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"Au lieu de se surveiller, l'éducateur surveille les enfants et c'est leurs fautes qu'il enregistre et non les siennes." (J. Korczak)

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Billet de blog 9 septembre 2025

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Sept ministres en deux ans et demi : une occasion à saisir pour l’Ecole

Dans quelques jours, un.e septième ministre de l’Éducation nationale depuis deux ans et demi. Une situation ubuesque qui remet en question la capacité du nouveau ministre à tenir sa place, sa légitimité également et, inévitablement, qui interroge sur la nature du service public d’éducation et sa relation avec le pouvoir politique.

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« Dans quelques jours, un sixième ministre de l’Éducation nationale depuis deux ans. Une situation ubuesque qui remet en question la capacité du nouveau ministre à tenir sa place, sa légitimité également et, inévitablement, qui interroge sur la nature du service public d’éducation et sa relation avec le pouvoir politique. » Pas grand-chose à changer dans cette note de blog en date du 5 décembre dernier, sinon qu’on en arrive aujourd’hui au septième, à l’espérance de vie limitée, dictée par le calendrier politique qui impose ses contraintes et ses absurdités au calendrier de l’éducation. Que le temps scolaire, un temps long, ne soit pas le temps politique est une évidence dont les politicien.nes ne semblent pourtant pas avoir pris conscience ou, plus sûrement, qu’ils ne font pas rentrer dans le temps court de leur plan de carrière. Temps très court même, comme l’a illustré le désastreux passage d’Attal à la tête de l’Éducation nationale : cinq mois qui auront suffi à un politicien sans scrupules mais dévoré d’ambitions pour annoncer à grand fracas des mesures ni pensées ni concertées, aux effets à long terme potentiellement désastreux, comme la mise en place des classes de niveau en collège ou d’un examen d’entrée en lycée. Ou encore les traditionnels gadgets (l’uniforme scolaire…) qui font toujours leur effet auprès d’un certain électorat.

Même si le principe de continuité est censé continuer à s’appliquer par l’intermédiaire des cadres administratifs, l’école ne s’en trouve pas moins fragilisée par sa dépendance à un fonctionnement autoritaire, centralisé et pyramidal qui la place en première ligne et qui lui fait ressentir encore plus durement les effets d’un pilotage gouverné par les fameuses « priorités » claironnées par le/la ministre : aujourd’hui, les réformes éducatives sont d’abord des annonces dont, d’ailleurs, on se garde bien de faire le bilan.

Les personnels de l’éducation, infantilisés par cette pratique qui, à l’éducation nationale, tend à devenir la routine, sont une fois de plus dans l’attente d’un.e ministre, des inévitables annonces qui suivront sa nomination, des circulaires qui baliseront ses « priorités », d’une politique qu’ils n’auront plus qu’à appliquer docilement, passé le stade des protestations platoniques.

Dans ces conditions, faut-il continuer à attendre indéfiniment un projet, un programme sorti clés en main d’un état-major politique, qui trouveraient miraculeusement leur traduction sur le terrain ? « Ou plutôt, changer d’échelle et de logique en prenant comme point de départ non pas des circulaires ministérielles aussi inconstantes que les ministres en titre mais les initiatives venues de la base, des établissements ? […] En réponse à un mode de gouvernance toujours arbitraire et qui réduit les personnels au rôle de simples exécutants – une tendance qui s’est singulièrement aggravée depuis Blanquer – laisser aux établissements une réelle liberté pédagogique définie par un projet collectivement débattu pourrait rendre plus légitime, plus juste et plus efficace un système éducatif que rend malade sa dépendance aux caprices du politique. » Dans cette note de blog écrite il y a un an, j’évoquais quelques pistes – dont je ne suis pas l’inventeur et d’ailleurs localement mises en œuvre – qui pourraient mettre l’école à l’abri des aléas électoraux, exigence pleinement justifiée quand le système politique, s’écartant des principes démocratiques, vire à l’autoritarisme.

« Remettre en cause le carcan des programmes officiels, le contrôle effréné des savoirs et des compétences par des évaluations nationales biaisées, envahissantes et qui tournent à vide, la surveillance infantilisante, tatillonne voire punitive du corps d’inspection et de l’administration, la prétention à imposer par le haut une morale civique officielle : mieux qu’une hypothétique "autonomie des établissements", vieux serpent de mer de la droite qui vise en réalité, en mettant les enseignants sous la coupe d’un petit chef, à renforcer le pouvoir de l’administration centrale, une forme d’autogestion pédagogique pourrait au contraire contribuer à faire advenir un véritable service public d’éducation délivré  de la tutelle étouffante et inconséquente de l’Éducation nationale... et libéré de la menace de l'extrême-droite. »

De fait, aujourd’hui, dans une conjoncture désespérément populiste où les partis font assaut de pusillanimité et d’irresponsabilité, où la plupart des médias, par conviction ou par suivisme, font leur audience en popularisant les idées les moins fondées, où les faits divers, surtout lorsqu’ils concernent les jeunes et l’école – des plus anodins aux plus scabreux – sont considérés comme faits de société, l’arrivée au pouvoir d’une extrême-droite dédiabolisée mais pourtant toujours aussi diabolique est rentrée dans l’ordre du vraisemblable. Et l’on sait déjà que l’école sera sa première victime tant les mesures symboliques (uniforme, Marseillaise, promotion des « bonnes vieilles méthodes » et des « grands hommes qui ont fait la France » etc) ou brutalement sélectives (examens) sont plus faciles à mettre en œuvre qu’une politique éducative visant à la justice sociale et à l’émancipation.

Faut-il alors vraiment attendre avec fatalisme le nom du/de la futur.e ministre ? A l’école comme ailleurs, s’il est vain d’espérer un changement de régime politique dont on doute qu’il advienne du moins à brève échéance, il n’est pas non plus nécessaire de prendre le pouvoir : il suffit, au quotidien, d’exercer ses responsabilités. Une sorte de révolution non-violente qui porte sur son lieu de travail, sur son lieu de vie. A bien y regarder, une rentrée scolaire sans ministre ouvre un champ infini des possibles.

Dans un registre voisin, sur ce blog : La république contre l'école : école et extrême-droite, un terreau favorable

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