Dans une décision sans concertation extrêmement lourde de conséquences, la présidente de la région de Pays de la Loire, Christelle Morançais, a décidé de retirer 100 millions d'euros sur le budget de la culture et des associations sportives et culturelles. Cette mesure budgétaire va bien au delà des préconisations de l’état qui s'élevaient elles à 38 millions d'euros.
Alors que le monde associatif est en tension depuis des années, qu’il est devenu le pilier d'une société fracturée de toutes parts, voila que la région s’attaque aux gaspillages publics en semblant désigner du doigt les premiers responsables.
Tous les festivals de la région, les structures culturelles, les Pôles du cinéma, des musiques actuelles, des spectacles vivants, du patrimoine, du livre, sont vent debout contre une telle mesure qu'aucune région n'a encore osé mettre en place en France. C'est assez logique, cette annonce est une déclaration de guerre.
Pour beaucoup de structures comme la plateforme (Pôle Cinéma et Audiovisuel en Pays de la Loire), cela se traduira par 50% de baisse de budget en 2025 et un désengagement total de la région en 2026 et donc à terme un risque de fermeture. Dans le même ordre d'idée la région supprimerait les missions locales qui accompagnent depuis des années les jeunes de moins de 25 ans les plus éloignés de l'emploi, une partie des aides sur l'égalité hommes femmes et sur les solidarités.
Pour les acteurs du secteur culturel, c'est une casse sociale sans précédent : libraires, artistes, réalisateurs, comédiens, régisseurs, graphistes, musiciens, organisateurs de manifestations, métiers du tourisme de l'hôtellerie et de la bouche, tous vont payer le poids fort pour cette décision insensée. En emplois directs ou intermittents, ce sont près de 160 000 emplois qui sont menacés.
Comment des responsables politiques qui ont accompagné des politiques culturelles pendant des années, peuvent-ils faire table rase de tout ce qui a été accompli avant eux ? Quelles discussions ? Quelles concertations ? Quels arbitrages ? En choisissant d'autorité de faire disparaître ce qui est essentiel au vivre ensemble, ces responsables politiques nourrissent les conditions d’une colère irréconciliable.
Les collectivités territoriales sont elles responsables de la gestion calamiteuse de l'état ces dernières années ? Ont elles à payer les conséquences de leurs inconséquences ? Qui doit prendre en charge la culture ?
L'annonce de Christelle de Morançais envoyée aux acteurs du territoire avant le vote du 19 décembre 2024, a surpris tout le monde par sa brutalité et sa violence. Sans argent pour la culture, plus de film tourné en région, plus de théâtre, plus de scène nationale, plus de conservatoire, plus de dispositif pour les collégiens et les lycéens. Les étudiants en stages ou en alternance dans le secteur culturel auront plus difficulté à trouver des entreprises forcément plus frileuses à recruter et les familles sans doute hésiter a y envoyer leurs enfants. Sans argent pour la culture, plus de festivals, plus de folles journées (100 000 spectateurs), de festival Premiers Plans (85 000 spectateurs), plus de festival des 3 continents (25 000 spectateurs), de Festival International du Film de la Roche-sur-Yon (30 000 spectateurs), plus de Nouveau Théâtre Populaire (12 000 spectateurs) plus de Festival du chaînon manquant (17 000 festivaliers)... Dans son bilan des festivals 2024, le pôle des musiques actuelles dénombrait 44 festivals de musiques et d'humour rien qu'en région Pays de la Loire, pour une fréquentation moyenne de 78% de la jauge maximale.
Une région, sans culture, quel joli programme !
La culture et l'associatif c'est tout un écosystème fragile, qu'il faudra des années pour reconstruire s'il est mis à mal. Il n'est pas impossible que ces 100 millions d'économies soient largement perdus pour tous ceux qui vivent du tourisme et des activités culturelles et au final pour la région. La culture est sous-estimée dans son apport à l'économie globale. Mais de très nombreux rapports récents de différents ministères le répètent en boucle un euro investit dans la culture c'est 3 à 6 euros de retombées économiques pour un territoire. Selon un rapport de l'Insee de 2021 , la culture et le sport, c'est 100 milliards d'euros dépensé par les français, 2% du PIB ! Plus que l’ensemble de l’industrie agroalimentaire française.
Quel type de signal espérez vous donner Madame la présidente, aux habitants de votre région, à leurs enfants ? Que l'on peut vivre sans culture ?
La culture et l’associatif, c'est précisément ce qui fait la fierté et la vitalité d’une société. C’est l’accès à un univers nouveau, une manière de s’ouvrir l’esprit, d’aller à la rencontre d'autres mondes, d’autres cultures.
