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(Texte tiré d'une chronique lue sur le plateau de l'Émission Populaire : https://twitter.com/FranceInsoumise/status/1709632555480223753)
Comment planter sa campagne en beauté ? Tuto, c’est parti !
Étape 1
Profiter d’une échéance législative pour signer l’accord le plus ambitieux politiquement depuis une bonne quarantaine d’années au moins. Se mettre d’accord sur un programme, faire naître l’espoir chez beaucoup de Français et d’électeurs et réussir ainsi à plier Le Pen et Macron au premier tour, tout en augmentant le nombre d’élus de gauche à l’Assemblée nationale au second. Profiter ainsi de ce formidable élan pour éviter un naufrage annoncé après une campagne présidentielle manquée et un résultat très, très, très, très (...) faible. Check !
Étape 2
Prendre discrètement ses distances avec cet accord, non pas sur des enjeux politiques majeurs, mais sur des questions stratégiques tout à fait dépassables, au prétexte que même si tu as un bilan plutôt fébrile sur la période précédente, tu sais mieux que les autres comment faire parce que c’est comme ça, tu sais tout, t’as raison, t’es le plus fort le plus beau le plus intelligent et les autres, "booouuuuh c’est nul", "oh la honte", ils ne savent pas faire comme il faut et ils parlent trop forts en plus ! "Eh c’est super grave ça !" (Même s’ils ont fait mieux que toi pendant 10 ans, vous suivez ?). Allez, Check !
Étape 3
Jouer d’abord une partition frileuse, puis expliquer que finalement, pour les européennes, tu vas plutôt partir tout seul parce que après tout tu le sens bien comme ça. Comme tu vois bien que ça ne plait pas trop aux électeurs de gauche, tu trouves une explication pour rassurer l’équipe. Tu expliques donc que l’accord tient toujours quand même, même si tu pars pas unis avec les autres mais seul dans ton coin, tentant un improbable “l’union, c’est la division”, qui rendrait fou n’importe quel mathématicien ou philosophe qui se penche sur le sujet. Check !
Étape 4
Justifier ce choix par des arguments assez bancals, utiliser des termes comme “forceurs” ou “lobbying” pour parler de négociations politiques (forcing et lobbying qui, au passage, ne t’ont pas dérangé quand il s’agissait de t’assurer des députés que tu n’aurais jamais eu sans l’accord initial, mais enfin là on chipote ,on chipote !). Expliquer aussi que tout ça, c’est quand même super hyper mega giga important, vu que ça va te permettre de gagner 3 ou 4 postes de députés européens... ce qui est bien connu est l’assurance de la victoire électorale te permettant de prendre le pouvoir et donc de changer la vie des gens ensuite. Alors que partir unis pour plier Macron et Le Pen en même temps, ça c’est de la soupe, un détail, une broutille. Check !
Étape 5
Envoyer poliment balader les organisations jeunesse de ton parti et des autres membres de l’accord, qui ont pourtant rédiger un programme commun à défendre. Manque plus que la liste, mais enfin faut quand même pas déconner, on ne va pas suivre la demande de ces inconscients jeunes Padawan (qui correspond, certes, à la demande de 80% des électeurs de gauche). Non et non. L’union pour la crise sociale et écologique on s’en fout, l’union pour la victoire aussi. On continue, c’est nous qu’on a raison. Check !
Étape 6
Penser à dire quand même que c’est de la faute des autres, de ceux qui tendent la main et relancent depuis des mois pour que l’union soit sauvegardée, si l’union meurt. Oui, là encore c’est technique, mais enfin en montant deux ou trois trucs en épingle et en disant que Roger il parle quand même un peu fort, ça va le faire non ? Check !
Étape 7
Faire un score tout pété aux européennes, laisser les fachos et les libéraux en tête, voir s’imprimer de beaux visuels qui te mettent bien derrière, mais claironner partout que t’as gagner 2 députés européens ! Enfin peut-être hein, ce n’est même pas sûr… d’ailleurs en passant, il faudrait quand même pas que "l’équipe à Roger qui parle trop fort" fasse un plus gros score que toi, parce que sinon"on va passer pour des cons", et puis ça va finir par se voir qu’on fait perdre la gauche avec nos stratégies nulles. Mais enfin bon, on croise les doigts et ça va passer ! Chekh !
Voilà voilà. 7 étapes et ta campagne est bien foirée, en beauté ! D’ailleurs l’impact d’un tel râté peut même être encore plus puissant : si tu démotives assez les électeurs de gauche d’aller aux urnes, lassés par des tambouilles internes désuètes et dépassées, te voilà en position de foirer aussi les élections suivantes, et pourquoi pas jusqu’à 2027 ! Ah, que ne ferait-on pas pour quelques sièges au Parlement européen !
Ça vous semble absurde ? Moi aussi. Merci aux jeunes et à tous les militants qui continuent à se battre pour l’union. La victoire est possible. On a le programme. On a la rupture. On a la méthode. Reste à abattre la citadelle !
Bastien PARISOT
@BastienParisot