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Billet de blog 11 juin 2018

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Mélenchon-Varoufakis

article de l'obs où l'on voit varoufakis proner le rapport de force avec l'allemagne , un plan a , plan b , plan c , défendre lidée que sipras aurait du tenir bon ... bref , on se demande bien pourquoi alors il veut s'allier à hamon plutot qu'à fi ...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

https://www.facebook.com/critiquedelaraisoneuropeenne/videos/1792341387542869/

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- "Article 50 !" clama Dieu le père Asselineau à ses ouailles.
- "Et après ?" osa dire un impudent.
- "Ben, on fait une politique de droite"...
- "..."
- "..."

(rajout 06 07 2018 : https://www.alternatives-economiques.fr/un-long-calvaire-sannonce-grece/00085215)

extrait :

"" Si vous voulez faire bouger Berlin, vous devez dire : voici mes exigences minimum, et voici mon plan B dans l’hypothèse où Berlin m’enverrait une fin de non-recevoir. Si ce qu’il propose est juste une demande que l’Allemagne peut refuser sans dommage pour elle, pourquoi accepterait-elle ? La zone euro réformée que Macron envisage est pourtant une condition préalable indispensable pour la survie de la France dans la zone euro. [...]

Je crois pour ma part à une approche que j’ai appelée la "désobéissance constructive". Vous proposez un plan A modéré, qui va dans l’intérêt de l’Allemagne et que Merkel elle-même, si elle se l’approprie, peut vendre au Bundestag comme étant son idée. Puis, si cela ne passe pas, vous "désobéissez" : vous refusez de signer quoi que ce soit. "Vous voulez m’expulser de la zone euro, allez-y !" C’est ce que j’ai fait quand j’étais ministre.""

Contrairement à ce que dit varoufakis ( "Son plan B était en réalité son plan A") , la désobéissance est exactement la position de lfi , depuis le début le plan b c'est bien désobéir aux traités .  (et tous les européistes béats de mdp m'ont toujours sorti : "pff désobéir aux traités , c'est donc sortir de l'ue "  )

On notera aussi que pour faire la différence avec mélenchon , c'est que varoufakis fait bien attention à proposer un plan A qui ne gênera pas merkel .... hum ... vous voyez le hiatus : si ça ne gêne pas l'allemagne ça n'aura pas d'effet , si ça gêne l'allemagne on doit lui retourner son " son plan a est en réalité son plan b"  ... lui même le dit à d'autres moments dans l'interview : ""Le problème, c'est que Merkel va accepter le geste, mais n’offrira rien en retour"" . "" [la divergence macron merkel] ne dégénère jamais en fracture ouverte. A la fin, ces deux-là trouvent toujours un modus vivendi. Et ils se débrouillent toujours pour que ce modus vivendi qu’ils finissent par trouver soit une défaite pour la France ""

la position de lfi , depuis le début le plan b c'est bien désobéir : voir le débat généreux piketty : 

Jacques Généreux et Thomas Piketty débattent de l'Europe © Politis Fr

on lira donc la réponse de mélenchon à varoufakis :

https://melenchon.fr/2018/05/22/le-versatile-monsieur-varoufakis/

C’est un drôle d’homme que celui-ci. Je l’ai connu et apprécié comme ministre de Tsípras refusant d’accepter le plan de « sauvetage » de la Grèce imposé par la Commission européenne. Puis quand il démissionna lorsque Tsípras a finalement signé la capitulation de la Grèce devant Schäuble en dépit du « non » du peuple grec consulté par référendum. On le voyait comme un héro en dépit des mises en garde que nous faisait Zoé Konstantopoúlou, la présidente de l’Assemblée nationale grecque, elle-même en rupture avec Tsípras. Je me donnais beaucoup de mal pour le rencontrer lors de son passage à Paris en août 2016. J’acceptais même l’horaire de sept heures du matin gare de Lyon pour un échange avant son départ avec Montebourg vers la fête de la Rose à Frangy. Avant cela, il était venu nous visiter au stand du Parti de Gauche à la fête de l’humanité en 2015 aux côtés de l’allemand Oskar Lafontaine et de l’italien Stefano Fassina. Ce fut notre dernier contact.

Je n’eus de nouvelles de lui ensuite que par une interview qu’il donna à Match. Stupeur : il prétendait m’avoir mis en garde à cette fête contre la germanophobie à propos de mon livre Le Hareng de Bismarck ! Une invention pure et simple. Et d’autant plus grotesque que Oskar Lafontaine était ce jour-là avec nous dans la conversation. Je me le tins pour dit. Je le classai aussitôt dans mon esprit au tiroir des mondains qui cotisent à mon bashing pour se caler dans l’air du temps. J’en connais plus d’un dans ce style. La suite a prouvé que je ne me trompais pas. Partout il est le même : désinvolte et quelque peu arrogant. À preuve comment il vient d’aller dernièrement en Espagne, sans crier gare aux gens du lieu, mettre en cause la politique de Pablo Iglesias dans un journal haineusement hostile à Podemos. Avant cela, il nous avait convoqué publiquement, Pablo, Caterina du Bloco et moi pour débattre avec lui de la liste qu’il compte présenter (jusqu’à nouvel ordre) aux prochaines élections européennes. Pablo et Caterina lui ont fait une fin de non-recevoir outrée du procédé de cette convocation.

