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Billet de blog 13 avril 2020

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Voix mêlées. Poésie en cavale (01)

Des mots ont décidé de pas manquer à l’appel. Ils arrivent en ordres dispersés, pour mieux rassembler les courants de demain. Première livraison pour le jour d’après, avec Jean-Claude Leroy, Laurent Parat, CesK, Alain Dussort, Dominique Lalauze.

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Illustration 1

Le suicide a fait son temps (Jean-Claude Leroy)

non ils n’apprendront rien
et moi non plus
pourquoi serais-je un autre
qu’importe
l’humanité telle qu’en elle-même
où l’effroi dessine les visages, les réflexes et la stupeur
quand arrive l’événement pour que monte à la surface, le fond
non pas la cruauté mais la crudité – elle est cruelle
ou l’héroïsme, la crispation, l’exaltation
et ceux qui meurent trop vite comptent double sur l’échiquier
tandis qu’on les oublie sous des hommages ou l’anonymat
le sentiment d’en réchapper revient aux survivants
mais la fin se voudrait douce et non comptable
les dépouilles se mélangent les unes aux autres
je-tu-il lave le monde avec ma-ta-sa solitude
il pleut des accidents cardiaques
des courbes comme des arcs-en-ciel
des chiffres, des étouffements, des oublis
à l’intérieur du dedans
les enfants sont lassés de naître
la chair palpite
la chair est crue
la viande humaine a goût de soufre
un nuage immobile sème la nuit plus avant
la paupière ne se relève plus
tu as faim de lumière
tu ne nommes pas la mort
et me traites d’obsédé
parce que j’annonce la vie
sans oublier le sort
profil toujours caché
mais source de bonté
tout autant que de peur
le récit des choses se précise
il faut bien ajuster la fable de temps à autre
que nous parlions tous de la même chose au même instant
la guerre est pour cela idéale
mais aussi l’inévitable court-circuit
sur fond de mondialisation auto-réalisatrice
l’Histoire appelle ses ouailles
la messe a besoin d’être dite
et nous autres de communier
mais jamais l’esprit ne descend assez bas
– l’esprit ?
la terre est affreusement sèche
le souffle dans la quena reste muet
que vaut donc la voix intérieure ?
n’attendons plus de mourir pour parler
avec les mots qu’elle nous apporte
ils sont servis sur un plateau
nous n’avons plus qu’à dire
MERCI

ne reste qu’à soulever l’enclume
et battre le fer chauffé à blanc
la braise couve depuis mille ans
la peau de nos mains s’est brûlée
mais elle peut redire son mot
à coup de gifles permises ou non permises
à coup de coups donnés ou délivrés
à coup de « sapristi » et de gourdin
il faudra bien séparer la vie dévêtue
d’avec la mort maquillée
et choisir son camp
le suicide a fait son temps
essayons de désarmer
quoi qu’il en coûte !
il se peut que le vieux monde
s’efface de lui-même, sinon
nous lui servirons de gomme
ce qui n’a plus de sens
n’en avait déjà pas

tandis que les machines et les montres
tiraient sur le ressort de l’efficacité
nous avions nos cœurs plus que nos calculs
nous avions des lois jamais écrites

L’AMITIÉ NOUS A TOUJOURS SERVI D’HÔPITAL

aujourd’hui encore
et encore demain
terre à terre
et pied à pied
nous servirons la soupe aux désarmés
et à ceux qui viennent
les enfants n’ont rien demandé
ne leur donnons rien
qui ne soit une route.

Jean-Claude Leroy, 6 avril 2020

Illustration 2
Photo prise à Montpellier lors d'une manifestation des gilets jaunes © Laurent Parat.

Notre tour (Laurent Parat).

Quand leurs derniers mots

Quand leur dernière pirouette

Quand leur dernier mensonge

Ce sera notre tour.

Nos idées asphyxiées

Exploseront comme les grenades

Nous ressortirons nos gilets

Recouvrant nos âmes

D’éternels révoltés

Ce sera notre tour.

Pour que la peur change de camp

Nous serons du côté des oiseaux

Echappés du désastre

Armés de nos chants

Ce sera notre tour.

Laurent Parat, 11 avril 2020.

Illustration 3

Qui sont ces malades ? (CesK)

Bombardement de nouvelles contradictoires,
Semer la peur,
Montrer les horreurs,
Dans tous les continents,
imposer le confinement.

