avalverde (avatar)

avalverde

Rédacteur pour différents médias, chef d'entreprise

Abonné·e de Mediapart

17 Billets

0 Édition

Billet de blog 18 juillet 2025

avalverde (avatar)

avalverde

Rédacteur pour différents médias, chef d'entreprise

Abonné·e de Mediapart

Migrants, asile, humanité : tout ce qu’on enterre à petit feu

La Grèce vient de suspendre, pour trois mois, toutes les demandes d’asile sur son sol – un coup de force inédit qui piétine le droit international. Cette décision choquante illustre l’agonie lente et programmée du droit d’asile, de la dignité humaine et du devoir de solidarité en Europe, sacrifiés sur l’autel d’une politique migratoire sécuritaire et déshumanisante.

avalverde (avatar)

avalverde

Rédacteur pour différents médias, chef d'entreprise

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce matin, la Grèce a annoncé qu’elle suspendait pour trois mois l’examen des demandes d’asile sur son sol (Article Mediapart). Trois mois d’illégalité assumée, trois mois de mépris du droit international, trois mois d’indifférence face à ceux qui fuient la guerre, la famine ou les persécutions. Trois mois où des hommes, des femmes et des enfants seront traités non comme des êtres humains, mais comme une masse encombrante qu’on voudrait rendre invisible, jetée aux frontières de l’Europe comme un rebut de l’histoire.

Le gouvernement grec assume, et revendique. « La Grèce n’est pas un passage ouvert vers l’Europe. » Le message est clair. Derrière l’écran de fumée des chiffres (23 000 arrivées depuis janvier, pas plus qu’en 2024), la manœuvre est politique : flatter l’électorat, rassurer les possédants, durcir toujours plus un discours public où l’étranger, l’exilé, l’apatride sont devenus des menaces avant d’être des vies.

On pourrait croire à une exception. Mais cette Grèce-là, qui piétine la Convention de Genève et se moque du droit européen, n’est que le miroir grossissant de ce que l’Europe tout entière est devenue.

L’Europe forteresse, version assumée

À Bruxelles, on appelle ça le « Pacte migratoire ». Derrière le vernis technocratique, il s’agit d’une chose simple : transformer en politique d’État ce qui relevait hier de pratiques illégales. Enfermer aux frontières, accélérer les expulsions, externaliser la honte. Et peu importe que la Méditerranée soit devenue le plus vaste cimetière d’Europe : plus de 20 000 morts ou disparus en dix ans, dont des milliers d’enfants. Ces chiffres ne choquent plus. Ils confortent. Ils rassurent les gouvernements, qui peuvent montrer à leurs opinions que l’Europe « protège ses frontières ».

La logique est implacable. On finance des dictatures pour faire le sale boulot (la Turquie hier, la Libye et la Tunisie aujourd’hui), on sous-traite les morts, on délègue la violence. À Tunis, on chasse les Subsahariens à coups de matraque. À Tripoli, on enferme, on torture, on viole. Mais Bruxelles signe, Paris applaudit, et Rome encaisse. Voilà ce que vaut la vie d’un exilé pour l’Europe des 27.

La France complice, la France sans boussole

Il serait facile, trop facile, de regarder la Grèce avec hauteur. Mais la France est en première ligne de cette déshumanisation rampante. Que fait-elle d’autre, en organisant des rafles de sans-papiers dans ses gares, comme en juin dernier ? 4 000 policiers déployés pour chasser l’indésirable, arrêter l’illégal, traquer celui qui n’a pas les bons papiers. Un zèle policier salué par la droite, et trop peu contesté ailleurs.

Et dans nos centres de rétention, que produit cette politique ? Des morts. Quatre en 2024. Suicides, grèves de la faim, absences de soins. Derrière les murs des CRA, on brise des vies au prétexte d’une régularisation impossible. On enferme des malades, des désespérés, des innocents, dans des conditions qu’aucune démocratie ne devrait tolérer. La Cimade et les associations le disent : la rétention est devenue un outil de gestion, une routine administrative, un enfermement par habitude, plus que par nécessité.

À Mayotte, c’est pire encore. Là-bas, on détruit des bidonvilles à la pelleteuse, on expulse en masse vers l’océan des familles entières. Sous couvert de lutte contre l’« insécurité », on déshumanise à grande échelle. L’opération Wuambushu n’a pas choqué grand monde. Pas plus que les lois d’exception qui s’y appliquent : pas de droit du sol, pas de recours effectif, pas d’asile digne de ce nom. Mayotte est devenue le laboratoire de ce que l’État français rêve d’imposer ailleurs.

L’inhumanité comme horizon politique

Le plus terrible, c’est que tout cela ne choque plus. À force de répétitions, l’inhumanité est devenue une norme. Le migrant n’est plus un visage, un destin, une vie. C’est un chiffre, un danger, un encombrant. Et peu importe qu’il fuie la guerre, la famine, le viol ou la torture : on lui répond par des barbelés, des murs, des quotas.

À l’Est, la Pologne construit des murs. En Méditerranée, on laisse les bateaux couler. À Calais, on démonte les abris. À Paris, on repousse les campements. Partout, on criminalise ceux qui tendent la main. 142 personnes poursuivies en 2024 pour avoir aidé des migrants. Voilà où nous en sommes : la solidarité est un délit, l’indifférence une politique.

Alors oui, la Grèce suspend l’asile. Mais l’Europe suspend chaque jour un peu plus son humanité. Pas d’un bloc, pas d’un geste spectaculaire. À petit feu. Un arrêt de plus. Une loi de plus. Un silence de plus. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à sauver.

Sources : Africanews, AP, La Cimade, UNICEF, BFMTV, PICUM, ObservAlgérie, Le Monde.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.