Sachant qu’il vient à Paris bientôt pour promouvoir son petit réseau européen, je m’attends à une convocation de même nature. Et je sais qu’elle trouvera un public médiatique de mouches du coche bombinant de toutes leurs ailes. Mes amis et moi resterons bienveillants. Nous allons suivre avec intérêt ce qu’il dira ici où là. Peut-être même qu’Abel Mestre du Monde en parlera.  N’a-t-il pas su moquer nos supposées contradictions avec Podemos ? Et cela sur la base d’un texte qu’il n’avait pas en version finalisée ? Pris la main dans le sac ici même, il pourrait vouloir désormais travailler sur des faits mieux établis.

Dans ce cas il s’intéressera sans doute aux contradictions formellement et réellement constatées entre Varoufakis et son allié en France, Benoît Hamon. En effet Yannis Varoufakis a condamné les bombardements des États-Unis, de l’Angleterre et de la France en Syrie. Mais Benoit Hamon les a approuvés à l’image du conseil des gouvernements européens. Cela implique naturellement le rapport à l’OTAN et à la politique de « défense » de l’Union européenne. Peut-être considèrent-ils l’un et l’autre que ce n’est là rien de bien grave. Serait-ce sérieux ? Au passage, sans doute, Varoufakis approuvera-t-il les sanctions contre la Russie, comme son ami Benoît, afin de ne pas être « ambigu » avec Poutine comme ce dernier m’en accuse ?

Mais il y a plus lourd encore. Varoufakis propose dorénavant « un plan B et même un plan C » comme alternative à l’Europe actuelle. Comment Benoît Hamon peut-il accepter cet alphabet-là après avoir affirmé son opposition à de telles déclinaisons face à la « France insoumise » ? N’a-t-il pas justifié par cela même son opposition à notre ligne d’action ? Tout cela serait désormais sans importance. Mais serait-ce sérieux ?

Pour finir, Varoufakis affirme que l’alliance qu’il mène avec Hamon veut faire un groupe distinct au Parlement européen. Comment cela est-il compatible avec la volonté de Hamon de faire une liste commune avec EELV ? En effet ceux-ci non plus ne veulent pas non plus de « plan B ou C ».  Et ce n’est pas tout. Ils ne veulent pas non plus siéger dans un autre groupe que celui des Verts européens que préside avec un talent remarqué le belge Philippe Lambert ?  Donc, s’ils parviennent à avoir des élus, ils se répartiraient ensuite dans deux groupes parlementaires différents ? Encore faut-il que la coalition Varoufakis-Hamon parvienne à faire un groupe. Et s’ils n’y parviennent pas, où siègeront-ils ? Seraient-ils prêts à siéger dans le groupe que nous allons constituer ? Alors pourquoi nous combattre avant ? Ce n’est pas grave ? Mais est-ce sérieux ?

Si Hamon est prêt à condamner l’OTAN et à la quitter comme le dit Varoufakis, s’il est prêt à assumer ne serait-ce qu’un plan B, la visite de Varoufakis en France va être très intéressante, il faut bien le dire. En lisant ces lignes Varoufakis saura que je ne suis plus disponible à sept heures du matin et que je ne supporte pas les convocations du type de celle qu’il m’a déjà adressée pour Lisbonne ni les défis qu’il a lancés à Pablo Iglesias par presse interposée. Un peu de respect est la cotisation de base pour pouvoir nous rencontrer.

en tout cas on peut opposer varoufakis à ceux qui prétendent que la france devra céder comme a cédé la gréce : ""Mais la France n’est pas la Grèce. La France, c’est tout. Sans la France, il n’y aurait pas d’eurozone, il n’y aurait pas d’union européenne"" , (varoufakis)

l'article complet de l'obs ,

https://www.nouvelobs.com/economie/20170925.OBS5129/yanis-varoufakis-mon-plan-pour-macron.html

Par Pascal Riché

Publié le 26 septembre 2017 à 06h44

 Alors que le président francais prononce son discours pour refonder la zone euro , l'ancien ministre grec lui suggère une stratégie  plus audacieuse , la mencace de la chaise vide

L'ancien ministre des Finances du premier gouvernement formé par Alexis Tsipras, Yanis Varoufakis, publie le mois prochain en français le récit des six mois éprouvants qu'il a passés à ce poste, bataillant sans relâche dans les négociations avec les créanciers de la Grèce, pour tenter de mettre fin à l'austérité et aux plans de renflouement humiliants que subit son pays. Nous rendrons compte la semaine prochaine dans "l'Obs" de ce livre haletant, "Conversations entre adultes" (éd. Les Liens qui libèrent), véritable thriller financier, qui jette une lumière crue (et cruelle) sur le fonctionnement de la zone euro. 

Nous l'avons rencontré la semaine dernière dans son magnifique appartement d'Athènes. Au cours de l'entretien, il nous a livré les conseils qu'il souhaite donner à Emmanuel Macron, alors que ce dernier s'engage dans un bras de fer avec Berlin pour réformer la zone euro. Ce mardi, le président français doit donner un discours sur le sujet à l'université de la Sorbonne.

Selon Varoufakis, la discussion sur la zone euro est essentielle. Mais faute d'audace, Emmanuel Macron risque de rester englué dans la séquence d’erreurs qui a conduit la zone euro dans l'impasse. Sa crainte est désormais que la troïka (Commission européenne, Banque centrale et FMI), qui a rendu la Grèce exsangue, finisse par régner à Paris : 

"Même si des gens ont, comme Macron, de bonnes idées pour la zone euro, ils sont enfermés à double tour dans cette séquence de crimes contre la logique."

Emmanuel Macron propose de réformer en profondeur la zone euro, avec un parlement dédié, un budget, un ministre des Finances, une forme de mutualisation des emprunts futurs… N’est-ce pas aller dans la bonne voie ?