Chatouiller notre sentiment de culpabilité,
Nous priver de confort et d’argent,
Nous prendre en otage.

Etre l’objet du pouvoir,
Courber le dos,
Accepter encore et encore
La responsabilité de ceux qui nous ont piétiner.
Nous faire payer leur erreur,
D’avoir pollué nos esprits,
D’avoir injecté dans nos corps,
Le virus de la maladie.

Avoir de la poigne 
Laisser crever les blessés
Et ceux qui les soignent.
Enterrer dans des fosses communes
La pauvreté.
Traiter les humains à la pelle
Enfouir dans la terre, au bulldozer,
Nos âmes perdues.
Avoir brûlé notre beauté
Notre capacité de donner
Suivre les règles du marcher.

Nous traiter comme des objets à consommer
Couper les liens de la solidarité
Diviser pour régner,
Incohérence des propos,
Bousculade des dirigeants et des héros.


Des échanges dans le seul but de gagner.
Jouer aux jeux des récompenses
Mordre dans le gâteau de nos bourreaux
Puis reprendre conscience
Nous sevrer de nos maux,
Les passer au liquide hydro alcoolique.

Sortir la tête du trou de la panique

Quitter la quarantaine,
Avec suffisamment de Force et de Folie,
Pour briser nos chaînes.
Et reconstruire une histoire,
Qui en vaut la peine.

CesK, 12 avril 2020

Illustration 4

Que sont les rêves devenus ? (Alain Dussort)

Alors que le jour se lève,

Les rêves se sont accroupis.

Le lien s'est rompu

Les voilà orphelins.

Le soleil brûlant a consumé les rêves.

Où sont les rêves maintenant ?

Le midi en poussière les a réduits

Et les vents l'ont emportée.

La poussière sur les monts

La poussière au creux des vaux

Et la poussière sur les hommes

Dans la lumière aveuglante crie :

« Que sont, soleil brûlant, les rêves devenus ? »

Des lits des rivières asséchées

Des creux des arbres morts

Des cités bétonnées

Les rêves épuisés sont restés immobiles

Et les tempêtes les ont séparés.

Aux quatre coins du monde

Les voilà disséminés,

Et les enfants demandent

« Que sont, planète meurtrie, les rêves devenus ? »

Aux marches des parlements, les rêves

Les rêves sous les paillassons

Barrés avec le paraphe des textes, les rêves.

Les enfants des rêves ont édifié les principes,

Guidés les mains qui ont sculpté Fraternité dans le marbre

Et la poussière a tout gommé ...

Le lustre en est parti

Sur les chaussures on le voit encore,

On le voit encore sur les chaussures

Des élus en marche, marchant sur les principes.

« Que sont, humanité, les rêves devenus ? » 

 Alain Dussort, 12 avril 2020

Illustration 5

Acceptation (Dominique Lalauze)

Je déplore de ne pas être compris par les êtres qui m’ont donné chair. Ça me coûte cher.

Je déplore de m’accorder à la vie, sans eux… De quitter leur chemin creux, boueux.

Mais qu’il m’est difficile de ne pas pouvoir me faire comprendre, entendre !

Et je me soulage à réaliser que je ne suis plus petit ; que j’ai grandi.

Et qu’il n’est pas nécessaire de faire suivre sa mère, sur les flots.

Pas plus que de rester au port à se morfondre, se confondre…

Oui enfin ! Je loue la vie ! Locataire en somme, à titre gratuit.

Sans dette, prise de tête, malgré le doute qui me coûte.

Sorte de croûte à casser, sur le chemin du quotidien.

Toute compte fait, ce doute serait-il un bon signe ?

Comme le risque de lever la jambe, pour avancer.

Ainsi, quitter le rigide d’une position de survie.

Sans doute, serait-il refuser d’être un mortel ?

Tel posté et pétrifié par la peur de mourir…

Peur du passage peut-être ? D’être sage ?

Aller de ce pas, vers la mort ? Certitude.

Est-ce la vie, parmi l’existence infinie ?

Alors je la vis, goûte après goûte…

La déguste, quoi qui l’en coûte.

La bois jusqu’à la lie, en libre.

Jusqu’à la fin, de mon Livre.

Lettre d’un humain. Ivre.

Naître humain, n’être…

Qu’un homme libre,

Seul, en bonne

Compagnie.

In fine

Dominique Lalauze, 12 avril 2020

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