Ce qu'il ne faut pas lâcher en temps de crise, c'est précisément les valeurs de liens que les manifestations culturelles véhiculent en provoquant les rencontres, la solidarité, l'entraide, le rêve, l'espoir, le rire, la pensée, la découverte de la complexité, du différent, du commun. Permettre l’accès à la culture pour tous, c’est créer les conditions d’une société qui se questionne et qui n'a pas peur ni de la rencontre ni de l'autre.
La Culture, c'est ce qui fait notre identité profonde. Pour beaucoup, c'est une raison de vivre et d'espérer encore.
Je lis les commentaires sous les tweets du profil de Christelle de Morançais et je suis choqué par la violence de certains propos et par l'extrême polarisation des débats droite/gauche, qui sont pour moi d’une pauvreté absolue. La culture est-elle vraiment l'apanage de la gauche ?
Je cite quelques uns des ces commentaires :
« Les intermittents du spectacle, les professionnels du cinéma ou/et du théâtre vivent sur le dos de la société, et en crachant souvent sur elle ».
« Un artiste de génie n'a pas besoin d'argent public pour être un génie … ».
« Tiens les gauchos montent sur leurs grands chevaux ( ça rime !!!!! )».
« Bravo. Secteur qui mérite un coup de pied dans la fourmilière, tant 20% des acteurs "pompent" 80% des crédits».
« Je pense que le mécenat doit être une partie de la réponse et non l’argent public».
« C'est un éternel entre soi politico-culturel qui mérite d'être bousculé».
« Bien sûr qu'il est nécessaire d'assurer un suivi des "subventions" ..... et bien entendu de sélectionner les bons ( associations non politisées de préférence ) n'en déplaise aux gauchos qui profitent du système ».
« Evidemment qu'il y a des assos qui profitent des subventions pour propager une idéologie néfaste ».
« L'argent public, ce sont les contribuables. Il convient de gérer cet argent en "bon père de famille" ou plutôt en "bonne mère de famille" ».
S'attaquer à la culture en détruisant ses institutions, c'est remettre en cause cinquante années de décentralisation culturelle. C'est effacer un système vertueux de compétences partagées et de financements croisés entre publics et privés. C'est nier l'existence même d'un modèle économique qui a produit une exception culturelle à la française que tous les pays nous envient et qui fait de la France la toute première destination touristique du monde. Mais pour combien de temps encore ? On comptait 77,5 millions de visiteurs en France en 2024 et 63,5 milliards d'euros de recettes touristiques (Chiffres atout france).
Sans la culture, ce monde cruel, dangereusement identitaire, au bord du gouffre, dans lequel nous vivons, n'a plus de sens ni de boussole. Sans la culture, vous risquez de précipiter le repli sur soi et la haine de l’autre. Sans culture subventionnée, vous laissez l'économie décider de tout, de ce qui est bon ou mauvais à lire, à voir ou à entendre. Vous préférez peut être que quelques milliardaires soient à la manœuvre sur le secteur ? Que la culture soit entièrement privatisée ? Il y a en effet quelques pointures qui nous ont bien montré qu’ils y étaient rompus à l’exercice, ils sont déjà en poste.
Winston Churchill était premier ministre d'un pays en guerre l'Angleterre, lorsqu'on lui a proposé de couper dans le budget de la culture pour financer l'effort de guerre contre l'Allemagne. Il a eu cette réponse magnifique qui devrait éclairer la pensée de quelques uns de nos élus : « Si ce n’est pour la culture, pourquoi nous battons-nous alors ? ».
Il faut que le public des festivals, des théâtres, des concerts, réagisse en manifestant son désaccord massivement auprès de la Région des Pays de la Loire, pour empêcher ce saccage annoncé.
Allez Messieurs et Mesdames les conseillers généraux des Pays de la Loire, un peu de courage politique. Si vous allez au théâtre au concert, en festival, ne laissez pas mettre à sac des années de batailles magnifiques de tous les acteurs culturels et associatifs, région compris.
Par votre vote Messieurs et Mesdames les conseillers régionaux, vous risquez de marquer l'histoire ligérienne d'une plaie irréparable, qui la désignera comme la pire des régions de France, celle où il est préférable de ne jamais aller...
Un rassemblement de 3000 professionnels a eu lieu ce lundi 25 novembre au matin devant l'hôtel de région à Nantes.
Le budget de la région des Pays de la Loire 2025, sera voté le 19 Décembre 2024.
Une pétition vient d'être mise en ligne vendredi 22 Novembre, ils étaient 1000 professionnels issus du monde de la culture à l'avoir signée, et près de 100 000, 10 jours plus tard.