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Billet de blog 16 oct. 2017

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Contre la culture du viol, veillons à ce que notre justice soit exemplaire!

Notre loi et notre système législatif permettent-ils de répondre efficacement aux actes de viol et d’agression sexuelle ? N’est-il pas nécessaire de réaffirmer la primauté de l’idée de « consentement » ? Est-elle seulement correctement définie dans la loi ? Enfin, comment soutenir et venir en aide aux personnes violentées sexuellement ?

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J’ai été alertée par deux évènements récents qui me semblent interroger la manière dont vous voyons et traitons en France la question du viol et des agressions sexuelles.

D’abord, selon des faits rapportés par Mediapart, le procès d’un homme de 28 ans qui a fait l’objet d’une plainte pour viol par la famille de la victime, une jeune fille de 11 ans, et qui sur décision du parquet n’est pourtant poursuivi que pour « atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans ». Cette qualification – contrairement à celle de viol – revient à dire, que le rapport sexuel est consenti. Ensuite, les réactions autour de l’intervention de Sandrine Rousseau sur le plateau d’On est pas couché à propos de son agression et de son combat contre les violences sexuelles, racontés dans son livre, Parler.

Plusieurs questions me viennent à l’évocation des ces deux situations : Notre loi et notre système législatif permettent-ils de répondre efficacement aux actes de viol et d’agression sexuelle ? N’est-il pas nécessaire de réaffirmer la primauté de l’idée de « consentement » ? Est-elle seulement correctement définie dans la loi ? Enfin, comment soutenir et venir en aide aux personnes violentées sexuellement ?

L’agression de Sandrine Rousseau, comme celle du viol de la jeune-fille de 11 ans, mettent en lumière les manquements de notre justice. La plainte de Sandrine Rousseau a été classée sans suite pour cause de prescription. Alors que le tribunal a reconnu des « déclarations mesurées » et « corroborées », on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de ces délais (3 ans pour une agression sexuelle dans le cas d’une agression sexuelle sur une victime majeure), alors même que les femmes peinent tant à porter plainte, dans une société marquée par l’impunité des agresseurs et par la remise en cause de la parole des victimes. Notre loi et notre système législatif ne permettent donc pas de répondre correctement aux actes criminels de viol et d’agressions sexuelles. C’est d’autant plus vrai quand une enfant de 11 ans peut encore être déclarée consentante, face aux agissements d’un homme de 28 ans, au mépris de sa parole. Le fait que cet acte ne soit de surcroit pas isolé — l’article de Mediapart relaie d’autres affaires comme celle, par exemple, exposée par Emmanuelle Piet, présidente du collectif féministe contre le viol : « Une fille violée par son papa à 6 ans a été jugée consentante. Il n’a pris qu’un an avec sursis. Deux ans après, il l’a tuée. Mais pour l’instant, en France, après 4 ans et demi, on considère qu’un enfant est a priori consentant. » — doit d’autant plus nous interpeler.

La notion de consentement, présente dans notre loi, est de toute évidence indispensable dans l’appréciation de faits de violences sexuelles. En 2011, la convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe prévoyait ainsi de pénaliser toutes les relations sexuelles non consenties. En droit français, le viol ou l’agression sexuelle sont des actes exercés par « violence, contrainte, menace ou surprise », c’est à dire en l’absence du consentement de la personne agressée. Encore faut-il que cette idée de consentement soit correctement caractérisée et appliquée. Comme l’a très bien dit Sandrine Rousseau, en France on estime que les femmes sont a priori consentantes et que c’est à elles de faire la preuve qu’elles ne l’étaient pas. Notre regard, et en premier lieu celui des tribunaux, sur les violences sexuelles doit changer. Comme le rappelle l’article de Mediapart, la plupart des législations occidentales ont pourtant adopté une « présomption irréfragable d’absence de consentement du mineur victime d’actes sexuels » : 14 ans en Allemagne, Belgique, Autriche ; 16 ans pour l’Angleterre et la Suisse, 12 ans en Espagne et aux États-Unis. Cela signifie qu’avant que cet âge soit atteint, il ne peut y avoir consentement. A la suite du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, et des sénatrices Laurence Rossignol et Laurence Cohen qui souhaitent toutes deux déposer une proposition de loi, il me semble indispensable de défendre l’instauration dans la loi d’un seuil de présomption de non-consentement sexuel, qu’il soit de 13 ou 15 ans.

Notre loi doit changer, mais un changement des mentalités est également nécessaire. La culture du viol existe bel et bien en France. Un article de Libération en a donné cette définition : « née dans la bouche des féministes américaines dans les années 70, désigne un environnement qui tend à banaliser, excuser, minimiser le viol et les violences sexuelles par des mots ou des sous-entendus, dans la vie de tous les jours, les médias, la culture, voire la politique. ». Cette culture du viol s’exprime dans les propos de l’homme qui a violé Sarah : « Vous savez, maintenant, les filles sont faciles. Avant, à mon époque, il fallait rester au moins un an avec une fille pour la baiser, mais maintenant c’est en dix minutes. ». Mais aussi, et c’est d’autant plus grave, chez les policiers qui ont fourni des éléments (à charge) censés éclairer la « personnalité » de Sarah, soit des SMS à connotation sexuelle et des photos où l’on distingue sa poitrine. Comme le dit très justement son avocate, Me Diebolt : « Il y a une différence entre communiquer des photos à un garçon qu’on croit aimer sur un réseau social et accepter une relation sexuelle réelle avec un inconnu. ». Le fait d’invalider le témoignage d’une victime au regard de ses comportements sexuels supposés, selon des jugements moraux, participe incontestablement de cette culture du viol. La culture du viol transparaît enfin lorsque Sandrine Rousseau vient parler de son combat contre les violences sexuelles dans l’émission On est pas couché et qu’un chroniqueur lui dit : « Je vous ai beaucoup entendu beaucoup parler sur cette violence, mais très étrangement, et avec tout le respect que je vous dois, je n’ai pas senti cette violence ». Ainsi, il enjoint Sandrine Rousseau à donner plus de détails sur son agression et vient conforter l’idée que les victimes doivent sans arrêt fournir des preuves supplémentaires de leur agression, y compris hors-tribunaux.

Face à tout ça, j’ai l’intime conviction que la réponse doit être politique. Cela passe par l’amélioration de nos lois, mais aussi par notre éducation, ainsi que par notre vigilance quotidienne, dans les sphères privées autant que publiques. Il ne faut pas laisser les femmes seules face à leurs agressions, à commencer par Sarah, dont le procès de son agresseur va se jouer en février. Hier encore, Michaël Hajdenberg écrivait un article dans Mediapart sur Marie, 37 ans aujourd’hui, entre 9 et 12 ans quand elle a été violée par le gardien de son immeuble. L’homme a été condamné à un an de prison dont six mois avec sursis, non pas pour viol, mais pour « attentat à la pudeur sur une mineure » (devenu l’atteinte sexuelle sur mineurs dans le nouveau code pénal de 1994). C’est Marie elle même qui a contacté le journal après y avoir lu l’article sur Sarah. Elle prononce ces mots : « Le silence c’est ce qui m’a perdue ». Parlons. La honte doit changer de camp.

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