Emmanuel Macron comprend très bien comment fonctionne Wolfgang Schäuble [le très dur ministre des Finances allemand, NDLR] et Angela Merkel, et la divergence qui les sépare. Mais il faut rester conscient que si cette divergence est réelle, elle ne dégénère jamais en fracture ouverte. A la fin, ces deux-là trouvent toujours un modus vivendi. Et ils se débrouillent toujours pour que ce modus vivendi qu’ils finissent par trouver soit une défaite pour la France et les élites françaises. S’il l’a oublié en arrivant à l’Elysée, c’est dommage pour lui, pour la France et pour l’Europe.

Il ne faut pas oublier que ce n’est pas Macron, mais Schäuble, qui a lancé l’idée d’un "ministre des Finances de la zone euro", dans un article publié en décembre 2015 par "Die Zeit", titré "Le plan de Dr Schäuble". Il comprend bien qu’on ne pourra voir éternellement régner un Eurogroupe [la réunion informelle des ministres des Finances de la zone euro, NDLR] sans existence juridique, que c’est politiquement très difficile.

La question qui se pose, est la suivante : va-t-on connaître une réforme de l’eurozone qui sera significative d’un point de vue macroéconomique ? La "fédération light" que propose Macron, avec un petit budget commun, sera-t-elle capable de stabiliser l’eurozone et son économie, ou sera-t-elle juste là pour l’affichage ? Toute mutualisation – du budget, de la dette, de la garantie des dépôts bancaires – ne peut passer que par un énorme clash avec Berlin. Pour cela, Macron aura besoin, dans cette confrontation, d'amplifier son capital politique.

Mais il a décidé d’avancer de façon graduelle. Il dit à Merkel : je vais "germaniser" le marché du travail français et je vais suivre une politique budgétaire d’austérité, sans demander aucune condition en retour, pour montrer ma bonne volonté. Et quand j’aurai engagé ces politiques, vous devrez vous montrer plus souple sur la mutualisation et sur l’idée d’une fédération light de la zone euro. Le problème, c'est que Merkel va accepter le geste, mais n’offrira rien en retour. Tout ce qu’on lui donnera, c’est une réforme de façade. Macron aura accru son capital politique, mais ne pourra rien montrer de concret, en termes de résultats économiques. C’est en tout cas ma grande crainte.

Qu’avez-vous pensé de son discours d’Athènes, portant sur l’Europe ?

Je l’ai trouvé attristant. Il a raison d'exprimer une aspiration à changer l’Europe afin de la sauver. Mais de l’autre côté, il affirme que la Grèce se porte mieux. Or, si le pire patient de l’Europe se portait vraiment mieux, quel serait l’intérêt de réformer la zone euro ? Il est conscient que la Grèce ne va pas mieux – je sais qu'il l'est – mais il se sent obligé de tenir ces propos pour plaire à Berlin. Pourquoi avait-il besoin de faire cela juste avant les élections allemandes ? Alors qu’il avait une fenêtre d’opportunité et jouissait d'une forte légitimité politique ?

Qu'attendez-vous du discours de ce mardi 26 septembre ?

Macron accepte de convertir le MES [le mécanisme européen de stabilité, chargé d'aider les pays en difficulté, NDLR] en Fonds monétaire européen, une structure qui incarnera l’idée de discipline budgétaire. Et en échange, il demande un budget représentant deux ou trois points du PIB de l’eurozone. Angela Merkel peut accepter au mieux de lui accorder un point de PIB, ce qui sera négligeable sur le plan macroéconomique. Et même s’il y a accord, il se fera sur une base intergouvernementale et non fédérale.

Le mieux qu’il puisse obtenir, c’est une caisse commune, qui sera abondée par chaque gouvernement, sur la base d’un accord intergouvernemental. Chaque contribution restera sous le contrôle des parlements nationaux. Et ces contributions seront soumises aux règles budgétaires de Maastricht. Au final, le changement sera nul par rapport à la situation actuelle. Il faudrait au contraire s’échapper des règles de Maastricht, ce qui ne sera pas le cas.

Le pire, dans l’approche de Macron, c’est qu’il ne demande même pas de dépasser Maastricht. Il demande une fédération dans les limites posées par Maastricht, ce qui est impossible.

Enfin, dernière critique, rien de ce qu’il imagine ne marchera s’il ne dit pas clairement ce qu’il fera si Berlin refuse. Si vous voulez faire bouger Berlin, vous devez dire : voici mes exigences minimum, et voici mon plan B dans l’hypothèse où Berlin m’enverrait une fin de non-recevoir. Si ce qu’il propose est juste une demande que l’Allemagne peut refuser sans dommage pour elle, pourquoi accepterait-elle ? La zone euro réformée que Macron envisage est pourtant une condition préalable indispensable pour la survie de la France dans la zone euro.

Ce que vous proposez rejoint la méthode Mélenchon, qui avait proposé un "plan A" et un "plan B"

Non. Et c’est la raison pour laquelle je ne soutiens pas Mélenchon. Son plan B était en réalité son plan A.

Ce n'est pas ce qu'il affirme.

Ça l'est clairement, et j’ai lu chaque mot de ses propositions avant l’élection présidentielle. Ce que propose Mélenchon aurait été parfait en 1991 [au moment de la négociation du traité de Maastricht, NDLR] : une eurozone différente. Mais aucun gouvernement allemand ne peut accepter aujourd’hui ses propositions. Demander à l’Allemagne de laisser la Banque centrale imprimer de l’argent pour payer des dettes, tout en menaçant de quitter l’euro si cette demande n’est pas satisfaite, ce n’est pas avoir un "plan A" et un "plan B". Car Merkel préférerait plutôt quitter l’eurozone qu’accepter un tel "plan A".

