Comme c’était attendu, le meurtre d’une surveillante à Nogent déchaîne les réflexes punitifs les plus primaires d’une droite bétharramisée, éructant, comme Max Brisson sur C News, sa phobie d’une école du « chaos » qui aurait abandonné toute exigence de respect et d’autorité. Comme, même avec beaucoup de bonne volonté, il n’est manifestement pas possible d’argumenter avec ce parlementaire qui passe pour le spécialiste éducation de LR, je remonte cette note de blog initialement mise en ligne il y a un peu plus d’un an (30/04/2024) : un détour par les annales du collège de La Flèche (1771-1776) fera sentir, plus qu’un long discours, outre l’absence rédhibitoire de culture historique, le pathétique des jérémiades rituelles qui s’expriment sans retenue à travers les médias.
Des élèves de plus en plus violents ? Une « explosion » des violences scolaires ? Comme toujours en la matière, l’instrumentalisation politique d’un petit nombre de faits divers, complaisamment entretenue par des médias (tout autant irresponsables que les réseaux sociaux) qu’aucun scrupule déontologique ne retient, réussit à donner à une opinion publique peu exigeante une image caricaturale, quasi apocalyptique, d’une école en proie à une jeunesse que plus rien ne retiendrait, une jeunesse prédélinquante (Attal), en voie d’ « ensauvagement ». De façon significative, cette rhétorique catastrophiste se réfère plus ou moins implicitement à un ordre scolaire fantasmé, reconstruit à partir de l’image d’un passé idyllique qu’il suffirait de restaurer, une image pourtant démentie par la quasi-totalité des témoignages directs laissés par l’école des siècles passés.
Un exemple parmi d’autres, est fourni par le remarquable Journal de Stanislas Dupont de La Motte, inspecteur au collège de La Flèche (1771-1776), Journal publié par les Presses universitaires de Rennes (1). Entre ces deux dates, cet ancien collège jésuite (les Jésuites sont expulsés de France en 1764), vit sous le statut d’école militaire préparatoire à l’École militaire de Paris créée par Louis XV en 1751. Elle accueille 250 élèves – des garçons exclusivement – âgés de 8 à 14 ans issus des rangs d’une noblesse théoriquement peu fortunée et d’ailleurs pas tous destinés à la carrière militaire. En tant qu’inspecteur, Stanislas Dupont de La Motte est en réalité le directeur administratif de l’établissement. Très attentif au quotidien des élèves auprès desquels il vit, il laisse un témoignage qui offre une large place aux problèmes récurrents de discipline, dans une perspective qui, deux siècles et demi plus tard, met à mal les certitudes et les poncifs sur les bonnes vieilles méthodes d'un passé, où, paraît-il, chacun savait se tenir à sa place...
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