"Ne sacrifie pas aux idoles", c'est ce que dit André Gide dans son roman Les Nourritures terrestres.
Je n'aurais pourtant pas besoin de le citer, tellement l'Histoire nous a prouvé qu'il est terriblement dangereux et criminel de se fier sans aucun recul, sans aucun esprit critique, sans aucun discernement, sans aucune réflexion, à toute nouveauté "révolutionnaire", qui va transformer, bouleverser radicalement notre façon de vivre.
C'est ce qu'il se passe en ce moment, à lire les journaux ou à écouter les radios, nous serions à l'aube d'une ère fantastique, merveilleuse, qui va régler tous les problèmes, dans tous les domaines, grâce aux pouvoirs des connexions, grâce à la révolution numérique et aux petits robots aux capacités transcendantes!
L'enthousiasme brusque et démesuré dont font preuve politiques, journalistes et artistes (chorégraphes, metteurs en scène, musiciens) en cette fin d'année vis-à-vis des avancées technologiques en matière de "numérique" me semble participer d'une pathologie plus vaste et en même temps plus secrète.
Je ne cherche pas à nier les progrès considérables que cette "révolution" peut apporter à l'humanité mais je constate malheureusement que les rapporteurs publics oublient totalement d'en signaler les défauts, les incohérences et les inachèvements qui, inévitablement, engendrent plus de catastrophes que de bienfaits. Mais ça, vaut mieux pas en parler, c'est sûr, puisque c'est encore le règne du profit et de l'argent-roi qui gouverne le monde (plus pour très longtemps) et que, en cette matière, l'investissement est vivement encouragé, propagande adaptée à l'appui.
Untel à la radio France-Info vient de dire que nous aurons tous une petite puce sous la peau un jour et que c'est "normal". Dans la Tribune du 19 décembre, P. Mabille parle dans son éditorial d'une "formidable opportunité" et dit qu'il convient de "prendre la vague avec audace et enthousiasme" et qu'il faut même "accélérer"! L'accélération est d'ailleurs le maître-mot de la série d'articles qui suivent, sans aucune mise en question, aucune ouverture, aucune critique. Dans le Courrier International, ce sont les mêmes propos dithyrambiques. Y'a pire : comme il faudra de toutes façons faire avec, ce sont les humains qui devront changer et s'adapter aux robots, aux puces et aux autres objets du même type. Un exemple frappant est celui du robot Paro, bébé phoque, utilisé au Japon pour les personnes âgées et dont le travail consiste à donner de l'amour...
Dans la tête de ces gens-là, doit y avoir beaucoup de vide pour en arriver à décréter des choses pareilles!