Je crois pour ma part à une approche que j’ai appelée la "désobéissance constructive". Vous proposez un plan A modéré, qui va dans l’intérêt de l’Allemagne et que Merkel elle-même, si elle se l’approprie, peut vendre au Bundestag comme étant son idée. Puis, si cela ne passe pas, vous "désobéissez" : vous refusez de signer quoi que ce soit. "Vous voulez m’expulser de la zone euro, allez-y !" C’est ce que j’ai fait quand j’étais ministre. C’était modéré : la politique budgétaire que je proposais, c’est ce que le FMI propose aujourd’hui !

Cela n'a pas fonctionné...

Bien sûr, à la fin, Tsipras a cédé. S’il avait tenu bon à mes côtés, je pense que ce sont eux qui auraient cédé. Et s’ils ne l’avaient pas fait, sortir de l’eurozone aurait été de toute façon une meilleure option que la situation actuelle.

Mais la France n’est pas la Grèce. La France, c’est tout. Sans la France, il n’y aurait pas d’eurozone, il n’y aurait pas d’union européenne, il n’y aurait même pas Merkel. La chancelière n’a été réélue que parce que Macron a été élu. Elle aurait été carbonisée, de l’histoire ancienne ! La CDU était sur le point de la sacrifier. Elle aurait été accusée d’avoir perdu la Grande-Bretagne, puis la France… Macron l’a faite chancelière. Il a un énorme pouvoir, qu’il est hélas en train de gâcher.

Que devrait-il faire, concrètement ?

D’abord, il devrait oublier l’idée de fédération. L’Europe n’est pas prête à discuter de cela. Parce que cette crise crée des mouvements centrifuges, et des morceaux se détachent. Les Britanniques nous quittent, les Hongrois n’en font qu’à leur tête, les Allemands n'on même pas débattu de l’Europe pendant cette campagne. Je suis fédéraliste, mais je constate que ce n’est pas le bon moment de parler de fédération.

Je suis heureux que Macron propose des assemblées constituantes de citoyens européens, afin de discuter d’une refondation de l’Union. Mais l’objectif immédiat doit être la stabilisation et le redémarrage de l’Europe, pour créer de l’espoir. Ce n'est que dans un second temps qu'on pourra discuter de fédération et de Constitution démocratique. Comment relancer l’espoir dans les cœurs et les esprits des Européens ? En s’appuyant sur les institutions existantes pour stabiliser quatre crises : crise de la dette, crise de l’investissement, crise bancaire, pauvreté.

Yanis Varoufakis : "Pourquoi il faut sauver l'Europe"

Commençons par la crise de la dette : comment la résoudre sans une forme de mutualisation ?

La dette publique italienne n’est pas soutenable, et si la situation tourne mal – ce qui peut arriver lorsque le programme dit d’assouplissement quantitatif de la BCE prendra fin –, la France aura elle aussi un problème avec sa dette. La dynamique des dettes de ces deux pays ne peut pas s’inscrire dans le cadre de la zone euro. Pour résoudre ce problème, il existe des solutions. La Banque centrale pourrait ainsi émettre des obligations au nom des Etats, rien ne le lui interdit.

Seconde crise, celle de l’investissement.

Nous avons un taux d’épargne important, et un taux d’investissement très bas. L’écart n’a jamais été aussi grand depuis les années 1950. La conséquence, c’est que l’argent qui pourrait être investi vient simplement faire grimper les prix des actifs (actions, immobilier, etc.), mais sans créer les emplois nécessaires pour que les populations respirent de nouveau.

François Hollande a beaucoup parlé de la nécessité de relancer l’investissement, mais il n’a rien fait. Quant au plan Juncker, c’est une blague, la plus grande blague de l’histoire des plans d’investissement : un mélange ingénieux d’anciens financements recyclés et de garanties au secteur privé.

Comment réformer l'Europe ? Juncker ne suit pas Macron

La BEI [Banque européenne d’investissement, NDLR] peut jouer un grand rôle. Imaginez une conférence de presse commune, au cours de laquelle la BEI annoncerait qu’elle s’apprête à financer un grand programme, une sorte de New Deal, portant notamment sur les énergies vertes et la transition énergétique. Elle investirait jusqu’à 5% du PIB européen, financé par des obligations qu’elle émettrait et que la BCE achèterait [dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif, NDLR]. Un tel programme serait parfaitement conforme au droit européen. Emmanuel Macron pourrait demander qu’il soit lancé, en menaçant de mettre son veto sur toute décision future à l’Eurogroupe en cas de refus allemand. La stratégie gaullienne de la chaise vide appliquée à l’Eurogroupe ! Une chaise vide française pendant six mois, vous imaginez l'impact ? Sans un tel moyen de pression, vous n’arriverez à rien. Berlin vous traitera avec mépris.

Troisième crise, les banques.

Regardez ce qui se passe avec les banques italiennes ou espagnoles. On a rédigé des règles de l’Union bancaire, mais elles ont été immédiatement violées parce que le coût politique pour l’Italie serait trop élevé. Il faut donc créer un système commun, comme aux Etats-Unis, avec une garantie commune des dépôts, et couper le lien entre les trésors nationaux et les banques.

