C'est le premier texte que je publie ici, et j'ai la joie de le signer avec Aline Lo Tutala, qui anime la campagne Stop Logements Passoires de l'Alliance citoyenne, à Aubervilliers. C'est une campagne pour alerter sur l'isolation désastreuse de leurs logements, et pour faire valoir leurs droits à la rénovation de leurs appartements.
Aujourd'hui, je présente une loi dans le cadre de la niche parlementaire de la FI NUPES, pour enfin s'attaquer aux passoires thermiques. Et pour que soit prise en charge toute la rénovation thermique pour les ménages les plus modestes. Là où je suis élue, en Seine Saint Denis, c'est un sujet particulièrement sensible. Et c'est un chantier éminemment important face à l'urgence écologique et sociale.
Les chiffres sont connus. Plus de 12 millions de personnes en “précarité énergétique” dans le pays, assommées par plusieurs centaines d’euros de factures de chauffage mensuelles, et qui continuent d’avoir froid dans leur logement. C’est près de 20% de la population qui peine à boucler les fins de mois, au point que plus de 780 000 ménages ont vu, en 2021, leur fournisseur d’énergie intervenir pour cause d’impayé.
La plupart de ces personnes vivent dans les 7 millions de passoires thermiques que compte le pays. La promesse de campagne de M. Macron sonnait fort : 700 000 logements entièrement rénovés tous les ans d’ici 2027, via notamment le renforcement des montants de ma “MaPrimRénov”, l’aide financière aux propriétaires engageant de tels travaux. Mais au lieu des 700 000 logements, ce sont à peine 2 500 logements qui sont sortis du statut de passoires thermiques l'année passée : à ce rythme il faudra deux millénaires pour venir à bout de toutes les passoires !
La promesse de M. Macron se fracasse sur la réalité d’un dispositif bien trop peu financé, bien trop mal ficelé : mille-feuilles des formulaires et des guichets ; saupoudrage des soutiens sur des micro-gestes qui n’offrent pas de gain énergétique convenable ; déficit d’information et d’accompagnement des propriétaires ; abandon des locataires à des recours longs, coûteux, anxiogènes ; certifications parfois inconséquentes, sans contrôle adéquat des entrepreneurs qui en bénéficient. Mais surtout des moyens très insuffisants pour enclencher un chantier pourtant incontournable au plan écologique.
Les rénovations globales, en moyenne, sont estimées entre 30000 et 60000 euros pour des logements étiquetés E, F ou G, parfois davantage. Dans ces conditions, les ménages modestes et très modestes n’ont aucune chance de se lancer dans un tel chantier. Le plafond de prise en charge du dispositif MaPrimRenov “Sérénité”, conçu dans leur cas, n’excède pas 50% du montant hors taxes des travaux : ce sont plusieurs dizaines de milliers d’euros qu’il faut encore mobiliser.
Pourtant il n’y aura pas de bifurcation écologique, ni de souveraineté énergétique, sans révolution dans le logement. Le bâtiment représente un quart des émissions de gaz à effet de serre et 45% de l’énergie consommée dans le pays, aux deux-tiers brûlés par le chauffage. Qu’attend notre gouvernement pour engager ce chantier qui pourrait tout changer ?
Parmi les acteurs auditionnés dans le cadre de la préparation de la proposition de loi, les professionnels du bâtiment, par exemple, considèrent que l’avenir de leur filière se trouve dans la rénovation globale, et non plus dans la construction neuve. Pour eux cette rénovation n’est pas entravée par un défaut d’offre de leur part (ce sont là les principales justifications du gouvernement), mais bien par la défaillance de demande : l’existence d’un reste à charge trop lourd demeure l’obstacle principal pour les propriétaires.
La perspective d’un chantier national de cette envergure soulève évidemment de nombreux défis : la création et le financement des formations adéquates, le développement de matériaux sains, abordables, disponibles, l’amélioration des systèmes de certification et de contrôle… Mais on entrevoit un formidable potentiel : des emplois qualifiés, non délocalisables, ancrés dans les chaînes de valeur et les savoir-faire locaux, une meilleure qualité de vie, des économies pour l’assurance maladie, des milliards économisés du fait des importations de gaz évitées, plusieurs dizaines de millions de tonnes de CO2 épargnées à notre atmosphère tous les ans…
A cet égard, les quelques 12 milliards d’euros votés lors du débat sur le Projet de loi de finances le 31 octobre étaient parfaitement rentables sur le long terme. Mais l’enfermement idéologique du gouvernement en a décidé autrement.
Nous n’en restons pas là : ce mardi 15 novembre le groupe LFI-NUPES présentera une loi pour accélérer la rénovation globale des logements, avec d’une part l’instauration d’un Reste à charge zéro pour les ménages modestes, d’autre part le renforcement de l’interdiction de location des passoires à partir de 2025, sans perte de droit pour le locataire.
Il sera examiné en commission des affaires économiques : l’occasion de peser sur ce chantier prioritaire et de clarifier les positions prises par chaque député et groupe parlementaire.
La rénovation globale des logements est aujourd’hui une bataille parlementaire essentielle, que la FI et la NUPES veulent porter dans les mois et années à venir. C’est aussi celle de nombre de quartiers populaires, où les habitants et les habitantes, avec les associations, s’organisent pour dépasser l’isolement et la crainte, et pour interpeller leurs bailleurs et les élus locaux. A Aubervilliers ou à Villeurbanne par exemple. De nombreux mouvements sociaux et écologistes se mobilisent aussi, chacun à leur façon, de la Fondation Abbé Pierre à Dernière Rénovation. En pleine COP27 et alors que l’inflation et la vie chère frappent durement les gens, cet enjeu concrétise pleinement notre slogan : fin du mois, fin du monde, même combat.