Ciotti, il faut supprimer « l'impôt sur la mort » car « rien ne stimulerait plus l’épargne que la certitude de laisser à ses enfants le fruit de son travail, y compris de son vivant ».
Ce sont strictement les mêmes éléments de langage que ceux de George Bush en 2005 dont le projet, à l’époque, concernait les américains les plus riches. Il avait dû cependant reculer devant les protestations de plusieurs milliardaires pour qui l’idéal libéral reposait sur la réussite par le travail et le mérite et non sur l’héritage.
Un discours que l’on n’entend ni chez les responsables politiques ni chez les « riches » français...
Les arguments qui tentent de « justifier » cette proposition reposent sur un mensonge : celui faisant croire aux « classes moyennes » que leurs enfants paieront des droits de succession, voire qu’ils ne pourront conserver le fruit de leur vie de travail. Or, 85 % des successions ne donnent lieu à aucune imposition.
Le projet défendu par le trio Ciotti-Zemmour-Le Pen (avant d’autres ?) ne vise en réalité qu’à servir les plus riches qui, avec une telle mesure, pourraient transmettre leur patrimoine sous forme de donation et d’héritage sans verser un centime d’impôt. Avec à la clef un assèchement des recettes publiques (les droits de donation et de succession rapportent 15 milliards d’euros) et une explosion des inégalités de patrimoines.
Et ce, alors qu’elles sont plus importantes que les inégalités de revenus et qu’elles repartent même à la hausse ! Rappelons que les 10 % les plus aisés détiennent la moitié du patrimoine total des ménages, les 5 % les plus riches en détiennent 31 % et les 1 % les plus riches en détiennent plus de 16 %. Ce sont principalement ces catégories qui sont concernées par les transmissions de patrimoine.
Une minorité de personnes est concernée (à titre de donateur ou de donataire) par les donations. Selon l’INSEE, en 2018 seuls 18 % des ménages avaient déjà reçu une donation au cours de leur vie et 8 % en ont versé une. La moitié des donations représentent moins de 30 000 euros, 31 % entre 30 000 euros et 100 000 euros et 19 % 100 000 euros ou plus. Compte tenu des abattements (100.000 euros d’un parent à un enfant, 31.865 euros pour une donation familiale en numéraire), une minorité de ces donations est imposable.
Pour l’INSEE, « Les ménages donateurs (NDLR : qui donnent) et donataires (NDLR : qui reçoivent) sont davantage dotés en patrimoine que l’ensemble des ménages : le patrimoine net moyen des ménages donateurs s’élève à 613 000 euros et celui des ménages donataires à 472 300 euros » Des montants à comparer au patrimoine net médian : la moitié des français a un patrimoine net inférieur à 117 000 euros...
Contrairement à une idée fausse répandue, le taux moyen d’imposition des successions est faible.
France Stratégie (note « Peut-on éviter une société de rentiers ? » de janvier 2017) a ainsi calculé que, pour les transmissions en ligne directe (entre parents et enfants), le taux moyen d’imposition effective a varié entre 2 % et 3 % alors que pour l’ensemble des transmissions, le taux moyen d’imposition effective était de 5 % en 2015.
Pour France stratégie, « aucun impôt ne sera versé lors du décès des parents dans 85 % des cas. En réalité, seuls les détenteurs de patrimoines importants sont incités fiscalement à pratiquer des donations, car ils réduisent ainsi (...) les frais de succession à leur décès ».
Pour l’immense majorité des successions et des donations, l’imposition est donc faible, voire nulle. Le taux d’imposition le plus élevé se trouve dans les transmissions vers des parents éloignés ou des tiers sans lien de parenté et pour les patrimoines importants.
Les droits de mutation, à titre gratuit (les successions et les donations) jouent un rôle important pour éviter une accélération des inégalités de patrimoine. Nombreux sont ceux qui perçoivent ces impôts comme inégalitaires et injustes, craignant que leurs enfants paient des impôts trop élevés sur le patrimoine qui leur sera légué.
En réalité, il n’en est rien : ceux qui invoquent cet argument trompent la population. L’impopularité des droits de donation et de succession et la crainte de voir ses enfants être privés du patrimoine familial, souvent brandies par les néolibéraux, n’a donc aucun fondement.
Pour Attac, il faut rétablir les faits et réaffirmer le rôle des droits de donation et de succession et leur redonner un véritable rôle dans la réduction des inégalités.
Pour en savoir plus, voir la note de l’Observatoire de la justice fiscale d’Attac.