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Billet de blog 21 juillet 2025

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Gaza : va-t-on laisser les derniers journalistes mourir ?

Ils s’appellent Bashar, Ahlam. Ils ont 30 ans. Ils risquent leur vie pour nous raconter la guerre. Aujourd’hui, ils n’ont plus la force de marcher, plus la force de photographier. Et bientôt, ils n’auront plus la force de survivre. Allons-nous rester sans rien faire ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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Depuis plus d’un an, la presse internationale est interdite d’accès à la Bande de Gaza. Seuls quelques journalistes palestiniens, pigistes pour de rares médias comme l’AFP, continuent de témoigner au péril de leur vie. Mais aujourd’hui, nous craignons leur silence. Un silence causé par la faim, l’épuisement, et la mort qui approche.

Cette note s’appuie sur le communiqué publié le 21 juillet 2025 par la Société des journalistes de l’AFP, qui lance un cri d’alarme bouleversant. Si rien n’est fait, des journalistes vont mourir. Et avec eux, s’éteindra l’une des dernières lumières de vérité sur le génocide en cours à Gaza.

Le cri d’alerte de ceux qui tiennent encore debout

Bashar travaille pour l’AFP depuis 2010. Fixeur, photographe pigiste, il est devenu en 2024 leur principal photographe à Gaza. Samedi 19 juillet, il écrit sur Facebook : « Je n’ai plus la force de travailler pour les médias. Mon corps est maigre et je ne peux plus travailler. »

Il vit dans les ruines de sa maison à Gaza City avec sa mère, ses frères et sœurs, dans une misère absolue. La maison n’a plus de toit, seulement des coussins pour dormir. Son frère est mort de faim. Son corps s’épuise, et avec lui disparaît la dernière lumière qui permettait au monde de voir.

Comme Bashar, Ahlam, pigiste vidéo dans le sud de Gaza, tente encore de « témoigner ». Elle le dit elle-même : « Chaque fois que je quitte la tente pour couvrir un événement, réaliser une interview ou documenter un fait, je ne sais pas si je reviendrai vivante. »
Le plus grand danger aujourd’hui ? Le manque d’eau potable, de nourriture et de médicaments. Le danger d’un génocide qui ne dit pas son nom, mais qui s’inscrit chaque jour un peu plus dans les corps et les esprits.

Ces journalistes n’ont ni essence, ni véhicule, ni protection. Ils sont jeunes, ils sont courageux, mais leur force les abandonne. Ils ne tiennent plus que par devoir. Pour que nous sachions.

Déjà 150 journalistes tués à Gaza

Depuis le début de l’offensive israélienne en octobre 2023, plus de 150 journalistes et professionnels des médias ont été tués à Gaza, selon la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). Il s’agit de la plus grande hécatombe journalistique du XXIe siècle, et probablement la plus rapide.

La plupart de ces journalistes étaient Palestiniens. Beaucoup ont été tués chez eux, avec leurs familles, sans jamais avoir été sur le terrain ce jour-là. D’autres ont été abattus alors qu’ils portaient des gilets “PRESS”, clairement identifiables. Le CPJ parle d’un “niveau sans précédent de violence contre les journalistes”, dénonçant des “attaques ciblées” qui pourraient relever de crimes de guerre.

Ces morts ne sont pas des accidents. Ils traduisent une stratégie : éteindre les témoins, tuer les récits, éradiquer les images. Aujourd’hui, ceux qui restent – comme Bashar et Ahlam – n’ont plus la force, ni les moyens de continuer.

Gaza : un génocide en direct, dans le silence des puissants

Depuis octobre 2023, Gaza est devenu un champ de ruines, une prison à ciel ouvert bombardée chaque jour, chaque nuit, par l’armée israélienne. Ce n’est plus une guerre. C’est un génocide.
Un peuple qu’on pousse à l’exil ou à l’extinction. Une société qu’on détruit méthodiquement, pierre par pierre, corps par corps, mot après mot.

Bilan humain :

- Plus de 58 000 morts, dont une majorité d’enfants et de femmes
- Plus de 142 000 blessés
- plus de 50 000 enfants tués ou blessés
- 1,9 million de personnes déplacées, sur 2,3 millions d’habitants.

La communauté internationale regarde ailleurs. La France se tait. Et quand des voix s’élèvent pour dénoncer ce massacre, elles sont attaquées, salies, censurées. Ce fut bien sûr le cas dans notre pays de la France insoumise, dont le fondateur Jean-Luc Mélenchon comme l'ensemble des élus et militants subissent, depuis des mois, un acharnement incessant, d'accusations d'antisémitismes sans fin.

Et pourtant, le mouvement de gauche continue à tenir la ligne pour dénoncer et agir face au génocide : quelques semaines après que Rima Hassan, députée européenne insoumise, ait embarqué sur le Madleen pour rejoindre Gaza, interceptée et retenue prisonnière par le pouvoir israélien, deux nouvelle élues insoumises, Gabrielle Cathala et Emma Fourreau, ont embarqué à bord du Handala, un navire civil parti d’Italie avec pour mission de briser le blocus de Gaza et d’y acheminer une aide humanitaire. Par tous les moyens, il faut interpeller, hurler notre colère, marquer les esprits, éveiller les consciences. Les insoumis y prennent largement leur part.

Quand les journalistes meurent en silence, c’est notre regard qui s’éteint

Et bien sûr, le rôle des journalistes présents sur place, armés d'un courage infini qui force le respect, est central dans la connaissance des horreurs commises par les israéliens à Gaza. 

Pour eux, la situation est aujourd'hui urgente. Nous le savons. Depuis des mois, les reporters de l’AFP envoient des appels au secours. Leurs messages sont laconiques, ceux de femmes et d'hommes brisés par la fatigue et par l'horreur. Bashar, ce dimanche : « Pour la première fois, je me sens vaincu. ». Quelques heures plus tard : « Je souhaite que M. Macron puisse m’aider à sortir de cet enfer. »

Et pourtant : rien. Aucune intervention. Aucune aide. L’AFP est impuissante. Les États se taisent. La France regarde ailleurs.

Si la France n’agit pas, elle portera sa part de responsabilité. Si nous nous taisons, nous serons complices. Il reste peu de temps. Exigeons que tout soit fait pour sauver Bashar, Ahlam, et tous les journalistes de Gaza.

Bashar n’est pas qu'un symbole. Il est un homme. Il est journaliste. Il est vivant. Pour combien de temps encore ? Qu'attendez-vous pour agir enfin à la hauteur des enjeux, monsieur Macron ?

Bastien PARISOT
@BastienParisot

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