L'autre jour nous avons fait un petit calcul avec mes étudiants en licence à Infocom à Nantes. Je voulais savoir combien d'heures ils consommaient de films, de sons et d'images par jour ?
Sur l 'ensemble des 15 présents, nous avons tenté de définir une sorte de moyenne de consommation tous médias confondus. Chacun a tenté en toute honnêté de donner un chiffre, le plus juste possible. Entre les uns et les autres, la moyenne tournait autour de 3 heures par jour. Ceci quelques soient les jours de la semaine (un peu moins le dimanche peut être).
Ensemble nous avons donc multipliés cette moyenne, par le nombre de jours dans l'année. Nous avons obtenu un premier chiffre de 1095 heures d'images et de sons par an. Puis nous avons divisé ce temps de consommation, en jours de 12 heures afin d obtenir ce nouveau chiffre ! Mes étudiants consommaient en moyenne : 91 jours de 12 heures d'image, de sons continus chaque année ! 91 jours par an, soit plus plus d'un quart de l'année à consommer des médias ? A l'échelle d'une vie d'homme de 100 ans, cela fait 25 ans de "temps médias".
Alors, j'ai posé la question à mes étudiants : sur l'ensemble de l'année combien de temps passez vous à critiquer ces images, ces sons, à les analyser ?
Les réponses ont varié, mais mes étudiants semblaient étonnés par ma question. "Quelques dizaines d'heures par an peut être"... En fait vous ingurgitez des centaines d'heures par an, mais vous ne savez pas bien ce que vous en avez pensé ? Non c'est vrai m'ont ils répondu, un film remplace un autre film, une information est suivie par une autre information, c'est un flot continu.
Silence dubitatif.
Bientôt dans nos sociétés de consommation "le temps média" dépassera le temps de sommeil ! Tablette, Ipad, portable à tout moment, comme des prothèses indispensables, des prolongation du corps. Cette consommation augmente chez les plus jeunes de manière exponentielle, provoquant l'inquiétude de très nombreux parents. Mais pourtant rien ne se passe de profond en terme de pédagogie et de critique des médias. Ou si peu de chose. Nous apprenons dans nos études à comprendre, à critiquer les livres... Pourquoi n'apprenons nous pas à critiquer les médias ? Nous apprenons à écrire, mais nous n'apprenons pas regarder à écouter ou à filmer, ou si peu. Et pourtant le temps de lecture des médias a dépassé pour beaucoup de jeunes aujourd'hui et depuis bien longtemps, le temps de lecture des livres. Nous sommes assaillis d'images et de sons mais nous n'apprenons jamais à les décrypter. C'est étrange tout de même ?
Et si dans les établissements scolaires, les universités on essayait de changer nos pratiques ? Qui aurait intérêt à cela ? Si on se décidait de fabriquer des images, de l'information, des films qui nous permettent de nous mettre à distance ? Qui intérêt à cela ?Et si on apprenait a filmer comme apprend à écrire ?
A vrai dire à regarder le visage totalement absorbé des enfants devant les films, la télévision, l'ordinateur, on comprend que cette aimantation est bien loin de finir et que ce besoin d'histoires, de nouveautés, de sollicitations perpetuelles est inépuisable. Qu'il s'agit d'une drogue dure inocculée à nos enfants dès les premières années.
Et si l'on appuyait sur le bouton pause ?
Et si on l'on tentait dans les universités de comprendre comment fonctionne le journal du 20 heures ?
Prenons le journal de David Pujadas par exemple ? Est il de droite de gauche ? Est il exactement le même que celui de TF1 ? Qu'est ce qui varie entre ces deux journaux ? Est il de la couleur du gouvernement au pouvoir ? Qui filtre l'information ? Pour quelle raison est elle filtrée ? Par qui ? Qui nous aide à la comprendre ? Qui la déforme et pour quelles raisons ?
Et si pour une fois, on laissait parler autre chose que les médias meanstream afin de comprendre comment sont construits ces journaux suivis par 5 millions de spectateurs ? Souvent dans la construction de ces journaux 4 ou 5 ingrédients principaux participent à son architetcture : Emotion, sensationnalisme, peur, besoin de sécurité et de réponses. Dans un journal de 20 heure, on trouve très peu d'analyse. Dans les journaux, on parle des conséquences des violences du monde, rarement de leurs causes.
En fait dans de nombreux médias, c'est l'idée de penser par soi même qui est combattue à la racine.
Et si on décidait de construire nos images, notre vision du monde plutôt que de consommer celles des autres ? Certains s'y essaient, ils sont trop peu. Ils sont si rares, qu'ils sont comme comme des Don quichotte, armés d'une lance rabougrie, d'un malheureux bouclier, juché sur un cheval à bout de course. Ils sont si rares et courageux en face de milliers et de milliers de moulins à mensonges. Ils sont si magnifiques !
Merci à usul pour son film très récent, sur le fonctionnement du 20 heures de Pujadas.
La vie est une farce. Soyons des Don quichotte !
https://www.youtube.com/watch?v=OWCqcRI7qCs