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Billet de blog 1 avril 2024

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Mon après-midi avec Bruno Thatcher

« Mais qui aurait pu prévoir ? » Il y a un an, Macron feignait l’étonnement face aux symptômes de la crise climatique. Aujourd’hui, c'est Bruno Le Maire qui joue la surprise face à un déficit plus élevé que ce que lui prévoyait, malgré les avertissements de tous les experts.

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L’incurie serait donc généralisée parmi la minorité présidentielle ? Ou le gouvernement a trouvé sa nouvelle parade fétiche pour couvrir ses mensonges et son projet de destruction massive de l’Etat social ? 

Bruno Le Maire a demandé aux parlementaires de lui faire des propositions pour réviser son budget. Ce jeudi 28 mars, je me suis rendue au ministère de l’Economie et des Finances pour le groupe parlementaire de la France insoumise - NUPES et lui présenter notre projet.

Illustration 1
Bruno Le Maire à Bercy, le 28 mars 2024 © Ministere de l'Economie et des Finances

Comment ne pas déceler la comédie dans la grande mobilisation budgétaire lancée par le gouvernement depuis 8 jours ?
“Oh surprise, le déficit est plus élevé que prévu !”

Une surprise, vraiment ? 

Le ministre de l’Economie nous le jure. Le déficit était imprévisible, personne ne l’avait anticipé à cette échelle. Pourtant, l’OFCE, la Banque de France, l’essentiel des économistes et beaucoup de parlementaires le disaient dès l’automne : le budget 2024 proposé par le Gouvernement se base sur des hypothèses irréalistes ! Alors qu’a été imposée une prévision de déficit à hauteur de 4,9 %, elle est réévaluée aujourd’hui par l’INSEE à 5,5 %.

L’Institut indique très précisément la cause de ce déficit : la chute des recettes publiques en 2023 crée le trou. Ce qui n’empêche nullement Bruno Le Maire de s’enfoncer dans le mensonge sur toutes les antennes : la France serait  biberonnée aux dépenses publiques et la charge de la dette nous étouffe ! Le recul des recettes, au cœur de l’enjeu actuel, n’est donc pas un sujet pour Bercy. Non, ce qui compte, ce sont les économies, les coupes budgétaires, bref, les mantras néolibéraux habituels. 

Dès lors, en effet, nous ne sommes pas surpris. Macron et son gouvernement créent une occasion dont ils profitent pour radicaliser leur politique néolibérale : satisfaire une base électorale de privilégiés, de grands patrons, de grands détenteurs du patrimoine… tant pis si la très grande majorité de nos concitoyens, et notamment des plus précaires, doivent y verser larmes et sang. 

Installé depuis sept ans à Bercy, Bruno Le Maire fait comme s’il était arrivé hier pour découvrir des fuites à tous les étages. 

Quelles recettes publiques ? 

En réalité les dépenses publiques diminuent en proportion du PIB et le service de la dette recule relativement ; il faut donc d’abord et avant tout restaurer les recettes publiques !

Les chiffres de l’INSEE l’indiquent clairement : seuls les 10 % les plus riches ont vu leur niveau de vie augmenter depuis 2 ans. 90 % de la population a perdu en niveau de vie sur la période 2022-2023. Les dividendes versés aux grands actionnaires ne cessent d’augmenter, ceux du CAC 40 n’ont jamais été aussi élevés. Le 1 % des foyers fiscaux les plus riches perçoivent 96% des dividendes versés. Et les profits des multinationales battent aussi des records.

Plutôt que d’assécher les services publics et d’organiser la casse sociale, voilà donc où il faut aller chercher l’argent : 

  • un rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF) sur sa base de 2017 rapporterait 5 milliards d’euros. En élargissant son assiette avec un volet climatique, on pourrait même aller chercher jusque 15 milliards d’euros ;
  • supprimer la flat tax, qui profite directement aux plus grands détenteurs de patrimoine financier, et rétablir une progressivité de l’imposition sur les revenus du capital rapporterait 1,5 milliards d’euros ;
  • supprimer le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui a été pérennisé en allégement de cotisations sociales, dispositif dont il est prouvé qu’il est inutile et coûteux, rapporterait 10 milliards d’euros ;
  • supprimer le Crédit impôt recherche (CIR) pour les grandes entreprises rapporterait 1,3 milliards d’euros ;
  • supprimer les niches fiscales les plus polluantes, comme la non-taxation du kérosène, rapporterait 6 milliards d’euros ;
  • supprimer la niche dite “Copé”, qui favorise massivement les grands actionnaires et encourage les pratiques d’évitement au sein des entreprises, rapporterait 5 milliards d’euros ;
  • taxer les superprofits générés en période de crise rapporterait 15 milliards d’euros ;
  • rétablir la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui profite encore une fois aux grandes entreprises et assèche les comptes des collectivités territoriales rapporterait 12 milliards d’euros
  • renforcer et rendre plus progressif l’impôt sur les sociétés (IS), aujourd’hui affable et massivement évité par les grandes entreprises, rapporterait 11 milliards d’euros ;
  • renforcer la taxation des transactions financières (TTF) rapporterait au moins 10 milliards d’euros.

Bruno Le Maire dit chercher 10 milliards cette année, puis 20 milliards l’année prochaine. Voici quelques propositions de justice fiscale qui pourraient rapporter près de 90 milliards d’euros immédiatement ! Sans compter une lutte beaucoup plus efficace contre l'évasion fiscale, qui coûte près de 100 milliards d’euros comme le rappelle ma collègue Charlotte Leduc dans son rapport parlementaire.

