Comme un malaise. Des enseignants applaudissant le premier ministre, des syndicats satisfaits. La décision tant retardée d’augmenter de 800 euros l’indemnité des professeurs des écoles aura donc fait passer beaucoup de choses, même celles qui n’auraient jamais dû passer. Comme par exemple la brutale répression exercée sur des lycéens et des étudiants par un gouvernement qui cherche à faire oublier ses méthodes en achetant les enseignants ou leur vote. Pour l’instant, la manœuvre a plutôt réussi si l’on en juge par la faible réactivité – c’est un euphémisme – des milieux éducatifs autour de la violence des pouvoirs publics, une violence protéiforme qui tend à devenir systémique, comme on le voit par exemple, avec la prolongation sans fin de l’état d’urgence.
Dans la foulée, l’inévitable tirade de Valls sur le patriotisme n’a pas davantage fait ciller son auditoire complaisant : « Promouvoir la République, réinventer la Nation,... inventer un nouveau patriotisme, ce n'est possible que grâce à l'école et aux enseignants. » De fait, ces derniers mois, les enseignants n’ont guère fait preuve d’esprit critique devant la lourde reprise en main idéologique exercée par l’Education nationale dans la foulée des attentats de 2015 : à travers la rengaine sur les « valeurs de la république », c’est le patriotisme le plus éculé qui se trouve élevé au rang de morale scolaire, étayée par la participation obligée des élèves aux cérémonies commémoratives, en réalité militaires, le recentrage de l’enseignement de l’histoire sur l’identité nationale, le renforcement de l’éducation à la défense. Le tout avec la collaboration jamais démentie d’une hiérarchie intermédiaire plus soupçonneuse que jamais, prompte à suspecter l’hérésie ou le terrorisme derrière n’importe quel comportement jugé déviant. Avec également, la complicité active ou tacite des enseignants massivement indifférents sur le sujet.
Il ne s’agit pourtant rien de moins que la mise en place, avec une stupéfiante facilité, sans même qu’il soit besoin d’attendre une victoire électorale de l’extrême-droite, d’une société policière et identitaire. Et bien sûr, pour Valls, tout cela « n’est possible que grâce à l’école et aux enseignants. »
L’annonce de cette prime, dans ces conditions, laisse une drôle d’impression.