L’idée de bâtir un système commun affole Schäuble : "6.000 banques, c’est bien trop gros !", dit-il. Très bien. Ce que je propose, c’est de créer un système commun avec pour commencer… zéro banque. Mais quand une banque grecque, espagnole, néerlandaise, allemande connaît un problème et a besoin d’être recapitalisée, elle entre dans ce système. Le Mécanisme européen de stabilité la recapitalise alors. Un nouveau conseil d’administration, où ne siège aucun membre du pays concerné, est chargé de la nettoyer et a deux ans pour revendre ses actions, afin de rembourser le MES.

Ce que je propose est très modéré : ce serait une union bancaire qui grandirait pas à pas, mais qui permettrait de casser immédiatement le lien délétère entre les pertes bancaires et la dette publique des Etats. Toutes les banques pourraient par la suite rejoindre ce système sur une période de vingt ans.

Enfin, quatrième crise, la pauvreté.

C’est une crise endémique, qui touche tous les pays, y compris l’Allemagne où le taux de "travailleurs pauvres" n’a cessé de grimper depuis seize ans.

"Mini-jobs", travail précaire... Etre pauvre sous Merkel

Nous critiquons beaucoup les Etats-Unis, à juste titre, car c’est une économie brutale. Leur taux de pauvreté officiel est de 16% mais selon les estimations du Trésor, s’ils n’avaient pas leur système de coupons alimentaires, ce taux serait de 24%. Ces coupons, créés par Lyndon B. Johnson dans le cadre de son programme de "la grande société", ont un impact important, mais aussi un rôle d’unification politique et culturelle. Le pauvre du Missouri ou d’Idaho ou de Californie reçoit un bon signé par la même personne : Janet Yellen, la présidente de la Réserve fédérale.

Imaginez un système similaire en Europe : le pauvre de Grèce, ou d’Allemagne de l’Est, ou d’une banlieue parisienne recevrait des coupons alimentaires signés par Mario Draghi de la BCE… Cela aurait un sacré impact, pas seulement sur le niveau de pauvreté, mais aussi sur l’unification de l’Europe. Comment le financer ? Pourquoi ne pas utiliser les bénéfices que la Banque centrale européennes tire de ses achats d’obligations et les profits que l'on tire de son système comptable (Target2) ? Il suffirait d’un accord intergouvernemental pour le décider.

Macron pourrait s’emparer de ces propositions, et je crois qu’une majorité d’Allemands pourraient les approuver. Cela ne passe pas par une fédération, il n'est pas besoin de changement de traité pour les appliquer. Et cela donnerait au débat politique en Europe une coloration très différente. Ce serait un coup fatal porté au nationalisme et à ceux qui veulent abattre l’Union européenne.

Macron acquerrait une stature impressionnante en Europe et je ne crois pas que Merkel refuserait, car c’est une femme pragmatique. Elle ne proposera pas elle-même ces mesures, parce qu’elle ne veut pas batailler contre Schäuble ou le FDP [le parti avec lequel elle négocie une coalition, NDLR]. Mais si l’alternative est une France pratiquant la chaise vide, elle pliera. Si ce n’est pas le cas, de toute façon, cela signifierait que la zone euro n’a pas d’avenir.

Pour en revenir aux "food stamps", c’est un système qui stigmatise les pauvres. Ne serait-il pas préférable de bâtir un revenu universel en Europe ?

Les coupons alimentaires ne sont pas forcément stigmatisants, car on peut facilement les numériser. Vous payez avec une carte. Nous l’avons fait en Grèce. Pour ce qui est du revenu de base universel, chez Diem25 [le mouvement d'idées animé par Yanis Varoufakis, NDLR], nous y sommes opposés s’il est financé par les impôts. Parce que cela diviserait la classe ouvrière. Quand des gens bossent dix heures par jour pour nourrir leur famille, on ne peut leur demander de donner de l’argent à d’autres qui restent devant leur télévision.

Benoît Hamon a fait l'amère expérience de l’impopularité de cette idée. Mais nous proposons pour notre part le "dividende universel", qui ne repose pas sur la taxation. L’accroissement du capital, aujourd’hui, est essentiellement une production sociale. Chaque fois que vous faites une recherche sur Google sur votre téléphone, vous accroissez son stock de capital. Si c’est la société qui accroît le capital, nous devrions être actionnaires. Nous tous ! Ce que nous proposons, c’est qu'en Europe, chaque fois qu’une société lève de l’argent en Bourse, un pourcentage de ses actions aillent dans un fonds. Et les dividendes touchés par ce fonds seraient distribués à tout le monde. On commencerait avec de très petites quantités d’argent, mais avec l’automation, ce fonds grossirait de façon exponentielle.

Votre livre est à désespérer du fonctionnement de l’Europe. Comment parvenez-vous à rester optimiste pour l’Union européenne ?

Je ne le suis pas. Mais supposez que nous soyons dans les années 1930. Serions-nous optimistes ? Non. Mais nous nous battrions, en nous regroupant entre démocrates, pour imaginer comment stopper la descentes aux abysses. Je fais une distinction entre l’optimisme et l’espoir. Si on ne se bat pas, quelle est l’alternative ? Pour regrouper les démocrates prêts à reconstruire, vous devez dessiner une vision de ce que pourrait être l’Europe. Le solvant le plus efficace de l’espoir, c’est le travail d’équipe.

