Excusez-moi d'aller à l'encontre du slogan que l'on entend un peu partout et qui va même figurer sur des tee-shirts (perdent pas de temps ceux qui voient le profit en tout événement!) mais je pense qu'il s'agit d'une réaction épidermique qui se justifie seulement sous le coup de l'émotion suscitée par l'horrible massacre de 12 personnes.
Après, il faut réfléchir. Ce slogan est maladroit car il reste provocateur dans son essence et, tous les spécialistes le diront - certains l'ont déjà d'ailleurs exprimé ce matin à la radio - répondre par la provocation à la colère c'est augmenter cette colère.
Je suis très fortement attachée, comme tout le monde, à la liberté d'expression et à la liberté tout court. J'estime cependant qu'il y a parfois des limites à ne pas dépasser dans certaines circonstances. Dire "je suis Charlie", c'est jeter de l'huile sur le feu, c'est aussi sous-estimer l'importance de "l'ennemi" et sur-estimer celle de "l'ami".
Hier, on a vu dans les écoles que certains adolescents ont refusé la minute de silence imposée par le Gouvernement. D'autres ont pleuré. Au passage, je tiens à dire tout mon soutien et mon admiration aux enseignants à qui on demande chaque jour de plus en plus de responsabilités, à qui on rend chaque jour le travail de plus en plus difficile. C'est la même chose chez les soignants d'ailleurs et dans un peu tous les domaines d'activité. Ce que je veux dire est que les réactions de ces hommes et femmes en herbe demandent aussi de l'attention, de la compréhension. Nous vivons une période historique bien trop "chaude" en ce moment, pas uniquement d'ailleurs sur le plan d'une remise en question de la liberté d'expression, pour se permettre des négligences ou des maladresses.
Ceci dit, j'apprécie Charlie-Hebdo pour le soutien qu'il apporte à la cause animale, je ne l'appréciais pas pour ses dessins trop "forts" en matière de religion. Il y a quelques années, lorsque j'ai vu le "fameux" dessin qui a précédé les attaques et les menaces dont l'hebdo a été victime, je me suis dit immédiatement : "Là, ils vont trop loin" et je ne présageais rien de bon pour eux.
Lorsque nous nommons "bêtise" ce qui pour d'autres est une raison de vivre, voire de mourir, nous devons savoir mesurer cette distance et toutes les implications qu'elle entraîne avant de vouloir combattre. Nous aurions dû savoir.
On ne peut pas rire de tout à tout moment et en toute circonstance.