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Billet de blog 10 juillet 2025

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Décarbonation en pause : la grande trahison budgétaire

Ce matin, tous les médias agitent le chiffon vert de la transition écologique. Mais derrière les grands mots, les chiffres piquent : baisse des investissements, aides rabotées, objectifs climatiques enterrés sous des arbitrages budgétaires cyniques. Le climat peut bien attendre : la rigueur, elle, n’a jamais été aussi urgente.

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Ce matin, tous les médias en parlent et j’avais envie d’apporter ma modeste pierre à l’édifice de cette mascarade. L’« ambiguïté » gouvernementale autour de la transition écologique n’est plus à démontrer : d’un côté, on fait mine de courir après la neutralité carbone, de l’autre on coupe dans les crédits essentiels à cette ambition. Les chiffres récents confirment le mensonge : les investissements publics et privés pour le climat plongent alors qu’on nous promettait l’inverse.

  • Investissements climat : 102,2 milliards d’euros ont été engagés en 2024 en France pour l’action climatique, soit 5 % de moins qu’en 2023. C’est la première baisse notable en dix ans hors période Covid.
  • Rénovation énergétique : ce secteur est « le plus touché », souffrant de la hausse des taux et de mesures dilatoires. MaPrimeRénov’ est placée en pause depuis juillet 2024 pour soi-disant lutter contre la fraude. Bercy brandit désormais le couperet budgétaire sur la principale aide aux rénovations, un véritable crachat à la figure des propriétaires modestes.
  • Décarbonation ralentie : les efforts sont à l’arrêt. En 2024 la France n’a réduit ses émissions de gaz à effet de serre que de 1,8 %, contre 6,7 % l’année précédente. Selon le Haut Conseil pour le climat, il faudrait au moins doubler le rythme de décarbonation pour espérer atteindre les objectifs de la Stratégie nationale bas-carbone. Au lieu de cela, la « croissance » devient un alibi pour reculer – un luxe dangereux pour la planète.
  • Désengagement de l’État : loin de tenir son rôle de chef de file, l’État se défile. En 2024 il a versé autant de subventions aux énergies fossiles (13 milliards €) qu’à l’ensemble des politiques climatiques (un peu plus de 13 milliards €) ! Pendant qu’on joue l’équilibriste avec le budget 2026, c’est la planète qui trinque.

Investissements climatiques en berne

Le bilan est clair : les signaux politiques sont contradictoires. D’un côté, le gouvernement engage des discours d’urgence écologique ; de l’autre, les chiffres disent le contraire. L’I4CE confirme que les dépenses climatiques ont reculé – 102 milliards € en 2024, contre 107,7 milliards en 2023. Or ces investissements étaient en hausse continue depuis 2020 : leur contraction est donc symptomatique d’un retournement de priorité au niveau budgétaire. Pis encore, les coupes touchent les secteurs clés : la rénovation thermique des bâtiments est notamment « victime de la montée des taux d’intérêt » et de coupures budgétaires qui ont conduit à geler MaPrimeRénov’. Autant dire que remplacer les chaudières au fioul ou isoler les vieux logements passe loin derrière d’autres urgences peu crédibles.

L’ironie n’en est que plus cruelle : en ce moment même le Gouvernement planche sur son projet de budget 2026 avec pour consigne – toujours la même – d’économiser 40 milliards d’euros. Pour ce faire, on envisage de basculer les aides à la rénovation vers les Certificats d’économies d’énergie, autrement dit de les rendre « extra-budgétaires ». Traduction : encore moins de crédit dans la loi de finances ! Comme le note I4CE, « la dynamique de la filière de rénovation énergétique marque le pas en 2024 ». Et pourtant, c’est précisément ce type d’investissements – rénovation globale, chauffage décarboné – qui est prioritaire dans la planification écologique. Les gouvernements successifs préfèrent manifestement ménager les grands groupes énergétiques plutôt que de chérir les grappes de citoyen·nes aux moyens limités.

