Énième chimère macronienne ou l'art des mirages
Vendu comme l’antidote aux fractures sociales, le SNU devait transformer une jeunesse hétéroclite en bataillons harmonieux, disciplinés et patriotiques. Une belle idée, n’est-ce pas ?
Cet obscur projet a accouché d’une montagne de dysfonctionnements pour un gouffre financier.
Dès ses débuts, le SNU a montré ses limites : des encadrants débordés, des jeunes exténués et des scandales à la pelle.
Rappelez-vous l’épisode tragi-comique d’Évreux, en 2019, où des cohortes d’ados se sont écroulées comme des dominos sous le soleil, tout cela pour l’inauguration d’une place en hommage au feu Général De Gaulle. Un spectacle navrant, mais pas de quoi refroidir les ardeurs des stratèges de la "jeunesse en uniforme".
Discipline ou humiliation ?
Les promesses de cohésion ont rapidement pris des airs de mauvais sketch. Racisme, harcèlement, agressions : les témoignages s’amoncellent comme des piles de dossiers au tribunal. Punis collectivement pour des peccadilles, soumis à des exercices punitifs interdits, les jeunes engagés dans ce programme ont parfois découvert, à leurs dépens, les joies d’une discipline qui tourne à l’humiliation.
Dans les Hautes-Alpes, dix-sept jeunes hospitalisés après un bivouac ; en Martinique, une agression sexuelle sur une mineure par un encadrant ; en Haute-Savoie, des pompes sur les poings dans les graviers pour quelques esprits frondeurs. Cohésion ? Plutôt chaos.
Une école en ruines et des millions jetés par la fenêtre
Et pendant ce temps-là, que faisait-on pour l’Éducation nationale ? Elle, qui crie famine à longueur d’année, voyait défiler des millions pour financer des séjours militaro-folkloriques pendant que ses classes débordaient, que ses murs s’effritaient et que ses profs, payés au lance-pierres, tentaient de colmater les brèches d’un système à bout de souffle.
125 millions d’euros pour le SNU en 2023. Pendant ce temps, des élèves apprennent à lire dans des préfabriqués insalubres. Priorités, dites-vous ?
En tirant la chasse sur le SNU, le Sénat n’a pas seulement renvoyé cette réforme à ses cartons : il a sauvé les finances publiques d’un naufrage annoncé.
Mais derrière les chiffres se cache un échec politique monumental. Gabriel Attal, désormais président de son groupe à l’Assemblée, se retrouve avec ce fiasco autour du cou, tel un uniforme bien trop grand pour lui.

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Plutôt que d’uniformiser la jeunesse, ne valait-il pas mieux, comme le dirait Jaurès, "aller à l’idéal et comprendre le réel" ? Transmettre la citoyenneté, oui, mais dans des écoles qui tiennent debout, avec des enseignants qui ne luttent pas à chaque rentrée pour un minimum de moyens.
Au final, le SNU n’aura été qu’un miroir aux alouettes, une parenthèse uniformisée qui se referme avec fracas. Allez, circulez, y’a plus rien à voir… ni à financer.