Mais vous, vous ne proposez pas d’abattre le système pour en reconstruire un autre…

Je n’ai jamais cru en Pol Pot, je ne crois pas en l’année zéro. La gauche au XIXe siècle savait que l’Etat était un piège, qu’il était là pour tenir à distance le Demos de la démocratie et pour servir les intérêts du capital. Et pourtant, la réaction de la gauche n’a jamais été de dire : cassons l’Etat. Cela, c’était la position des anarchistes. En tant que patriote, mon devoir est de m’opposer à mon gouvernement quand il a tort. De même, en tant qu’Européen, je dois affronter les institutions et ne pas rechercher à revenir à l’Etat-nation, ce qui serait absurde et ce qui paverait la voie aux partis comme le Front national ou Aube dorée. Un cauchemar pour les gens de gauche et les humanistes.

Propos recueillis par Pascal Riché

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l'article complet de alternative économique EUROPE Un long calvaire s’annonce pour la Grèce

Michel Husson 02/07/2018

Le troisième « plan de sauvetage » de la Grèce (Memorandum of understanding) va s’achever au mois d’août, même si elle n’est pas encore sortie d’affaire, comme l’a bien montré Jacques Adda. L’accord « final » conclu entre la Grèce et ses créanciers repose au fond sur trois faux-semblants : il voudrait effacer les effets sociaux de près de dix ans d’austérité aveugle ; il s’appuie sur des perspectives économiques incohérentes ; enfin, il instaure une mise en tutelle à durée indéfinie de la Grèce.

Novlangue européenne

L’accord a souvent été accueilli par des commentaires exprimant un soulagement obscène, compte tenu de l’état de délabrement du pays. La palme revient sans doute à Pierre Moscovici, qui n’hésite pas à écrire sur son blog : « Tel Ulysse de retour à Ithaque, la Grèce arrive enfin à destination aujourd’hui, dix ans après le début d’une longue récession. Elle peut enfin souffler, regarder le chemin parcouru et contempler de nouveau l’avenir avec confiance. » C’est le coup de pied de l’âne à un peuple que l’on a délibérément maltraité, et cet étalage d’autosatisfaction a quelque chose d’intolérable. Le commissaire salue les sacrifices du peuple grec qui étaient nécessaires pour éloigner « le plus grand péril de cette odyssée » qui, pour lui, n’était ni la misère, ni le chômage, ni les maladies, ni les suicides, ni les exils, mais ce « monstre appelé Grexit »

Pour le commissaire européen, le plus grand péril n’était ni la misère, ni le chômage, ni les maladies, ni les suicides, ni les exils, mais ce « monstre appelé Grexit »

Le « rapport de conformité » (Compliance Report) de la Commission européenne est lui aussi un long satisfecit qui décrit point par point la bonne mise en œuvre par le gouvernement grec des conditions associées à « l’aide » reçue. Tout au long de ce texte, une insupportable novlangue est de règle. Prenons l’exemple de la santé publique : pour la Commission, « les autorités ont rempli leur engagement de continuer à rationaliser les dépenses globales de santé ». Cette assertion est d’un cynisme effarant, au regard de la situation réelle qui est celle-ci : « le système national de santé grec a été démantelé par l’application d’un ensemble de mesures imposées depuis 2010 par les créanciers de la Grèce dans les secteurs de santé primaire, secondaire et pharmaceutique », comme l’analyse la chercheuse Noëlle Burgi, dans un article très documenté.

Des conditions de vie dantesques

Une enquête menée à Athènes dresse un tableau saisissant des conditions de vie. 43 % des ménages déclarent ne pas avoir les moyens de payer le chauffage de leur logement ; 52 % disent qu’ils ne pourraient faire face à une dépense imprévue de 500 euros, 49 % qu’ils n’ont pas les moyens de partir en vacances. Six personnes interrogées sur dix sont restées au chômage plus de deux ans. 10 % seulement des chômeurs sont indemnisés, à 360 euros par mois.

Toujours à Athènes, la consommation de psychotropes a été multipliée par 35 entre 2010 et 2014, celle des benzodiazépines par 19 et celle des antidépresseurs par 11. Ces dernières données sont tirées d’un article du Monde diplomatique qui résume les résultats d’une étude originale menée sur les eaux usées de la ville.

Comment, dans ces conditions, la Grèce peut-elle « contempler de nouveau l’avenir avec confiance » ?

Déconomie

Si un tel déni est difficilement supportable, les projections économiques accompagnant l’accord sont, elles, proprement hallucinantes. Le document de référence reproduit le même scénario qui a fait long feu depuis 2010. La Grèce est censée maintenir un excédent primaire élevé tout en renouant avec la croissance. L’excédent primaire – soit la différence entre les recettes et les dépenses hors intérêts de la dette – est la variable clé, qui mesure la capacité de la Grèce à honorer ses engagements. En très bon élève, la Grèce a pour l’instant tenu, et au-delà, cet objectif. Il était de 0,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2016, et ce fut 3,9 % ; puis 2 % en 2017, et ce fut 4,2 %.

Pour complaire à ses créanciers, le gouvernement grec a présenté une stratégie budgétaire à moyen terme entérinée par la Commission européenne dans son rapport de conformité. Elle est manifestement délirante : le scénario postule une croissance qui augmente progressivement jusqu’à 2,6 % en 2020 avant de ralentir à 1,9 % en 2022. C’est évidement optimiste, mais c’est surtout totalement déraisonnable quand, en même temps, l’excédent primaire devrait augmenter progressivement de 3,5 % du PIB en 2018 à 4,3 % en 2022.