La position du gouvernement sur ces sujets est intenable. Qu’attend-il donc pour agir sur les superprofits par exemple ? La soit-disante taxe mise en place l’année dernière, supposée rapporter 6 à 7 milliards, a été tellement rabougrie par le gouvernement qu’elle n’a fait entrer que 600 millions d’euros dans les caisses de l’Etat. Pire, il envisage déjà de la supprimer alors que les profits des grands groupes ne sont pas prêts de se tarir ! 20 milliards d’euros de bénéfices pour TotalEnergies en 2023, 11 milliards pour BNP-Paribas, 4 milliards pour Vinci… Ces trois exemples sont emblématiques : les prix de l’énergie sont insoutenables pour nos concitoyens, les banques refusent de prêter à l’économie réelle et aux ménages qui veulent se loger, les prix d’accès aux autoroutes n’en finissent pas d’augmenter… Les bénéfices de ces entreprises ne sortent pas du chapeau, ils se font surtout sur le dos de la société ! Nous pourrions aussi citer quelques géants de l’agroalimentaire ou de la grande distribution, qui affichent eux aussi des bénéfices faramineux en cette période de crise. 

Au final, ce sont 68 milliards d’euros de dividendes qui ont été distribués par le CAC40 en 2023, et 30 autres milliards distribués en rachats d’actions. Les records explosent partout, et les détenteurs de capital se gavent, littéralement.

La solution est pourtant simple : l’impôt. Notre proposition de prélèvement sur les superprofits est très précise, expertisée par des techniciens, et ne pose aucun problème de mise en œuvre : 20 % pour une première tranche de bénéfices, 25 % pour une seconde tranche et 33 % au-delà : 15 milliards escomptés !

Non à la "TVA sociale" !

Depuis quelques jours, Bruno Le Maire ressuscite le spectre d’une “TVA sociale”. Encore hier à Bercy, face à nos relances, il admet y penser. L’idée est simple, bien que dramatique : substituer des cotisations sociales par une hausse de la TVA. Dans sa réunion avec les parlementaires, Bruno Le Maire a brandi un argument : il faut réduire l’écart entre le salaire net et le salaire brut. Autrement dit, il faut augmenter le salaire net en grignotant sur ce qu’on appelle encore le “salaire socialisé”, c’est-à-dire la partie du salaire qui certes n’est pas touchée directement par le salarié sur sa fiche de paie mais qui finance la Sécurité sociale, nos retraites, nos frais médicaux, nos congés maladie et maternité, nos allocations familiales…

Avec la "TVA sociale", Bruno Le Maire veut d’abord porter un gros coup au système de protection sociale, car rien ne dit que cette perte de financement de la Sécurité sociale sera couverte par l’Etat. Mais Bruno Le Maire réalise un second coup avec sa “TVA sociale” : faire payer encore davantage les ménages aux revenus modestes pour continuer les cadeaux fiscaux au plus riches. Car la TVA est l’impôt le plus injuste, le plus cruel qui soit. Car plus on est pauvre, plus on paye la TVA en proportion de ses revenus ! Il se produira une augmentation nette des prix des produits de base, que subiront en premier lieu tous les ménages aux revenus modestes, déjà fortement impactés par une dure inflation depuis 2 ans. Nous ne laisserons pas passer cela. 

Pas touche à l’Assurance chômage !

Quitte à faire les poches des plus précaires, le gouvernement envisage ENCORE de récupérer de l’argent dans la caisse de l’Assurance chômage. Rappelons donc une chose élémentaire : cet argent n’appartient pas à l’Etat, c’est celui des salariés cotisants ! Avec Gabriel Attal, Bruno Le Maire souhaite tout bonnement ponctionner une caisse excédentaire, jusqu’ici très bien gérée par les syndicats de salariés et patronaux, qui ne coûte rien aux Français. Les chômeurs n’ont rigoureusement rien à voir avec le déficit et le dérapage budgétaire du gouvernement !

Mais la situation, créée de toute pièce, représente une aubaine pour ces néolibéraux acharnés. Il faut continuer de détruire les droits des chômeurs. Non pas pour les mettre au travail - puisque ça ne marche pas, toutes les études économiques le disent - mais bien pour les mettre sous pression, les obliger à accepter n’importe quel emploi, les affaiblir dans les négociations face aux employeurs. Affaiblir les droits et revenus des travailleurs en faveur du capital, voilà leur seul objectif. Nous ne laisserons pas passer cela non plus. 

Une manoeuvre politique inédite pour accélérer la casse sociale

A Bercy hier, Bruno Le Maire n’a pas levé nos doutes, au contraire. Le déficit sur lequel la minorité au pouvoir feint de s’alarmer aujourd’hui a été construit sciemment. Le ministre nous promet la ruine, faisant planer la dépréciation de la dette française sur les marchés, alors qu’il n’en est rien et que les obligations d’Etat s’arrachent actuellement. Il nous jure qu’il est nécessaire de revenir aux 3 % de déficit d’ici 2027 en faisant des coupes budgétaires d’ampleur, alors que l’on peut s’y prendre tout à fait autrement. Après nous avoir présenté un budget insincère - une manœuvre anti-démocratique majeure ! - il prépare la casse sociale. 

Nous sommes bien décidés à la contrer. En mettant à jour les mensonges du gouvernement. En défendant une révolution fiscale. En exigeant le retour des discussions devant le Parlement, avec un projet de loi de finances rectificative. Bruno Le Maire nous l’a dit hier : “nous n’augmenterons pas les impôts des gens”. Bien, les multinationales ne sont pas “les gens”. Taxons-les ! Et parmi les “gens”, taxons les riches. Il faut récupérer l’argent là où il est.

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