Décarbonation à contre-pied

Pendant ce temps, la décarbonation du pays tourne à vide. Le Haut Conseil pour le climat a tiré la sonnette d’alarme : en 2024, la diminution des émissions de GES n’a été que de 1,8 % (contre 6,7 % en 2023). Ce « ralentissement considérable » n’est pas un hasard mais la conséquence directe du manque d’actions structurelles – arrêt du leasing social pour voitures électriques, gel des rénovations complètes, recentrage de MaPrimeRénov’. Soussana, le président du HCC, le rappelle : la France n’est tout simplement pas « à niveau » pour remplir la feuille de route bas-carbone, et il « faudrait multiplier par deux le rythme de décarbonation » pour espérer tenir les objectifs. Autrement dit, on se vautre dans les objectifs catastrophiques de Laurent Fabius en promettant la planète pour 2050, et on repousse d’un revers de main les efforts immédiats indispensables pour 2030.

L’addition sera salée : chaque degré de réchauffement fait perdre 12 points de PIB mondiale, alors que la seule alternative est de doubler la mise dans la transition. Mais l’action gouvernementale ressemble trop souvent à un pantomime : des annonces tonitruantes quand il faut s’en servir comme alibi, et des coups de rabot quand il s’agit de signer les chèques. L’économiste Pisani-Ferry lui-même prévenait, début 2025, que « les investissements climatiques sont les meilleurs investissements qu’on puisse faire » – une lapalissade que Bercy doit redire en boucle en cas d’audition au Sénat, tout en sabordant sournoisement la dynamique réelle.

Budget 2026 : l’État déserteur

Été 2025 : le budget 2026 traîne comme une ardoise brûlante. La seule perspective affichée est la réduction du déficit public, au détriment de toute velléité écologique. Comme l’observe le HCC, « ces derniers mois, ce sont les moyens dédiés à ce type de politique publique qui ont sensiblement reculé, que ce soit en loi de finances ou à travers des mesures de gestion ». En clair : chaque rendez-vous budgétaire devient un choc de traîtres envers la cause climatique. On sait que MaPrimeRénov’ doit être « rebasculée » sur les certificats CEE, que le CITE retapé aujourd’hui sera salé demain, que les opérations d’isolation collective restent en souffrance pendant qu’on subventionne toujours le gaz. Pendant qu’on réduit l’Agence de la transition écologique (ADEME), le Haut Conseil note qu’on injecte 13 Md€ dans les fossiles, autant que pour l’action climat dans son ensemble. L’image est terrible : pendant que le pays est censé s’armer pour le « choc d’offre » renouvelable et la sobriété énergétique, l’État se retire du ring.

La « trahison budgétaire » est sous nos yeux : on décore les amphis des écoles d’ingénieurs d’experts du climat, tandis que l’Assemblée vote une loi de finances rétrograde sur tous les fronts. Écho glaçant : en 2025, le HCC calculait que la France devait engager « au minimum 37 milliards d’euros d’investissements » par an pour tenir sa trajectoire carbone, soit trois fois ce qu’on lui accorde chaque année. Où trouvera-t-on le reste ? En comptant sur des phrases creuses, ou pire, en promettant que le nucléaire finira le boulot (et d’ici 2038, peut-être !).

Ce matin, tous les médias en parlent. Mais après le vacarme des unes, qui entendra nos marmonnements dans l’hémicycle ? Rien dans ce budget 2026 ne laisse présager un sursaut pour le climat – au contraire, on s’oriente vers une politique du stop and go mortifère. Les responsables sont connus : Bercy, qui lutte corps et âme contre toute dépense jugée « utile » pour l’avenir ; Matignon, qui change de Premier ministre avant de prendre des décisions ; et l’Élysée, qui serre le poing en façade sur le réchauffement. Leur grande trahison budgétaire porte un nom : sacrifier l’écologie sur l’autel de la rigueur financière.

Il faut dire les choses crûment : cette pause forcée de la décarbonation n’est plus une bévue technique, mais une décision politique assumée. J’appelle donc à bousculer les consciences – pas pour meubler le buzz du jour, mais pour arracher à ceux qui nous gouvernent leurs derniers milliards de sincérité. À méditer : l’inaction coûte cher, financièrement et humainementpublicsenat.fr. Si on n’y met pas fin, ce ne sont pas les réacteurs nucléaires ou les éoliennes qui sauveront nos enfants, mais bien notre volonté collective de punir les passe-droits et de servir l’intérêt général.

Sources : Les constats édifiants viennent des récents rapports de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) et du Haut Conseil pour le climat. Ces études indépendantes ne mentent pas et révèlent la réalité d’une politique énergétique en berne. Les chiffres parlent d’eux-mêmes – il est temps que les responsables le disent eux-mêmes et agissent enfin.

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