Le gouvernement grec a présenté une stratégie budgétaire à moyen terme, entérinée par la Commission européenne, manifestement délirante

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Une telle prévision sort complètement des clous et on pourrait lui adresser la formule utilisée par la Cour des comptes européenne dans son rapport sur l’intervention de la Commission dans la crise financière grecque : « La Commission a établi des projections macroéconomiques et budgétaires séparément et ne les a pas intégrées dans un modèle ». Mais croire qu’il pourrait exister un modèle capable d’engendrer une telle trajectoire est une pure fiction. Tous les économistes sérieux savent qu’on ne peut maintenir longtemps un tel excédent primaire, comme le rappelait le Fonds monétaire international (FMI) en 2016 dans son analyse de soutenabilité de la dette grecque : « Un excédent primaire de 3,5 % du PIB est difficile à atteindre et à maintenir à long terme, en particulier après de longues périodes de récession et face à un chômage structurel élevé. »

Impossible reprise

Plutôt que de dépenser son énergie à critiquer les supposées erreurs commises par les auteurs de ces scénarios rocambolesques, il vaut mieux mettre les pieds dans le plat et dire que ces idiots utiles n’en ont au fond rien à faire. Il s’agit d’un habillage technocratique du seul chiffre qui importe, à savoir l’excédent primaire, parce qu’il représente la capacité de la Grèce à payer ses intérêts. Il n’y a que cela qui compte. La contrepartie de cette saignée est la poursuite des réformes structurelles, notamment la baisse des dépenses sociales, en particulier les pensions dans le cas de la Grèce, ainsi que le blocage de tout investissement public.

Cette trajectoire est incompatible avec une reprise de la croissance. Jusqu’à la crise, l’investissement tirait la productivité horaire du travail. Depuis la crise, son volume a été divisé par trois, retrouvant à peine son niveau de 1990 ; et la Grèce est l’un des rares pays européens, peut-être le seul, où la productivité horaire du travail recule, au rythme de 1 point par an. Cette tendance sera d’autant plus difficile à inverser que les forces vives sont parties : environ un tiers de la population de 15 à 29 ans, pour une bonne partie des personnes qualifiées, a quitté le pays. Cette perte de substance va encore aggraver le déséquilibre démographique et l’impact des réformes des retraites, d’autant plus que le nombre de naissances a baissé depuis le crise.

La Grèce est l’un des rares pays européens, peut-être le seul, où la productivité horaire du travail recule

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Le commerce extérieur de la Grèce est aujourd’hui à peu près équilibré. Mais ce résultat n’a pas été atteint par une reprise des exportations qui auraient été dopées par les fameuses « réformes » : c’est l’effet mécanique de la chute des importations pendant la crise. Toute reprise véritable conduirait à nouveau à un déficit en raison de la dépendance de la Grèce notamment en biens d’investissement, et cela dans un contexte où les capitaux étrangers seraient évidemment réticents à financer ce déficit.

C’est en regardant du côté des exportations de la Grèce que l’on peut discerner à quoi le pays est destiné. Ses principales ressources spécifiques sont, en simplifiant un peu, la flotte commerciale (mais les armateurs grecs paient peu d’impôts et les ports seront peu à peu vendus à des groupes chinois ou autres) et le tourisme. Ce dernier est à peu près le seul secteur en expansion et représente en 2016 un quart des exportations et 7,5 % du PIB. Selon le rapport du World Travel & Tourism Council sur la Grèce, les effets induits du tourisme sur l’économie conduisent à une contribution totale de 18,6 % du PIB en 2016. Près d’un quart (23,4 %) de l’emploi total serait lié à l’industrie touristique. La stratégie est donc toute trouvée : continuons à attirer les touristes qui abandonnent les pays à risque, avec des tarifs attractifs.

Une dette insoutenable

Les négociations sur la dette grecque sont au fond une fantasmagorie. Personne ne croit vraiment à la soutenabilité à moyen ou long terme de la dette grecque. Le FMI s’est retiré du jeu parce qu’il n’y croit pas, et même la Commission européenne a émis de discrètes réserves. L’Eurogroupe fait semblant de croire au rétablissement de la soutenabilité de la dette grecque en prétendant que le ratio dette/PIB devrait diminuer progressivement pour passer de 188,6 % en 2018 à 168,9 % en 2020, puis 131,4 % en 2030 et 96,8 %... en 2060.

Mais cela, encore une fois, n’est que de l’habillage pour récuser toute nouvelle annulation de la dette. Le refus des créanciers n’est pas fondé sur la confiance dans la validité de leurs scénarios, mais s’explique par la volonté de discipliner leur débiteur grec. Leur objectif est au fond de se donner les moyens de récupérer un maximum d’argent et de reporter le plus tard possible leurs pertes éventuelles.

Personne ne croit vraiment à la soutenabilité à moyen ou long terme de la dette grecque : les projections sont de l’habillage pour récuser toute nouvelle annulation

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Il suffit pour s’en rendre compte d’examiner l’échéancier qui vient d’être entériné (il est régulièrement compilé par trois journalistes du Wall Street Journal sur la page Greece’s Debt Due). Le profil est aberrant : après un léger retrait en 2018 (8 milliards de dollars), les remboursements bondissent à près de 12 milliards en 2019. Puis, ils baissent à 4 milliards en 2020 et 2021. Les montagnes russes s’enchaînent : un creux un peu après 2040 et puis, brusquement, cela repart comme un feu d’artifice pendant cinq ans (après une petite pause en 2051) jusqu’à l’annulation finale en 2060 !

La Grèce, endettée... jusqu’en 2060 !

