Quand les fiertés dérange la "vertu hongroise"
Viktor Orbán, lassé de voir défiler des drapeaux arc-en-ciel sous les fenêtres de son fascisme triomphant, le Premier ministre hongrois a annoncé que la Pride était désormais aussi indésirable que Bruxelles dans ses discours. « Un gaspillage d'argent et d’énergie », a-t-il décrété, comme si la marche des fiertés figurait au budget national à côté du rachat des médias ou des contrats douteux avec Pékin.

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À peine le temps de souffler que Gergely Gulyás, ministre et perroquet officiel du régime, a enfoncé le clou : la parade « sous la forme où elle a existé jusqu’à présent n’existera plus ».
Une annonce qui laisse supposer que l'État n'a nullement l'intention de la remplacer par une kermesse médiévale, ni même par des séances de thérapie de conversion collective. Après tout, avec le régime Orbán, on ne sait plus vraiment où s'arrêter dans l'inventivité obscurément réactionnaire.
L’arc-en-ciel sous haute surveillance
Faut-il y voir une nouvelle étape dans la croisade morale menée par Budapest ? Depuis la loi de 2021 qui mettait sur le même plan homosexualité et pédophilie, l’exécutif n’a jamais cessé de tester jusqu’où il pouvait pousser le curseur du conservatisme.
Aujourd’hui, c’est un pas de plus : non seulement les personnes LGBTQIA+ n’ont plus le droit d’exister dans les manuels scolaires ou les bibliothèques, mais ils doivent aussi disparaître de l’espace public.
Et comme à chaque coup de force du régime, la rhétorique est bien rodée. Les manifestants seraient une menace, la Pride un outil de « propagande », et surtout, elle n’est plus « tolérée » par le pays – comprenez : par Orbán et son clan.

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Le syndrome Poutine
Mais pourquoi maintenant ? La Hongrie se rêve-t-elle en Russie bis ? Depuis que Vladimir Poutine a fait de l’homophobie d’État un pilier de sa politique, les réactionnaires européens se sentent pousser des ailes.
Orbán, jamais en retard d’un populisme, teste donc l’élastique de l’oppression : s’il ne casse pas sous la pression européenne (relative), alors pourquoi s’arrêter ?
Le parallèle avec Moscou est d’autant plus frappant que les adversaires désignés sont les mêmes : les minorités, les militants, et bien sûr l’Occident décadent. Budapest se sent libérée depuis que Trump a fait son retour, et la disparition de David Pressman, ex-ambassadeur américain et soutien de la Pride, sonne comme un feu vert à la radicalisation.

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L’histoire ne repasse pas les plats… mais les recycle
Il n’y a qu’à ouvrir un livre d’histoire pour voir où mènent ces dynamiques. Désigner un groupe comme ennemi intérieur, justifier des privations de droits au nom de valeurs nationales, interdire des rassemblements au prétexte qu’ils dérangeraient la bonne société... Voilà des recettes éprouvées, dont les souvenirs devraient pourtant glacer les plus nostalgiques.
Les organisateurs de la Budapest Pride, eux, restent déterminés. « La fierté était, la fierté est et la fierté sera », ont-ils martelé. Il faut espérer qu’ils aient raison.
Car à ce rythme-là, les prochaines marches de fierté risquent de ressembler à des manifestations clandestines.