B. Girard (avatar)

B. Girard

"Au lieu de se surveiller, l'éducateur surveille les enfants et c'est leurs fautes qu'il enregistre et non les siennes." (J. Korczak)

Abonné·e de Mediapart

359 Billets

0 Édition

Billet de blog 24 octobre 2025

B. Girard (avatar)

B. Girard

"Au lieu de se surveiller, l'éducateur surveille les enfants et c'est leurs fautes qu'il enregistre et non les siennes." (J. Korczak)

Abonné·e de Mediapart

Le Canon français à la Grange de Meslay : détournement de patrimoine

La grange de Meslay, lieu saint de la musique pour piano, convertie l’espace d’un week-end en repaire de la soûlographie franchouillarde ? Effectivement, c’est sur ce site patrimonial, que le Canon français, organisateur de ripailles identitaires, lié au milliardaire d’extrême-droite Pierre-Edouard Stérin, a jeté son dévolu pour y tenir banquet le week-end des 25-26 octobre.

B. Girard (avatar)

B. Girard

"Au lieu de se surveiller, l'éducateur surveille les enfants et c'est leurs fautes qu'il enregistre et non les siennes." (J. Korczak)

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La grange de Meslay, lieu saint de la musique pour piano, convertie l’espace d’un week-end en repaire de la soûlographie franchouillarde ? Effectivement, c’est sur cette ancienne grange dîmière dépendant de l’abbaye de Marmoutier à côté de Tours, que le Canon français, organisateur de ripailles identitaires, lié au milliardaire d’extrême-droite Pierre-Edouard Stérin, a jeté son dévolu pour y tenir banquet le week-end des 25-26 octobre. En règle générale, l’opposition et les réticences qu’il suscite – d’ailleurs singulièrement discrètes dans le cas présent (1) – doivent s’incliner devant le choix de propriétaires privés tout heureux de bénéficier de la manne non négligeable versée par le richissime organisateur pour la réservation de lieux souvent choisis pour leur dimension patrimoniale. Ce qui n’est pas fortuit…

Illustration 1

De fait, la grange de Meslay, outre sa valeur historique et architecturale, est intimement liée au monde de la musique depuis qu’en 1964, le pianiste alors soviétique Sviatoslav Richter y avait déposé pour la première fois ses partitions avant d’y revenir très régulièrement jusqu’à sa mort, créateur d’un festival honoré jusqu’à nos jours par la participation jamais démentie de tous les pianistes, venus du monde entier, qui ont laissé ou laisseront un nom dans l’histoire de cet instrument. Et chaque année, au début de l’été, les mélomanes se rendent comme en pèlerinage sous la charpente d’une grange devenue au fil des années comme un lieu de mémoire d’une musique éternelle et universelle.

Et c’est précisément ce symbole qu’investit, l’espace d’un week-end, un promoteur et un public dont les préoccupations et les valeurs sont manifestement très éloignées des canons non spécifiquement français d’une harmonie universelle chère aux musiciens. Si cette occupation indue d’un espace aussi spécifique peut paraître anecdotique aux yeux du profane ou de l’observateur distrait, il faut néanmoins comprendre qu’elle n’est pas un fait isolé, s’inscrivant dans un objectif clairement assumé par son fondateur de « victoire idéologique, électorale et politique », celle d’une mouvance d’essence identitaire, de l’extrême-droite. Un objectif qui apparaît aujourd’hui d’autant plus à sa portée qu’il est soutenu par les inépuisables réserves de quelques milliardaires dont la fortune mise au service de l’extrême-droite fausse le jeu démocratique.

A la grange de Meslay comme ailleurs, dans tous ces lieux historiques ciblés par le Canon français pour ses beuveries nationales, c’est l’argent promis au propriétaire privé qui rend possible le détournement d’un site patrimonial en site patriotique dans un mélange des genres qui est tout un symbole : à la grange de Meslay, certes propriété privée, c’est d’une certaine façon le domaine public compris dans une acception civique, culturelle, plus large qu’étroitement juridique, qui se trouve investi par une mouvance d’extrême-droite, contribuant à banaliser toujours plus une idéologie nauséabonde déjà largement popularisée par l’effet d’une concentration inédite de médias (télés, radio, presse écrite, maison d’édition) aux mains d’un autre milliardaire d’extrême-droite, Bolloré. La démocratie menacée par les milliardaires ? Mais de quelle démocratie s’agit-il ? Sans sa fortune, Trump serait-il président des USA ? En France, sans la propagande martelée jours et nuits par les médias Bolloré dans des millions de foyers – qui certes ne sont pas forcés de s’y connecter – quelle place l’extrême-droite occuperait-elle dans l’électorat ? Le financement (présumé…) d’une campagne électorale par un état terroriste montre jusqu’à l’absurde le dévoiement d’un système politique dans lequel la démocratie se réduit, une fois tous les cinq ans, à confier son destin à un personnage qu’on n’a pas choisi ou choisi par défaut, mis sur le marché en dehors de toute régulation qui pourrait garantir un minimum de légitimité.

Le Canon français à la grange de Meslay : une aberration qui dépasse largement le petit monde du piano.

Précisons, pour éviter toute confusion, que la présente note de blog ne vise pas les responsables du Festival de la Grange de Meslay qui ne sont pas propriétaires du lieu, pas davantage que son directeur artistique René Martin mis en cause ces derniers mois pour tout autre chose.

(1) Le maire de Parçay-Meslay affirmant même que « les idées de P.-E. Stérin ne le dérangent pas »…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.