Echéancier annuel des remboursements de la dette grecque, en milliards de dollars

Source : Wall Street Journal

Cette trajectoire chaotique s’explique par le traitement différencié des dettes auprès des différents créanciers. Aujourd’hui la dette de la Grèce est de 294 milliards de dollars, qui se répartissent comme l’indique le graphique suivant.

Qui détient la dette grecque ?

Répartition des détenteurs de la dette grecque (en milliards de dollars)

Source : Wall Street Journal

Les Etats et institutions européennes, qui détiennent 80 % de la dette grecque, n’auraient-ils pas pu se concerter, ne serait-ce que pour réduire le « mur » de 2019 où « les besoins bruts de financement s’élèveront à 21 milliards d’euros en principal et en intérêts », comme le souligne la Cour des comptes européenne ? La moitié de ce besoin de financement correspond à la Banque centrale européenne, la même qui refuse de fournir des liquidités en échange de titres de la dette grecque. Une partie des profits réalisés sur les achats de titres grecs par les pays de l’eurozone sera finalement restitué à la Grèce, mais au compte-gouttes (voir cette pétition citoyenne de WeMove.EU). L’accord prévoit néanmoins une réserve de précaution de 15 milliards d’euros (contestée au Parlement allemand), ce qui est un moyen d’admettre que le calendrier n’est pas réaliste.

Tout est donc en place pour que le mécanisme infernal de boule de neige s’enclenche encore : la Grèce devra emprunter de nouveau sur les marchés pour faire face à ses échéances, mais à 3, 4 ou 5 %.

Le secret de Polichinelle

Klaus Regling, le directeur général du mécanisme européen de stabilité (ESM, European Stability Mechanism), tire évidemment un bilan positif de l’action de l’Eurogroupe. Dans un discours prononcé devant l’Hellenic Bank Association, le 12 juin dernier, il commence par « féliciter le peuple grec et ses dirigeants politiques pour cette évolution vers une économie plus moderne ». L’objectif est maintenant que la Grèce ait accès aux marchés après l’achèvement du programme : c’est important pour la Grèce mais aussi, soit dit en passant, pour l’institution qu’il dirige, puisqu’elle en est « le principal créancier ». Et il est vrai que l’agence de notation Standard & Poor’s a annoncé, le 25 juin, qu’elle relevait la note de la dette grecque de B à B+, ce qui n’empêchera pas que la Grèce devra se financer à des taux élevés. On peut en effet se demander qui se risquerait à prêter à la Grèce sans une prime de risque « rassurante ».

La surveillance de la Grèce devra être « plus serrée et plus complète que dans n’importe quel pays », a annoncé Klaus Regling, directeur général du mécanisme européen de stabilité

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Mais Klaus Regling ne dissimule pas un certain pessimisme : « Permettez-moi de dire en même temps que l’accès de la Grèce aux marchés reste fragile. Retrouver la confiance des investisseurs implique de faire preuve d’un engagement total en faveur des réformes, mais même cela pourrait ne pas suffire dans le cas de la Grèce ». Il faudra donc la surveiller, notamment grâce au système d’alerte précoce (early warning system) dont dispose l’ESM, et cette surveillance devra, dans le cas de la Grèce, être « plus serrée et plus complète que dans n’importe quel pays ».

Quelques jours plus tard, il livre le fond de sa pensée dans une interview assez incisive et reproduite sur le site de l’ESM. A la question de savoir si la dette de la Grèce pourrait être déclarée soutenable à long terme, Klaus Regling répond par la négative, suivie d’une formule ampoulée sur le rôle des mesures à moyen terme. Et combien de temps faudra-t-il, lui demande-t-on, pour que la Grèce fasse des réformes pour rassurer les marchés ? Là encore, la réponse en dit long : « La mise en œuvre des réformes est une tâche permanente. Elle n’est jamais achevée. C’est vrai pour tous les pays du monde, pour tous les pays de l’Union européenne, et donc aussi pour la Grèce. Peut-être un peu plus dans le cas de la Grèce, en raison de l’histoire récente de l’économie grecque qui met fin à une période d’ajustement difficile. »

Pas de sortie de crise à l’horizon

Le chef de l’ESM se fait encore plus précis : la surveillance de la Grèce, via l’early warning system « devra durer jusqu’à ce que tout l’argent soit remboursé ». Jusqu’en 2060 ? demande l’interviewer et Regling répond : « Oui. La Commission arrêtera quand 75 % auront été remboursés, mais pas nous. Nous surveillerons jusqu’à l’échéance finale. » Et il y aura même une « surveillance renforcée » avec « une évaluation tous les trois mois » mise en place pendant « un certain nombre d’années ».

La Grèce reste sous tutelle

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La déclaration finale de l’Eurogroupe du 22 juin contient d’ailleurs une clause de revoyure : « L’Eurogroupe examinera à la fin de la période de grâce du FESF, en 2032, si des mesures supplémentaires sont nécessaires. » Cette surveillance sert à vérifier que « les engagements sont honorés et qu’il n’y a pas de retour en arrière sur les réformes importantes qui sont nécessaires pour ramener la Grèce sur un sentier de croissance plus élevé ». Bref, la Grèce reste sous tutelle.

Le simili-accord conclu entre la Grèce et ses créanciers européens a été présenté comme une sortie définitive de la crise. C’est doublement faux. L’accord ne peut pas effacer les dommages systématiquement infligés à la société grecque et dont les effets ne sont pas effacés. Il n’ouvre pas non plus une nouvelle trajectoire pour l’économie grecque. Et ces deux constats ne sont pas sans rapport.

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